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C2C, la bombe platines

par Tsugi

Il y a dix ans, les qua­tre Nan­tais de C2C (pour “coup de cross”) bal­ayaient tout sur leur pas­sage avec le pro­jet Tetr4 et le tube “Down The Road”. Une décen­nie après la sor­tie de l’unique album du groupe, qui leur a offert qua­tre Vic­toires de la musique en févri­er 2013 et les a menés jusqu’à Coachel­la, ces cham­pi­ons du monde de dee­jay­ing et leur man­ag­er his­torique Yann Nédélec se sont rep­longés dans leurs souvenirs.

Arti­cle écrit par Jérémie Baron et Andrea Chazy, issu du Tsu­gi 153, Lomepal : De vive voix

 

Dans quel état d’esprit étiez-vous au moment de la conception de Tetr4, qui correspond à votre explosion en tant que groupe ?

Pfel : Avec cet album, on débar­quait peut-être pour le grand pub­lic, mais on avait déjà dix ans de car­rière der­rière nous avec les DMC (qua­tre titres de cham­pi­ons du monde par équipe du Dis­co Mix Club, ndr). Là où les gens ont vu ça comme un début, pour nous c’était une manière de finir la belle his­toire des cham­pi­onnats avec un bel album, sans se pro­jeter plus loin.

Atom : Il y avait eu toute la péri­ode des com­péti­tions entre 2001 et 2006, puis une pause entre 2006 et 2010 durant laque­lle on était tous pris sur d’autres pro­jets, que ce soit Hocus Pocus (dont font par­tie 20syl et Greem) ou Beat Tor­rent (com­posé d’Atom et Pfel). Pour fab­ri­quer Tetr4, on s’était retrou­vé pen­dant un mois tous les qua­tre dans une mai­son, chez 20syl à côté de Nantes. Il y avait cet aspect “retrou­vailles”.

20syl : On était qua­si­ment dans le même mood que quand on créait nos sets de bat­tles : aller dans le plus de direc­tions pos­si­bles, explor­er le plus d’univers sonores et avant tout se faire plaisir. On ne se pro­je­tait pas dans quelque chose d’aussi gros que ce que c’est devenu par la suite. On s’est ren­dus compte que ça nous dépas­sait lorsqu’on a fait ce show­case à la Fnac de Nantes (le 5 sep­tem­bre 2012, ndr) où d’un seul coup, on s’est retrou­vés avec une tonne de kids devant nous, et ça pous­sait un peu les murs. C’était un truc qu’on n’avait pas encore con­nu jusqu’ici.

 

Comment avez-vous géré ce basculement inattendu dans la catégorie grand public ?

Greem : À la base, C2C, c’est qua­tre potes de lycées qui font du scratch, qui sont assez sim­ples, un peu geeks, et qui n’ont pas l’habitude du star sys­tem. Quand on a vu tout ce qui arrivait, on a gardé la tête sur les épaules et on est restés soudés avec notre univers.

20syl : Pour con­tin­uer sur la Fnac de Nantes, on s’était fait arrêter par une bande de kids qui étaient éton­nés qu’on par­le français et qu’on vienne de Nantes. Ils avaient enten­du les tracks à la radio et pour eux, on venait d’ailleurs. Ça les fai­sait hal­lu­cin­er. C’était peut-être dû au fait qu’on n’avait pas affiché nos têtes sur le disque, ça nous don­nait une cer­taine tranquillité.

Yann Nédélec : Je me sou­viens avoir reçu des requêtes de Radio FG qui arrivaient en anglais, parce que les mecs étaient per­suadés qu’on était anglais ou améri­cains. J’ai égale­ment su que Steven Tyler d’Aero­smith se chauf­fait, avant de mon­ter sur scène, avec “Down the Road”. Un jour, j’ai même reçu un DM de Jer­maine Dupri qui voulait qu’on aille boss­er pour Mari­ah Carey.

