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© Marion Sammarcelli
5 juin 2023

Camion Bazar en interview : éclectisme musical et plantes hallucinogènes

par Marion Sammarcelli

À Nuits sonores, le duo Camion Bazar a tout fait. Depuis 2016, Romain et Benedetta se sont produits dans leur fameux camion lors des days, au cœur des usines Fagor-Brandt pour la night, lors d’une Boiler Room endiablée à la Sucrière ou encore en plein Lyon pour le format Extra!. Une nouvelle fois à la programmation en 2023… on ne pouvait pas se rendre à Nuits sonores sans les rencontrer. Surtout que cette année, ils jouaient le live qui leur a demandé des heures de travail. Juste avant leur passage, on a pu discuter de leur éclectisme, de l’histoire derrière leur dernier EP Alteration, du processus créatif de leur live A/V, de plantes hallucinogènes et des projets musicaux qui les font rêver pour l’avenir. Un beau programme. 

 

On va commencer par le commencement : c’est quoi, Camion Bazar ? 

Benedetta : Oh putain (rires)… Qu’est-ce que c’est ? C’est une histoire d’amour, de fête, de valeurs communes, de rencontres… C’est un projet multiforme qui a beaucoup évolué avec le temps, même si la ligne directrice reste la passion de la musique, la fête et le partage de nos valeurs depuis toutes ces années.

Romain : Voilà, bravo. Et c’est un duo ! Homme-femme, mariés, pas d’enfants (rires). 

 

À l’écoute de votre dernier EP et de vos projets précédents, mais aussi de vos DJ-sets, vous avez l’air de transcender les barrières des genres musicaux. D’où est-ce que cela vient ? 

B : C’est un peu le bordel. Un matin, on se lève on se dit « tiens et si on partait sur ça ? », le lendemain on fait autre chose. Par exemple, le prochain projet sera plus punk alors qu’Alteration c’est rock, house… Darkmoon 20encore avant- c’était plus électro, micro, un peu triste… 

R : Ça vient de nos origines, en fait. On écoutait plein de styles musicaux différents. On vient du rock, du punk, du funk, de la soul… Ça dépend aussi de notre humeur. Si on se réveille en étant énervés, alors on va faire du rock (rires) !

B : C’est difficile de se cantonner à un seul style. Même quand on mixe, c’est hyper varié. Certains artistes restent dans le même style mais nous c’est assez spontané, on ne réfléchit pas. 

 

 

Pourquoi avez-vous choisi d’appeler cet EP Alteration ? Ce mot a-t-il plusieurs sens pour vous ? Quelle en est votre interprétation ? 

B : Déjà, l’EP vient compléter le live du même nom qu’on va faire aujourd’hui à Nuits sonores. Les deux ont pour but de défendre un concept : le fait d’altérer nos états de conscience. Par différents biais, notamment via le psychédélisme, pour ré-apprendre à regarder et apprécier la nature… Car on la piétine au quotidien avec nos gros pieds, nos avions, nos modes de consommations. L’idée c’est de dire : « regardez la nature est là, apprécions-la et remettons-la au centre de tout ». Sans elle plus rien n’existe. Puis comme on est dans un milieu festif, on sait très bien que tout le monde consomme des drogues de manière récréative… On leur dit juste de ne pas simplement se rouler par terre mais de contempler ce qui les entoure. 

 

À lire également sur Tsugi.fr : Camion Bazar : pourquoi il faut écouter leur dernier EP ‘Alteration’

 

C’est l’histoire que vous avez voulu raconter avec cet EP ? 

B : Aussi, oui ! D’ailleurs le premier morceau s’appelle « Alteration » et plusieurs ont des noms de plantes hallucinogènes comme « Divinorum ». Évidemment, on ne fait pas l’apologie de la drogue. Mais dans notre imaginaire, on est très axés sur tout ce qui est drogues psychédéliques, naturelles. Elles sont à part, elles ont quelque chose de spirituel et d’un peu plus profond. Elles ont le pouvoir de modifier notre état d’esprit et notre point de vue sur le monde de façon drastique. 

 

 

Donc, deux ans de travail acharné pour cet EP et ce live. Mais au fait, comment ça se prépare un live A/V ? Quel a été votre processus créatif ? 

R : C’est compliqué (rires) !

B : Quand on dit deux ans, c’est parce que l’idée est née il y a deux ans. Avant on ne faisait que des DJ-sets, même s’ils étaient déjà hybrides : Romain faisait un peu de batterie, d’improvisation… Il a un passé de musicien, donc ça nous a pas mal aidés pour la création, pour choisir quelles machines, quels instruments on allait intégrer au live. 

R : Et ça n’était pas un projet vraiment écrit, défini, ça s’est fait aussi au feeling. On avait quelques morceaux existants à mettre dans le live, mais on a cousu des sonorités inédites tout autour. Le live A/V, c’est quelque chose qu’on ne connaissait pas et c’est très contraignant. 

