© Marion Sammarcelli

Camion Bazar en interview : éclectisme musical et plantes hallucinogènes

À Nuits sonores, le duo Camion Bazar a tout fait. Depuis 2016, Romain et Benedet­ta se sont pro­duits dans leur fameux camion lors des days, au cœur des usines Fagor-Brandt pour la night, lors d’une Boil­er Room endi­a­blée à la Sucrière ou encore en plein Lyon pour le for­mat Extra!. Une nou­velle fois à la pro­gram­ma­tion en 2023… on ne pou­vait pas se ren­dre à Nuits sonores sans les ren­con­tr­er. Surtout que cette année, ils jouaient le live qui leur a demandé des heures de tra­vail. Juste avant leur pas­sage, on a pu dis­cuter de leur éclec­tisme, de l’his­toire der­rière leur dernier EP Alter­ation, du proces­sus créatif de leur live A/V, de plantes hal­lu­cinogènes et des pro­jets musi­caux qui les font rêver pour l’avenir. Un beau programme. 

 

On va com­mencer par le com­mence­ment : c’est quoi, Camion Bazar ? 

Benedet­ta : Oh putain (rires)… Qu’est-ce que c’est ? C’est une his­toire d’amour, de fête, de valeurs com­munes, de ren­con­tres… C’est un pro­jet mul­ti­forme qui a beau­coup évolué avec le temps, même si la ligne direc­trice reste la pas­sion de la musique, la fête et le partage de nos valeurs depuis toutes ces années.

Romain : Voilà, bra­vo. Et c’est un duo ! Homme-femme, mar­iés, pas d’enfants (rires). 

 

À l’écoute de votre dernier EP et de vos pro­jets précé­dents, mais aus­si de vos DJ-sets, vous avez l’air de tran­scen­der les bar­rières des gen­res musi­caux. D’où est-ce que cela vient ? 

B : C’est un peu le bor­del. Un matin, on se lève on se dit “tiens et si on par­tait sur ça ?”, le lende­main on fait autre chose. Par exem­ple, le prochain pro­jet sera plus punk alors qu’Alter­ation c’est rock, house… Dark­moon 20 -encore avant- c’était plus élec­tro, micro, un peu triste… 

R : Ça vient de nos orig­ines, en fait. On écoutait plein de styles musi­caux dif­férents. On vient du rock, du punk, du funk, de la soul… Ça dépend aus­si de notre humeur. Si on se réveille en étant énervés, alors on va faire du rock (rires) !

B : C’est dif­fi­cile de se can­ton­ner à un seul style. Même quand on mixe, c’est hyper var­ié. Cer­tains artistes restent dans le même style mais nous c’est assez spon­tané, on ne réflé­chit pas. 

 

 

Pourquoi avez-vous choisi d’appeler cet EP Alter­ation ? Ce mot a‑t-il plusieurs sens pour vous ? Quelle en est votre inter­pré­ta­tion ? 

B : Déjà, l’EP vient com­pléter le live du même nom qu’on va faire aujourd’hui à Nuits sonores. Les deux ont pour but de défendre un con­cept : le fait d’altérer nos états de con­science. Par dif­férents biais, notam­ment via le psy­chédélisme, pour ré-apprendre à regarder et appréci­er la nature… Car on la pié­tine au quo­ti­di­en avec nos gros pieds, nos avions, nos modes de con­som­ma­tions. L’idée c’est de dire : regardez la nature est là, apprécions-la et remettons-la au cen­tre de tout”. Sans elle plus rien n’existe. Puis comme on est dans un milieu fes­tif, on sait très bien que tout le monde con­somme des drogues de manière récréa­tive… On leur dit juste de ne pas sim­ple­ment se rouler par terre mais de con­tem­pler ce qui les entoure. 

 

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C’est l’histoire que vous avez voulu racon­ter avec cet EP ? 

B : Aus­si, oui ! D’ailleurs le pre­mier morceau s’appelle “Alter­ation” et plusieurs ont des noms de plantes hal­lu­cinogènes comme “Divi­no­rum”. Évidem­ment, on ne fait pas l’apologie de la drogue. Mais dans notre imag­i­naire, on est très axés sur tout ce qui est drogues psy­chédéliques, naturelles. Elles sont à part, elles ont quelque chose de spir­ituel et d’un peu plus pro­fond. Elles ont le pou­voir de mod­i­fi­er notre état d’esprit et notre point de vue sur le monde de façon dras­tique. 

 

 

Donc, deux ans de tra­vail acharné pour cet EP et ce live. Mais au fait, com­ment ça se pré­pare un live A/V ? Quel a été votre proces­sus créatif ? 

R : C’est com­pliqué (rires) !

B : Quand on dit deux ans, c’est parce que l’idée est née il y a deux ans. Avant on ne fai­sait que des DJ-sets, même s’ils étaient déjà hybrides : Romain fai­sait un peu de bat­terie, d’improvisation… Il a un passé de musi­cien, donc ça nous a pas mal aidés pour la créa­tion, pour choisir quelles machines, quels instru­ments on allait inté­gr­er au live. 

R : Et ça n’était pas un pro­jet vrai­ment écrit, défi­ni, ça s’est fait aus­si au feel­ing. On avait quelques morceaux exis­tants à met­tre dans le live, mais on a cousu des sonorités inédites tout autour. Le live A/V, c’est quelque chose qu’on ne con­nais­sait pas et c’est très con­traig­nant. 