 

Vous avez des exemples de choix un peu risqués que vous avez décidé de faire ?

Yann : On a reçu la sol­lic­i­ta­tion de Sky­rock qui voulait ren­tr­er “Down the Road” en playlist, mais ils voulaient qu’on fasse une “Sky ver­sion” avec un rappeur français. Même si on vient du rap, on a dit non. Quinze jours après, ils ont ren­tré le morceau.

Atom : On a même fait un Planète Rap !

Greem : Avec les gens qu’on avait choi­sis, du coup on a fait un truc avec 1995, c’était super. On ne s’est jamais fait impos­er des choses. Tarata­ta par exem­ple, on a kif­fé parce que c’est un pro­gramme légendaire que plein d’artistes qu’on admire ont fait.

Pfel : Nagui aimait bien ce qu’on fai­sait, il voulait com­pren­dre. Même si lors du live, il nous a un peu piqués. C’était désta­bil­isant car il voulait nous tester. Mais on est retombé sur nos pieds, on y est allé de façon péd­a­gogique. On n’a rien à cacher sur nos méth­odes de tra­vail, on n’utilise pas des sons qu’on pioche dans le vent, on va enreg­istr­er des zicos, on réflé­chit avec eux. C’était plutôt cohérent, dans l’explication, et ça désamorçait tout ça.

Greem : Nagui n’avait pas reçu beau­coup de DJ’s, on devait faire par­tie des pre­miers. C’était un peu ce défi, cette manière d’apprendre à se con­naître sur le plateau parce que lui devait se dire “ils ont été piller des sam­ples”.

Atom : C’est la même con­fu­sion depuis des années : on entend les mots DJ, pro­duc­teur, élec­tro… Les gens voient un mec sur scène avec une table devant lui, ils ne savent pas si ce sont des platines, un ordi, un con­troller… Dans notre live, il y avait un aspect péd­a­gogique parce que le son et la vidéo étaient calés. J’ai sou­vent eu des retours dis­ant que les gens com­pre­naient ce qu’on fai­sait, en tout cas visuellement.

20syl : L’utilisation en live du scratch vidéo comme on l’a fait, avec une con­cep­tu­al­i­sa­tion graphique der­rière, je crois qu’on a été les seuls à le faire, du moins de cette manière.

C’est mar­rant d’être caté­gorisé comme un groupe phare de l’électro. Cer­tains puristes n’ont pas kif­fé qu’on vienne sur leurs plates-bandes.” Greem

 

À l’instar de Taratata ou de vos quatre Victoires de la musique, vous êtes alors devenus une porte d’entrée vers l’électro. Vous vous étiez imaginé cela ?

20syl : Ce n’était pas voulu. On a tou­jours cher­ché à faire une musique intem­porel, trans­généra­tionnelle et qui n’a pas de fron­tière. On a tou­jours pris plaisir à cass­er les codes et faire les mélanges les plus sur­prenants pos­si­bles. Il y avait des ryth­miques très élec­tron­iques mais d’un autre côté des musi­ciens du blues, du jazz ou du gospel. Mal­gré nous, l’une des car­ac­téris­tiques du pro­jet était de ren­dre la chose acces­si­ble à tous. Pas avec quelque chose de sim­pliste ou car­i­cat­ur­al, car on est par exem­ple allé chercher des bons blues­men pour avoir un son authentique.

Greem : C’est mar­rant d’être caté­gorisé comme un groupe phare de l’électro. Cer­tains puristes n’ont pas kif­fé qu’on vienne sur leurs plates-bandes. Quand tu sors un album, on te demande dans quoi tu vas le cocher : “turntab­lism” (l’art de la créa­tion par les platines, ndr), ça n’existe pas. “World” c’était déjà un peu mar­qué, “hip-hop” peut-être lim­ité par rap­port à notre style, tout le monde nous dis­ait qu’on fai­sait de l’elec­tro music donc on a mis ça, C’était drôle de voir les guéguer­res que ça pou­vait créer sachant que nous, on s’en fout.

