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DJ 13NRV et Bogoss-Lacoste / ©Seraphine Bermond
13 juillet 2020

Bogoss-Lacoste étire la scène frapcore dans son EP sur Southfrap Alliance

par Alix Odorico

Bogoss-Lacoste, alias Yung Soft et boss du label marseillais Southfrap Alliance, se mouille en solo aujourd’hui avec la sortie du premier EP de la maison qui sent bon la southfrap, sous-genre hybride entre rap français et techno hardcore. Cerveau d’une pieuvre où les influences musicales représentent autant de tentacules, constituant la sève de la cité phocéenne, ville au carrefour des communautés qui s’acculturent depuis toujours. Tsugi sort le thermomètre sur quatre titres qui s’écoutent comme on lirait un livre : l’histoire de la construction d’un « paille » dans sa ville hétéroclite.

Bogoss Lacoste, voici un blaze qui interpelle. On pourrait croire, à la lecture de ce nom, que le garçon a les chevilles gonflées. Il n’en est rien. Si pour lui, le terme « beau gosse » était une façon de s’affirmer autrefois, désormais, il s’en amuse. Une manière de ne plus se prendre au sérieux : « Maintenant, ce blaze, ça m’est resté collé à la peau, on m’interpelle parfois comme ça dans la rue. On en rit et c’est bon del’ ». Pourtant, avant, c’était autre chose : « J’ai toujours été sapé en sous-marques d’Auchan au collège, donc dès que j’ai pu, j’ai claqué mon argent comme je le voulais. Maintenant je trouve ça tarpin capitaliste et con, et je trouve que Lacoste est une marque de fatigués pour tant de raisons. » Des années plus tard, l’ex rappeur a grandi et s’est recentré. Il s’interroge, lui et sa culture, et interpelle le paysage bigarré de la southfrap : « Marseille ça a toujours été une ville qui brasse plusieurs cultures, la southfrap n’est qu’un produit de plus de cette ville créative. Marseille nous a fait, on fait Marseille ».

©Seraphine Bermond

 

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Les présentations sont faites. Mais qu’en est-t-il de l’EP ? « Il est résolument tourné vers des ambiances qui font plutôt partie des musiques club. » Autour de ces quatre titres, celui qui vient du rap dépeint à lui seul autant de styles qui font de Marseille une ville aux multiples influences. S’il a quelque peu « switché » les samples de rap français – qui donnent aussi son cachet à Southfrap Alliance – l’EP n’en reste pas moins qualitatif, puisqu’il est composé d’un cocktail explosif de genres prouvant que la scène marseillaise est en constante mutation. « « Rupture » a été le premier titre que j’ai composé, nettement instrumental, j’ai voulu connecter deux musiques à l’énergie forte qui me paraissent logiques de croiser : la jumpstyle et la ballroom house ». Un premier track qui donne le ton ou Bogoss-Lacoste (Alexandre de son vrai prénom) prend le pouls et cherche d’emblée à marier les styles. Une pincée de gqom en guise d’alliance en milieu de morceau, et le tour est joué. Un mariage de sonorités qui en fait son modus operandi : « De toute manière, j‘arrive rarement à me cantonner à une seule vibe dans un morceau. Avec mon EP, j’essaie de connecter ce qu’il se passe musicalement dans certaines micro-scènes. » Et c’est bien ce que l’on remarque : rap, dirty dutch house, kuduro, bmore club, reggaeton, baile funk, trap sudiste ou hardstyle, tout est assemblé, déconstruit puis réinterprété à la sauce southfrap.

 « Cet EP symbolise la réalisation et la cristallisation d’amitiés nouées avec des amis proches qui m’ont soutenu dans des moments difficiles, il représente une certaine libération personnelle. »

« La tracklist de l’EP est chronologique ». Cette chronologie – dont revendique celui qu’on interpelle dorénavant « Bogoss-Lacoste » dans la rue – se lit comme un parcours personnel. Des premiers titres où il explore, navigue entre les genres pour les entrechoquer, comme s’il donnait l’impression de se chercher et de comprendre une scène qui se transforme continuellement. Jusqu’à un « bouge tes morts de là », sur « Go Eat Your Deads », clin d’œil « qui envoie bouler certains Parisiens élitistes qui viennent quelque temps à Marseille, le profil haut, croire qu’on a besoin d’eux pour faire la fête ou être dans la hype mdr ». Car, évidemment, quand on est de Marseille, on est fier de l’être. Droit au but, Bogoss-Lacoste.

Sur « Petite Guerre », l’artiste fait référence à son côté « club obscur » et aux films d’horreur qu’il affectionne. Samples de couteaux de boucher, sirènes au loin, il s’énerve : « Les sirènes sont un peu mes muses et j’adore sonner l’alarme. Ce track est peut-être le plus insolent de la release, mais aussi le plus énigmatique. Tu as du percussif et du destructif dans la longueur, mais l’ambiance reste froide, le son est giflant ». Bogoss-Lacoste conclut son EP de la plus belle des manières : « Roder Anthem », version épique de son propre morceau « J’fais que rôder » sorti en 2017, le ramène finalement dans le passé, peut-être pour ne pas oublier d’où il vient : « J’avais besoin de retomber dans la simplicité d’une mélodie bête et méchante pour venir contrebalancer toute cette émotion, et à la fin de mon EP, revenir à mon rôle de petit con de gabber qui, au fond, ne fait que taper du pied ». Un EP rassembleur bourré de big up à ses potes XXO, Drastiques Mesures, l’autre moitié de son duo Bled Runner, DJ 13NRV du Metaphore Collectif, François Gouret & Azhar de Madi Sérigraphie, son frangin Sucré Saleté et bien d’autres. Méchant, oui. Bête, certainement pas, car l’EP est introspectif. « Il a marqué la fin d’une période et le début d’une nouvelle ère dans ma vie, il symbolise la réalisation et la cristallisation d’amitiés nouées avec des amis proches qui m’ont soutenu dans des moments difficiles, il représente une certaine libération personnelle ».

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