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15 mars 2022

Classement sans suite pour la plainte du teufeur ayant perdu la main à la rave de Redon

par Antoine Gailhanou

En juin 2021, une free party à Redon avait été sévèrement réprimé par la police ce qui avait entrainé de violents affrontements. Un jeune homme de 22 ans y avait perdu la main, arrachée par une grenade des forces de l’ordre. Le 12 mars, on apprenait que sa plainte a été classée sans suite.

On se souvient des images, aussi choquantes que désespérantes. Dans la nuit du 18 au 19 juin 2021, une rave était organisé à Redon, en Bretagne, en hommage à Steve Maia Caniço, mort noyé à Nantes deux ans plus tôt des suites d’une charge policière sur une fête. Cette rave aussi a mal tournée. Non déclarée et de ce fait interdite, elle a entrainé une intervention de la police, dégénérant en violents affrontements. Les forces de l’ordre s’était montrées particulièrement agressives, détruisant délibérément le matériel, au lieu de le saisir, et utilisant massivement les lacrymogènes. Mais un fait avait particulièrement choqué : la perte d’une main pour un des fêtards. D’autant plus que Mediapart révélait quelques jours plus tard qu’aucune instruction n’avait été donnée de lui venir en aide et que les pompiers avaient même été empêchés d’intervenir.

Pourtant, on a appris ce 12 mars, après 9 mois d’enquête, que la plainte du jeune fêtard a été classée sans suite, tant par le préfet de Rennes, Philippe Astruc, que par le procureur du parquet de la ville. Pour ce dernier, « l’usage des armes par les forces de l’ordre s’est fait en riposte et s’est avéré nécessaire et proportionné ». Selon lui, le retard d’intervention de la police ne relevait pas d’une « directive tendant à empêcher l’action des secours ». De plus, l’enquête démontrerait que ce délai de prise en charge n’a pas aggravé son cas. Le préfet va dans le même sens, pointant « des violences importantes » de la part des fêtards, dont « des jets de cocktails Molotov, de boules de pétanque, et de troncs d’arbres ».

La violence de la répression ne fait pourtant aucun doute. L’enquête confirme qu’il y a eu « 58 tirs de LBD, 1 602 usages de grenades CM 6, 139 de grenades MP7, 239 de grenades GM2L et 24 de grenades GENL ». Selon l’enquête, c’est probablement une grenade GM2L (assourdissante et lacrymogène) qui a arrachée la main du fêtard. Son usage avait d’ailleurs été restreint quelques jours plus tard, après la découverte d’une défaillance, sans qu’un lien soit clairement établi avec le drame de Redon. Pour le préfet et le procureur, aucun usage contraire aux règles n’a été constaté. Sa conséquence dramatique s’expliquant par le fait qu’elle « est arrivée au sol et que la victime s’en est volontairement emparée ».

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La décision n’a pas manqué de faire réagir l’ONG Amnesty International, qui milite depuis longtemps contre l’usage de ces grenades. Elle en a renouvelé la demande par la voix d’Anne-Sophie Simpere, pointant que « les effets ne sont pas proportionnés puisqu’elles peuvent mutiler ». Avant de poursuivre : « Il est regrettable d’avoir classé l’affaire alors qu’il n’y a pas eu de communication préalable avec les teufeurs et que des armes mutilantes ont été utilisées dans des conditions très dangereuses : de nuit, sans visibilité, sur une foule de jeunes. »

D’autres questions restent en suspens. Pour y répondre, l’avocat du jeune blessé, Me Stéphane Vallée, envisage de se porter partie civile et de déposer une nouvelle plainte pour relancer l’enquête. Interrogé par le quotidien régional Le Télégramme, il explique : « L’enquête diligentée par le Parquet établit que la blessure de mon client est bien le fait de l’explosion d’une grenade (tirée par les forces de l’ordre). Dès lors, ce classement sans suite signifie « circulez il n’y a rien à voir ». […] Cela questionne les techniques de maintien de l’ordre », d’autant plus que « aucune faute de [mon client] justifiant qu’il ait pu être visé par les forces de l’ordre n’a été relevée. » Ce qui choque particulièrement c’est que : « rien n’est remis en cause ». La perte de cette main semble être une conséquence normale de l’action de la police : « Cette question de la légitimité de l’usage de telles armes n’est absolument pas posée au cours de l’enquête. » L’avocat craint ainsi de voir cette situation se reproduire.

Quelques jours après les faits, Tsugi avait réagi à travers un édito, dont chaque ligne est maintenue aujourd’hui.

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