Atom : À l’époque, il y avait les DJ’s tech­no et les DJ’s hip-hop. Pareil pour les beat­mak­ers. On était cat­a­logués élec­tro alors qu’on était beau­coup plus dans cette vision qui venait du hip-hop et du sampling.

 

Parlons de ces Victoires de la musique justement. Quel souvenir en gardez-vous ?

Atom : C’est un sym­bole, les Vic­toires. Déjà, c’est une recon­nais­sance, un peu comme Tarata­ta : c’est un truc très fort avec lequel on a gran­di en France. Ça représente quelque chose pour les gens de notre généra­tion. Je pense que cela a con­crétisé cette recon­nais­sance du grand pub­lic et de la pro­fes­sion, parce que ce sont aus­si des pro­fes­sion­nels qui votent. Il y a un aspect très sym­bol­ique qui par­lait à nos familles.

Pfel : C’est une forme de con­sécra­tion car on ne s’y attendait pas, mais ça fait plaisir. Ces qua­tre Vic­toires, on les a pris­es les unes après les autres un peu aba­sour­dis dans notre chaise à chaque fois qu’on se lev­ait. C’était un beau moment. Cela nous a surtout don­né l’occasion de faire une belle “créa” car on avait “F.U.Y.A. avec une chorale, une façon de plus de repouss­er les lim­ites sur la mise en scène d’un morceau.

Greem : Avec un orchestre, même ! Les Vic­toires pour nous, c’était une cer­taine recon­nais­sance, un moment encore lunaire dans cet enchaîne­ment de suc­cès. Il y a tou­jours un emballe­ment et donc quelqu’un qui va être très en vue, il va être partout sur les évène­ments de cette trempe là, dans les mag­a­zines, à la TV. C’est un peu too much, par­fois. Avec le recul, quand les gens nous voient, ils ne vont pas dire “Ah c’est C2C, les qua­tre Vic­toires de la musique”, ils dis­ent “qua­tre fois cham­pi­ons du monde” et je pense que c’est ça, nos vrais trophées.

 

Pendant cette période, vous avez fait énormément de shows en Europe et dans le monde, avec Coachella comme point d’orgue. Lequel retiendrez-vous ?

Atom : Coachel­la, ce n’était pas tant le show en lui-même qui était mar­quant. C’était plus d’arriver dans cet univers où, en plus, tu avais les Daft Punk, venus avec Pharell Williams pour présen­ter “Get Lucky” au monde entier. On était avec eux dans les loges, c’était dingue ! On était un peu à Disneyland.

Pfel : On se sen­tait un peu en mode “fans” à ce moment-là, tout en étant con­scients aus­si d’être à notre place. Mais on se sen­tait petit face à toutes ces gross­es stars améri­caines. On a eu la chance de par­ler avec Thomas Ban­gal­ter, de mémoire il nous dis­ait que sa fille dan­sait sur “Hap­py”.

Greem : Je me sou­viens d’un moment de folie où on avait joué sur un char qui déam­bu­lait dans Paris durant la Love Parade (le 30 sep­tem­bre 2012, ndr). On s’était regardés tous les qua­tre et on s’était dit “qu’est-ce que c’est que ce bor­del !” Tu avais 100 000 per­son­nes  dans les rues, sur les abribus, qui écoutaient aux fenêtres, qui se tas­saient devant les chars où les CRS essayaient de les repouss­er. On était trop heureux et en même temps, on flip­pait un peu ! Tu avais l’impression que ça pou­vait par­tir en émeute, je crois même que le préfet avait appelé les forces de l’ordre pour arrêter tout ça.

Yann : Tout le char était entouré de CRS avec des boucliers pour repouss­er les gens qui couraient ensuite vers la rue suiv­ante pour con­tin­uer à écouter ! On était à deux doigts de se faire couper le show.

Pfel : À la fin, on a même été exfil­trés dans des four­gons par la police.

