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Crédits photos © M.TCHAKMAKDJI / F.MAYOLET
23 août 2022

Cabaret Vert, 5 jours de partage et de folles musiques pour une édition XXL

par Corentin Fraisse

Retour triomphant en pays ardennais pour Cabaret Vert, qui vient de clôturer une 16e édition jalonnée de réussites, portée par une énergie collective et contagieuse. Après une édition Face B, retour en jauge pleine avec un format XXL pour cinq jours de musique à coups de têtes d’affiches, de pépites montantes, de belles surprises… Et forcément de bonne bouffe autour du quatuor magique maroilles – jambon – bières locales – boudin blanc.

125 000 festivaliers se sont joints à la fête du Cabaret Vert tout au long de ces cinq jours. Le festival est fier de son indépendance, et s’est parfaitement ancré dans son territoire. Car il semble grandir sans perdre son âme, bien épaulé par 500 partenaires et surtout 2300 bénévoles. Ici on travaille, on vit et on consomme local. Décidément Cabaret Vert réussit à fédérer autour de lui, sur un site immense et familial, avec en tête de file une programmation monstre : 116 concerts sur 5 scènes… même si des artistes ont été perdus en route. En effet le festival n’a pas échappé à la vague d’annulations d’artistes. Anna et Joy Orbinson ont notamment dû annuler, tout comme TSHA, Wolf Alice et SCH. Mais l’orga a su vite se retourner. Nathan Zahef a remplacé TSHA, Fat White Family pour Wolf Alice, Freeze Corleone pour suppléer le S. Clairement pas des remplaçants au rabais.

Fat White Family - Cabaret Vert

Fat White Family © F.MAYOLET

Dès l’arrivée on se met dans l’ambiance avec une Chouffe sirotée devant la soul faite maison de Q., entre pop et rock psyché, avant de se diriger vers Zanzibar (la grande scène) pour retrouver Parcels sous le soleil. Les Australiens sont toujours aussi fringants, font monter la température avec une progression house, avant de livrer un live libérateur pensé comme un mix -car on maîtrise l’art des transitions par ici. Le groove est carré, leurs harmonies vocales impeccables, et on veut le numéro de leur styliste. Une reprise de « I Follow Rivers » de Lykke Li, des yeux pleins d’émotion tout en distribuant des « You guys are on fire! » puis « Oh god look at this : beautiful« … On passe un moment génial, qui lance parfaitement le week-end.

Retour à la scène Illuminations, où on passera quelques fois sur les 5 jours pour voir le rock indé des Britanniques Wet Leg, la fougue rageuse en haut résille de Fat White Family, mais aussi Clutch, Noga Erez, l’afrobeat de Femi Kuti et le hip-hop langoureux de Luidji. On est tombés en pamoison devant la folie furieuse de Marc Rebillet, qui n’a gardé son fameux peignoir que pour quelques tracks avant de finir le concert en caleçon, hurlant, faisant des roulades, aspergeant l’assistance avec son pistolet à CO2… Et bien sûr en montrant toute sa dextérité pour soulever les foules à coups de basses ronflantes, d’un esprit funk indéniable et d’une sensualité à faire pâlir Axelle Red.

Marc Rebillet - Cabaret Vert

Marc Rebillet © F.MAYOLET

Mais la vraie nouveauté de cette édition de Cabaret Vert, c’est l’installation du Greenfloor au milieu des arbres, pour des concerts rap jusqu’à 21h chaque soir, puis violemment électroniques jusqu’à la fin de la soirée. Taper du pied dans la fôret avec en prime, à partir du vendredi, la boue qui a suivi la pluie, bonheur ! Après avoir franchi un pont et la Meuse, on se retrouve dans un cadre fou et loin de tout, hors du temps. On y aura vu les sets au cordeau d’Eris Drew et d’Octo Octa (tout au vinyle, s’il vous plait!), de La Fleur et de Paula Temple, de Patriboi69, Leon Vynehall et Lena Willikens. Le live de Mara en a aussi retourné plus d’un, avec son attitude de badbitch et son mantra « foulamerde ». Avant son concert, une annonce retentissait : « La compagnie Mara se dédouane de toute responsabilité en cas de twerk incontrôlé ou de courbatures au niveau fessier ». Un live définitivement canon. Ce Greenfloor, c’est sans doute l’un des meilleurs spots qu’on ait vus en festival en France ! Là, tout n’est que bamboche et beauté : luxe, kicks et volupté.

 

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La petite scène rock et alternative Razorback aura offert bien des surprises. À commencer par Wu-Lu qui a offert un show au delà des genres, mêlant hip-hop, métal et jazz fusion, pour un final rempli d’énergie punk. 50 minutes impressionnantes quand on sait que Wu-Lu sortait juste de son train avant de monter sur scène. Vendredi, on a bien chanté et dansé sous la pluie sur l’indie rock punk des Leodisiens de Yard Act. Le chanteur James Smith, armé de son large anorak kaki, avait des airs de Liam Gallagher mais la comparaison s’arrête là. Contrairement au Mancurien, Smith donnait à son public d’étranges chorégraphies sur les titres satiriques et antisystème du groupe. « Take the money, take the money and run », avons-nous hurlé en coeur.