B : On est nombreux sur ce projet, on a pris un directeur artistique pour le chapeauter sur la partie visuelle il y a un an. On voulait être plusieurs à réfléchir sur ce qu’on voulait transmettre à travers ce live A/V, sur scène. Et la vidéo, c’est aussi une solution de facilité. C’est juste une clé USB avec des images dessus, on peut faire le tour du monde avec (rires). Jusqu’à maintenant, on a beaucoup joué avec le camion rempli de déco’, on a monté des scènes entières…

R : Quatre heures de montage, de démontage… 

B : Le live est déjà très chargé avec beaucoup de matos de musique, on ne pouvait pas se rajouter la scénographie en plus. Donc on s’est dit qu’on allait tester avec la vidéo pour le premier live. On un ingé’ lumière et vidéo qui nous suit, il fait un très bon travail d’ailleurs. 

 

 

Est-ce que le live a évolué entre sa première représentation à La Machine du Moulin Rouge et ce que vous allez faire à la Sucrière ?

B : Oui, absolument ! Ça va être la cinquième fois qu’on le fait sur scène -peut être la 10 000ème fois qu’on le fait en studio (rires)– donc forcément, il change. Sinon on s’ennuie. 

R : On change l’écriture musicale des morceaux, on en rajoute, on en retire… On change de son, on retire un synthé on en remet un autre… 

B : Ce sont quand même les mêmes morceaux dans un ordre particulier, puis en plus, quand il y a la vidéo on doit respecter la tracklist.

R : Oui parce que l’image est synchronisée avec certains temps forts, donc on ne peut pas tout changer. 

B : Mais c’est prévu qu’on enlève des morceaux qu’on en rajoutent d’autres… Il faut que nous aussi nous soyons excités quand on monte sur scène ! Donc faut qu’il évolue avec nous. 

 

© Marion Sammarcelli

 

Maintenant que vous avez créé ce live, quel serait votre autre projet de rêve ? Celui où vous vous direz : « après ça, on peut mourir tranquille ! » 

B : Alors quand mes chiens auront grandi déjà, j’ai encore plein de trucs à leur dire (rires) ! On a plein d’idées et surtout il y en a beaucoup qui sont contradictoires. La dernière fois, je me disais que ça serait bien qu’on fasse un live avec Romain à la guitare, et moi en compagnie d’une boîte à rythmes. 

R : Ce serait un projet plus basique, plus rock’n’roll ! Une basse, une batterie, une guitare, du chant, ça serait super cool. 

B : C’est vrai que j’aimerais bien faire un truc plus épuré ! 

R : À côté on aimerait aussi un autre live plus expérimental, ambient avec une grosse place à l’improvisation qui durerait quatre heures et où on creuserait dans les folies de la musique. 

 

Seriez-vous séduits par le format album ? 

R/B : Ouais grave ! Mais on manque de temps. 

B : On y arrive ! Mais c’est comme avec le live A/V, on a eu l’idée, ça a pris deux ans… Avec nos dates du week-end on est beaucoup pris. Alors on a besoin de moments où on rentre chez nous et on fait une nuit complète (rires). Le temps est souvent contre nous. 

R : Mais il y a plein d’albums à faire, il le faut ! Ça c’est un des rêves à accomplir, on pourra mourir après ‘les’ albums. Album concept, album ambient… 

B : On a aussi plein de projets qu’on a testés une fois ou deux, et que j’aimerais ressortir. On est nés dans des festivals qui duraient une semaine, où chacun construit sa scène, en marge des festivals comme Nuits sonores. C’est une scène qui me manque. Une espèce d’utopie, de communauté, de monde hippie en marge des règles… On a déjà eu l’occasion de mettre le camion en tant que scène dans ces festivals où de construire notre scène chill : le Namaste Bazar. Je me vois bien finir mes vieux jours à faire ça. On avait l’envie de créer notre propre festival, mais quand on voit l’organisation que c’est, ça voudrait dire qu’on devrait abandonner la musique.

R : Voilà on a plein d’idées mais on ne peut pas tout faire (rires). 

B : Puis surtout monter sur scène reste notre joyau, notre décharge électrique… 

 

Justement, qu’est-ce que monter sur scène vous procure ? 

R : De la peur (rires) ! Que tout fonctionne bien… Mais aussi de l’excitation, on vit un rêve éveillé. 

B : Surtout de l’excitation. Ça arrive qu’avant je soit morte de fatigue, mais quand j’arrive sur scène, que je vois les gens qui sont à fond et qu’il y a un échange qui se crée, j’ai un regain d’énergie. C’est une sensation que tu ne retrouves nulle part. Puis après toutes ces années de deejaying, le fait d’arriver avec un live relance l’amour et la passion du le métier de musicien. 

 

© Marion Sammarcelli

 

Une chose dont on n’a pas parlé et que vous souhaitez aborder ? 

B : Je pense qu’on peut parler de Nuits sonores pour leur dire « merci beaucoup ». Merci de nous inviter, car ça fait depuis 2015/2016 qu’on vient… La première fois, on avait posé le camion sur l’Esplanade de la Sucrière pour le closing des days. Depuis on a fait les nights aux usines Fargo-Brandt, on a fait un Extra! en plein Lyon, on a fait la Boiler Room… On a une vraie histoire avec eux. 

R : C’est comme à la maison, ce sont les copains ! 

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