 

Down the Road” a été l’immense succès de cet album. Vous aviez tout de suite senti que vous possédiez un énorme tube ?

Atom : Pas moi, en tout cas. Je le voy­ais comme un truc tech­nique, de show DMC. Je n’imaginais pas que ce serait celui qui passerait sur NRJ.

Greem : Ou sur Rire et Chansons !

Pfel : Il y a eu une his­toire sur la longueur avec ce morceau. On avait l’idée de faire des crossover entre la coun­try, le funk, le hip-hop, l’élec­tro. Mais il nous a longtemps man­qué l’étincelle. Un dimanche, 20syl nous a dit de pass­er chez lui alors que c’était le seul jour de pose lors de la créa­tion de l’album. Dès les pre­mières notes, on a com­pris que quelque chose se pas­sait. J’avais sen­ti le petit fuego derrière.

20Syl : C’est un morceau sur lequel on avait accu­mulé énor­mé­ment de matière. On avait fait beau­coup de pris­es, fait venir beau­coup de musi­ciens : har­mon­i­ca, gui­tare, on avait ces voix mais on n’arrivait pas à artic­uler tout ça. Un jour, je m’y suis mis : j’ai tout découpé et mis ça dans des sam­pleurs en faisant une espèce de remix de tout ce qu’on avait. C’est de là qu’est venue cette idée de découpage à l’extrême, qu’on sent dès l’intro.

Atom : J’ai des sou­venirs de dis­cus­sions par exem­ple avec le groupe plutôt pop Gush, je me dis­ais que c’était plus un morceau comme ça (C2C et Gush ont tra­vail­lé ensem­ble sur le titre “Genius”, ndr) qui pour­rait devenir plus pop­u­laire. Un morceau stan­dard, avec couplet/refrain.

Greem : On par­lait même de “Who Are You” à l’époque, qui nous parais­sait plus radio friend­ly. “Down the Road” a un côté geek qu’on a tou­jours eu avec beau­coup de scratchs, d’instruments et on ne pen­sait pas qu’il allait faire l’unanimité !

 

Et qu’il finirait même à la TV

Pfel : Ce morceau a une grande force en musi­cal image, on peut séquencer des choses hyper effi­cace­ment dessus. Les dif­férentes cam­pagnes pub­lic­i­taires ont par­ticipé à son suc­cès, notam­ment celle de Dr Pep­per aux Etats-Unis. Il y a aus­si eu Google Chrome en France.

20Syl : Je me rap­pelle d’un long débat pour choisir le titre du morceau. (rires)

Pfel : On avait fait un vote secret avec cinq propo­si­tions cha­cun. On avait tous mis à peu près les mêmes trucs. Ça a fail­li s’appeler “Rouge” il me sem­ble. Ou  “Bâton-Rouge”, en référence à la ville de Nou­velle Orléans et à ses codes coun­try. Pour ceux qui ne con­nais­sent pas, ça peut paraître un peu abstrait.

Atom : Finale­ment “Down the Road” c’est quand même le plus évi­dent, comme c’était ce que dis­ait la voix. (Rires.) Il ne fal­lait pas aller chercher trop loin !

 

En tant qu’entité C2C, quelle trace pensez-vous avoir laissée avec ce projet ?

Atom : On s’est sou­vent dit qu’on était arrivés avec le bon pro­jet au bon moment. Der­rière, il y a eu des Flume, Kay­trana­da, les mou­ve­ments Future Beat, Beat Music, Sound­cloud, qui sont arrivés et exis­taient par leur musique. Ce qu’on met­tait en avant c’était notre musique, pas du tout un chanteur et la musique en arrière-plan. On n’est pas les pre­miers à l’avoir fait, mais on a peut-être par­ticipé à met­tre cette vision sur le devant de la scène, comme St Ger­main l’a fait il y a vingt ans, ou les Daft.