Et une heure après, un OVNI a débarqué : Pink Siifu & Negro’6. Le malheureux se produisait en même temps qu’Orelsan, alors la foule était éparse. Le rappeur américain et son crew ont donné l’un des meilleurs moments de la journée, alternant tantôt jam métal et impro jazz. Inattendu ! Mais on peut avancer, sans aucune incertitude, que le meilleur concert sur cette scène est venu de Lynks. L’artiste originaire de Brixton a amené un show drag et déluré à Charleville-Mézières. « Madness joue en ce moment-même, mais montrons que la vraie madness est ici », a-t-iel hurlé. Et pour le coup, la folie était vraiment sur la scène de Razorback. Si le show a commencé avec une centaine de personnes dans le public, il s’est conclu avec une foule conquise. Titres dance alternatifs, chorégraphies et beaucoup d’humour, Lynks et ses danseuses ont ramené tous les badauds égarés du festival. Et un peu trop d’hommes hétéro qui ne comprenaient visiblement pas les paroles de l’artiste (« C’est une bite, c’est une merde, c’est une putain de fente à pisse »).

 

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Côté rap, on a aimé Little Simz, Sopico et Tiakola, pas trop eu le temps de voir Laylow mais on s’est consolé avec le coup de coeur Lala&ce! Enfin quelqu’un qui maîtrise son autotune à 100%, et ça fait du bien. Coup de chapeau aux deux poids lourds du genre : VALD a chauffé l’assistance accompagné de son beatmaker Suikon Blaz AD, en n’utilisant le grand écran derrière lui que pour diffuser ses clips. Bon. Valentin a enchainé ses tubes -« Selfie », « Deviens génial », « Désaccordé » trois fois- et ses feats les plus oufs, notamment avec Damso, Lefa, Lorenzo, Fianso et forcément « Péon » avec Orelsan. D’ailleurs le Caennais a lui aussi maîtrisé son passage sur la grande scène, sourire jusqu’aux oreilles, énergie folle, textes incisifs et tubes repris en choeur par absolument TOUT le public. En revanche, on n’arrive plus à savoir si c’est lourd ou marrant, les « Aurélien ! Une chanson! » scandés par le public.

On aura assez vite nexté Stromae (son album très moyen a dû jouer) et Liam Gallagher (son cinéma à Beauregard a clairement joué), pour plutôt aller admirer des concerts plus underground : le garage-rock carré de Johnnie Carwash, l’élégante bedroom pop de Gus Dapperton, la techno sombre de Nathan Zahef ou encore la hargne de Working Men’s Club -voir un chanteur se fourrer le micro dans la bouche et continuer à chanter/crier, c’était une première pour nous. Mais on n’oublie pas non plus le show holywoodien qu’a offert Slipknot pour l’unique date en France de sa tournée européenne. Masques et costumes évidemment, mais aussi décors industriels, flammes et feu d’artifice. On était comme les familles curieuses autour nous, on n’a rien compris mais c’était bien.

Working Men’s Club © M.TCHAKMAKDJIAN

Mais le prix du meilleur live du week-end -évidemment c’est très personnel- se dispute entre Vitalic et H.E.R. Le premier a envoyé un concert dantesque avec des lumières éblouissantes et absolument grandioses, tout en balaçant ses titres avec minimum deux fois plus de puissance que n’importe quel artiste de cette édition du Cabaret Vert. Chaque basse et chaque kick résonnaient dans chaque fibre de nos corps, et on a dû entendre le concert à des dizaines de kilomètres à la ronde. Si vous comptez aller le voir, prenez une assurance pour vos tympans. Quelle violence, et quel bonheur ! L’Américaine H.E.R. n’a pas joué dans les meilleures conditions à Cabaret Vert : en place sur la grande scène Zanzibar, elle est arrivée sous la pluie -ou plutôt le déluge- devant un public qui, de toute évidence, ne se composait pas de fans. Pire : une bonne partie de l’assistance ne la connaissait pas, on a par exemple entendu « Ouais, c’est Alicia Keys dix ans plus tard quoi ». Pourtant après quelques titres soul, quand elle a montré l’étendue de sa classe et de sa tessiture, qu’elle a enchaîné les vibes soul sans forcer, les coeurs ont commencé à fondre. Et quand elle est partie en solos de guitare, rien n’aurait su l’arrêter. Le public fut pris d’une folie collective sur ses reprises de « We Will Rock You » et de « Are You Gonna Go My Way », et tout le monde était conquis jusqu’à la fin du show. Si en plus on conclue par un « Make it rain » forcément à propos sous les rideaux de pluie, et enfin « Intimidated » (son feat avec Kaytranada) en rappel… Que demander de plus, franchement?

H.E.R. à Cabaret Vert

H.E.R. @ F.MAYOLET

Le dimanche, on retrouvait à la programmation Véronique Sanson, Gaëtan Roussel ou encore Eddy de Pretto, mais aussi Femi Kuti (oui, le fils de Fela), Sopico et Luidji, à un tarif exceptionnel de 19€ ! Cela a rameuté pas mal de familles, de jeunes, de -beaucoup- moins jeunes et surtout des gens qui n’ont pas l’habitude ou la possibilité d’aller en concert/festival. C’est ce genre d’initiatives intelligentes qui fait de Cabaret Vert un endroit à part, petit événement devenu grand mais toujours attentif à son public et à son époque, un festival ancré dans son territoire, fédérateur, ouvert, inclusif… Et définitivement festif ! Alors on a déjà hâte d’être à la prochaine édition du Cabaret Vert, pour de nouvelles aventures ardennaises. (Et aussi un peu pour la bière et le boudin blanc)

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