B : On est nom­breux sur ce pro­jet, on a pris un directeur artis­tique pour le cha­peauter sur la par­tie visuelle il y a un an. On voulait être plusieurs à réfléchir sur ce qu’on voulait trans­met­tre à tra­vers ce live A/V, sur scène. Et la vidéo, c’est aus­si une solu­tion de facil­ité. C’est juste une clé USB avec des images dessus, on peut faire le tour du monde avec (rires). Jusqu’à main­tenant, on a beau­coup joué avec le camion rem­pli de déco’, on a mon­té des scènes entières…

R : Qua­tre heures de mon­tage, de démon­tage… 

B : Le live est déjà très chargé avec beau­coup de matos de musique, on ne pou­vait pas se rajouter la scéno­gra­phie en plus. Donc on s’est dit qu’on allait tester avec la vidéo pour le pre­mier live. On un ingé’ lumière et vidéo qui nous suit, il fait un très bon tra­vail d’ailleurs. 

 

 

Est-ce que le live a évolué entre sa pre­mière représen­ta­tion à La Machine du Moulin Rouge et ce que vous allez faire à la Sucrière ?

B : Oui, absol­u­ment ! Ça va être la cinquième fois qu’on le fait sur scène ‑peut être la 10 000ème fois qu’on le fait en stu­dio (rires)- donc for­cé­ment, il change. Sinon on s’ennuie. 

R : On change l’écriture musi­cale des morceaux, on en rajoute, on en retire… On change de son, on retire un syn­thé on en remet un autre… 

B : Ce sont quand même les mêmes morceaux dans un ordre par­ti­c­uli­er, puis en plus, quand il y a la vidéo on doit respecter la track­list.

R : Oui parce que l’image est syn­chro­nisée avec cer­tains temps forts, donc on ne peut pas tout chang­er. 

B : Mais c’est prévu qu’on enlève des morceaux qu’on en rajoutent d’autres… Il faut que nous aus­si nous soyons excités quand on monte sur scène ! Donc faut qu’il évolue avec nous. 

 

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Main­tenant que vous avez créé ce live, quel serait votre autre pro­jet de rêve ? Celui où vous vous direz : “après ça, on peut mourir tran­quille !” 

B : Alors quand mes chiens auront gran­di déjà, j’ai encore plein de trucs à leur dire (rires) ! On a plein d’idées et surtout il y en a beau­coup qui sont con­tra­dic­toires. La dernière fois, je me dis­ais que ça serait bien qu’on fasse un live avec Romain à la gui­tare, et moi en com­pag­nie d’une boîte à rythmes. 

R : Ce serait un pro­jet plus basique, plus rock’n’roll ! Une basse, une bat­terie, une gui­tare, du chant, ça serait super cool. 

B : C’est vrai que j’aimerais bien faire un truc plus épuré ! 

R : À côté on aimerait aus­si un autre live plus expéri­men­tal, ambi­ent avec une grosse place à l’improvisation qui dur­erait qua­tre heures et où on creuserait dans les folies de la musique. 

 

Seriez-vous séduits par le for­mat album ? 

R/B : Ouais grave ! Mais on manque de temps. 

B : On y arrive ! Mais c’est comme avec le live A/V, on a eu l’idée, ça a pris deux ans… Avec nos dates du week-end on est beau­coup pris. Alors on a besoin de moments où on ren­tre chez nous et on fait une nuit com­plète (rires). Le temps est sou­vent con­tre nous. 

R : Mais il y a plein d’albums à faire, il le faut ! Ça c’est un des rêves à accom­plir, on pour­ra mourir après ‘les’ albums. Album con­cept, album ambi­ent… 

B : On a aus­si plein de pro­jets qu’on a testés une fois ou deux, et que j’aimerais ressor­tir. On est nés dans des fes­ti­vals qui duraient une semaine, où cha­cun con­stru­it sa scène, en marge des fes­ti­vals comme Nuits sonores. C’est une scène qui me manque. Une espèce d’utopie, de com­mu­nauté, de monde hip­pie en marge des règles… On a déjà eu l’occasion de met­tre le camion en tant que scène dans ces fes­ti­vals où de con­stru­ire notre scène chill : le Namaste Bazar. Je me vois bien finir mes vieux jours à faire ça. On avait l’en­vie de créer notre pro­pre fes­ti­val, mais quand on voit l’organisation que c’est, ça voudrait dire qu’on devrait aban­don­ner la musique.

R : Voilà on a plein d’idées mais on ne peut pas tout faire (rires). 

B : Puis surtout mon­ter sur scène reste notre joy­au, notre décharge élec­trique… 

 

Juste­ment, qu’est-ce que mon­ter sur scène vous pro­cure ? 

R : De la peur (rires) ! Que tout fonc­tionne bien… Mais aus­si de l’excitation, on vit un rêve éveil­lé. 

B : Surtout de l’excitation. Ça arrive qu’avant je soit morte de fatigue, mais quand j’arrive sur scène, que je vois les gens qui sont à fond et qu’il y a un échange qui se crée, j’ai un regain d’énergie. C’est une sen­sa­tion que tu ne retrou­ves nulle part. Puis après toutes ces années de dee­jay­ing, le fait d’arriver avec un live relance l’amour et la pas­sion du le méti­er de musi­cien. 

 

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Une chose dont on n’a pas par­lé et que vous souhaitez abor­der ? 

B : Je pense qu’on peut par­ler de Nuits sonores pour leur dire “mer­ci beau­coup”. Mer­ci de nous inviter, car ça fait depuis 2015/2016 qu’on vient… La pre­mière fois, on avait posé le camion sur l’Esplanade de la Sucrière pour le clos­ing des days. Depuis on a fait les nights aux usines Fargo-Brandt, on a fait un Extra! en plein Lyon, on a fait la Boil­er Room… On a une vraie his­toire avec eux. 

R : C’est comme à la mai­son, ce sont les copains !