20Syl : On a for­cé­ment lais­sé une trace dans l’esprit et le cœur des ados. Encore aujourd’hui, j’ai tou­jours un fris­son quand j’écoute l’album des Roots Do you want more ?!!!??!, les albums du Wu-Tang ou le pre­mier album de Dirty Bas­tards. Parce que ce sont des trucs que j’écoutais dans le bus en allant au col­lège ou lycée.

Greem : Quand des gens vien­nent nous voir et dis­ent “C2C, c’est trop notre ado­les­cence” avec des étoiles dans les yeux, tu te dis que ce truc est inter­venu dans leur vie. C’est assez kiffant.

20Syl : Je pense que, quand cer­taines per­son­nes auront 35–40 ans et qu’elles réé­couteront “Down the Road” ou d’autres morceaux, ça leur fera ce petit effet, et c’est une grande sat­is­fac­tion. Tu sais que tu as touché cer­tains de la même manière que des trucs ont pu te touch­er quand tu étais ado.

Atom : Et tu te rends compte qu’il y a encore des util­i­sa­tions dans des émis­sions de TV. Par­fois, j’entends “Down the Road” au super­marché ou à la radio.

Greem : Je ne l’ai pas encore enten­du pass­er sur Nos­tal­gie, heureusement.

 

À quoi pensez-vous en premier, quand on évoque l’aventure C2C ?

20Syl : J’ai envie de retenir la pre­mière vic­toire aux DMC, à Lon­dres. Non, en fait, je vais en retenir une qui est un négatif-positif : la date à Greno­ble, en 2001 (rires), quand on a fait une bat­tle, en sor­tant de scène on était con­va­in­cu d’avoir gag­né et ce jour-là on était dégouté parce qu’on a vrai­ment eu le sen­ti­ment de s’être fait vol­er le titre pour de mul­ti­ples raisons. Et ça nous a col­lé une rage immense, cette défaite. C’est peut être le point de départ des vic­toires d’après. Quand on pré­parait nos sets qui ont suivi cette défaite, on ne lais­sait même pas une petite chance aux autres dans le mil­limé­trage du show, quoi ! On voulait avoir un boule­vard d’avance et on fai­sait tout pour réussir.

Greem : C’est vrai que la bat­tle ça nous a façon­nés, parce qu’on a cet esprit de com­péti­tion. On avait l’esprit de com­pet’ envers les autres mais aus­si envers nous mêmes parce qu’une fois qu’on avait le titre de cham­pi­on du monde à chaque fois on dis­ait “Mais les gars, il n’y a pas moyen : si on revient, c’est avec un show qui va met­tre la calotte” et on se met­tait une pres­sion mon­stre tous les étés pen­dant six ans. Alors que ce sont les années de ta ving­taine, que les autres font la teuf, par­tent en voy­age, à la playa et tout… Bah nous en juil­let on con­stru­i­sait le show et en août on répé­tait. On s’est retrou­vé enfer­mé six étés de suite pour ces trucs-là. On ne se rend pas compte… Quand tu es dedans, tu as la tête dans le guidon, en mode warrior.

Atom : Il y aus­si eu les DMC 2002 où on s’est un peu plan­té, on a eu des soucis tech­niques. Ce sont des choses qui soudent un groupe. Il y a vrai­ment cet aspect équipe. Ça me fait penser à l’équipe de Michael Jor­dan ou France 1998. On garde des liens parce qu’on a partagé ce truc super fort, et Yann fait par­tie du truc. C’est un peu aus­si entre nous cinq. Depuis le lycée, on a eu plein d’occasions de se brouiller, qu’il n’y ait plus de liens entre nous mais pour­tant voilà. Je prends l’exemple du suc­cès : Il y a plein d’exemples de groupes qui arrivent en haut et puis après, ça clash. Nous, on con­tin­ue encore aujourd’hui à s’envoyer des con­ner­ies sur What­sapp, des morceaux qu’on kiffe, des clips, des idées. C’est tou­jours présent et quand on se retrou­ve, la com­plic­ité revient tout de suite.

