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© Reet Talreja
30 mars 2022

Ces faux artistes inondent les playlists de Spotify

par Antoine Gailhanou

Spotify serait rempli de faux artistes. C’est ce qu’affirme une enquête d’un quotidien suédois, qui pointe notamment le label Firefly Entertainment. Derrière 500 des artistes qui y sont affiliés sa cacheraient en réalité une vingtaine de musiciens utilisant de nombreux pseudonymes. Jusqu’à 62 faux noms, pour l’un d’entre eux.

Le label suédois Firefly Entertainment a une spécialité : bombarder Spotify de titres, composés par des artistes inventés de toute pièce, pour se faire une place dans les playlists les plus écoutées. On parle de cette musique au kilomètre, faite pour accompagner la méditation, le travail, ou autre, et ainsi taillée sur mesure pour les playlists d’ambiance. Celle-ci est souvent signée de pseudonymes, faisant croire à une foule de compositeurs là où il n’y en a qu’une poignée. Résultat, des artistes qui n’existent pas cumulent des millions d’écoutes. L’entreprise revendique d’ailleurs un catalogue de plus de 7000 morceaux (il n’y en n’avait que 2000 en 2018), et plus de 5 milliards de streams au total. En 2020, Firefly Entertainment a ainsi généré l’équivalent de plus de 6 millions d’euros. Ce chiffre d’affaire était dix fois inférieur à peine trois aux auparavant.

Tout ceci a été révélé dans une enquête publiée le 28 mars par le journal Dagens Nyheter, très important en Suède. On y apprend surtout l’ampleur du phénomène. Le média a ainsi dressé une liste de 830 “faux artistes” répertoriés sur Spotify, dont 495 inclus dans des playlists directement créées par la plateforme. Et le chiffre est probablement bien plus élevé, les journalistes n’ayant examiné qu’une centaine de playlists. Ils affirment par ailleurs que derrière environ 500 de ces pseudo-musiciens se cachent en réalité une vingtaine d’artistes seulement. L’un d’eux possède ainsi pas moins de 62 alias. La pratique n’est pas illégale, mais reste néanmoins douteuse. Quel contrôle est exercé par la plateforme sur son contenu ? Comment vérifier l’identité des artistes et être certain qu’ils existent vraiment ? C’est la crédibilité à la fois de Spotify et de l’industrie musicale qui est en jeu. Le principal syndicat de musiciens de Suède a d’ailleurs demandé qu’une enquête officielle soit faite.

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L’existence de ces faux artistes sur la plateforme fait l’objet de nombreuses rumeurs depuis plusieurs années. Certains ont notamment soupçonné Spotify d’avoir des accords secrets avec Firefly et d’autres entreprises du même genre, négociant une présence sur les playlists contre une part plus faible de royalties. Mais rien ne permet de l’affirmer. En revanche, la présence massive d’artistes de Firefly sur ces playlist pose question : comment y parviennent-ils ? Le quotidien suédois a mis en avant un lien direct entre un fondateur du label et un ancien cadre de Spotify, Nick Holmstén, qui a quitté l’entreprise en 2019. Le label nie toute forme de favoritisme en leur faveur et affirme que ce lien n’affecte en rien leurs affaires. Spotify affirme également avoir signé les mêmes contrats avec l’entreprise qu’avec n’importe quel autre label.

Un autre musicien a attiré l’attention d’un autre quotidien suédois : Christer Sandelin. Ancienne star du pays, il gère désormais un label similaire à Firefly nommé Chillmi. On ignore s’il est l’unique compositeur derrière tous les « artistes » qu’il représente. Mais si c’est le cas, il serait ainsi l’auteur de pas moins de 2500 morceaux depuis 2015. Mais ce qui choque la presse, c’est bien la manière dont Sandelin a démarré son activité : en 2015, Spotify l’avait directement embauché pour composer des morceaux pour leurs playlists. Le géant du streaming avait pourtant nié avoir usé d’une telle pratique, qui pourrait être jugée injuste par le reste de l’industrie. Cela pourrait notamment mettre à mal leur communication sur l’argent reversé à l’industrie musicale : sur ces 7 milliards d’euros, Spotify tenterait-il d’en garder une part ?

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