Pierre : Une petite anec­dote me revient.

20Syl : Ça va lâch­er des doss’ là (rires).

Pierre : On était en tour­bus et on devait par­tir d’Allemagne pour aller en Suisse. On se réveille le matin, on passe dans une sta­tion ser­vice pour se pren­dre un petit déj’, se bross­er les dents et tout. Notre régis­seur recompte tout le monde qui doit mon­ter dans le bus. Je pense qu’il ne devait pas être bien réveil­lé ce jour-là parce qu’il m’a oublié, je devais être aux chiottes. Bref, je sors, je ne vois plus le bus. J’en vois un autre qui ressem­blait au notre mais avec que des retraités dedans donc je me dis “Merde ça c’est pas le mien”. Là, j’appelle le régis­seur qui me dit qu’ils sont par­tis depuis 10 min­utes, qu’il n’y a pas de sta­tions avant la fron­tière donc il me dit de me démerder et de faire du stop. (Rires.) Donc je me retrou­ve à devoir faire du stop en jog­ging, cla­que­ttes sur l’aire d’autoroute avec ma brosse à dents. Heureuse­ment, il y a un mec assez cool qui m’a pris et qui m’a déposé 50km plus loin pour récupér­er le bus. Du coup, j’ai tra­ver­sé la fron­tière à pieds, comme un vieux clan­do’, avec ma brosse à dents et mes claquettes.

20syl : Côté humain, j’ai un regret, c’est de ne pas avoir suff­isam­ment kif­fé le moment, d’avoir trop été dans le cal­cul. Tu es telle­ment dans le truc, à te dire que tu dois faire un show de ouf, que tech­nique­ment tout doit être car­ré, que tu en oublies de t’émerveiller de toutes les choses qui t’ar­rivent. Je n’ai pas suff­isam­ment prof­ité du moment, de ce truc qui n’arrivera peut-être jamais une autre fois dans ma vie : Une tournée excep­tion­nelle, une équipe excep­tion­nelle, être avec des potes de lycée et vivre un truc de dingue.

Atom : C’est plus avec le recul, en retombant sur une pho­to ou une vidéo, que je ressens l’émotion que j’aurais dû ressen­tir sur le moment. On était assez con­cen­trés sur le fait de faire le moins d’erreurs possibles.

C2C

C2C en 2012 à la sor­tie de l’al­bum TETR4. © Syl­vain RICHARD

 

Cette boucle qui se termine en 2012 avec l’album, c’est ce qui explique qu’il n’y ait jamais eu de deuxième projet depuis ?

Pfel : Peut-être en par­tie, parce que ça bouclait une époque et notre envie de met­tre du scratch sur un album. Mais ce n’était pas voulu. La tournée s’est ter­minée en 2015, il y a eu ensuite tout un tas de side projects en solo, et il y en a d’autres à venir.

Atom : Tetr4 est riche de beau­coup d’influences, liées aux goûts de cha­cun et aus­si à ce qu’on avait pu faire avant. Si on s’était mis une pres­sion pour faire un sec­ond album dans la foulée, on aurait eu moins de choses dans lesquelles aller piocher. Si on se décidait aujourd’hui à repar­tir sur un pro­jet, ce serait plus facile d’aller puis­er dans toutes les aven­tures qu’on a eu. Et puis on a eu des enfants, on a con­stru­it nos vies. On a eu la chance de pou­voir vivre notre vie comme on le voulait parce qu’on avait ce luxe d’avoir un pro­jet qui avait bien plu. On est hyper liés, mais on est aus­si qua­tre per­son­nes à part entière. Il n’y a pas eu de calcul.

Pfel : Si on décidait à faire quelque chose, on met­trait la barre haut. On se pose sou­vent la ques­tion “À quoi ça ressem­blerait, un son de C2C en 2022 ?” On n’a pas encore la réponse.

 

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