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5 avril 2020

Confinés avec… La Fraîcheur

par Tsugi

En ces temps confinés, les musiciens sont eux aussi bloqués chez eux. Nous sommes allés leur demander comment ils occupent leurs journées, avec au passage quelques recommandations culturelles. Aujourd’hui, c’est La Fraîcheur qui se prête au jeu.

Propos recueillis par Olivier Pernot

De son vrai nom Perrine Saviaut, la productrice française a notamment vécu à Montréal et Berlin avant de s’installer à Barcelone, profitant chaque fois de l’intensité culturelle du lieu. Elle a publié sur le label InFiné un premier album en 2018, Self Fulfilling Prophecies, ainsi qu’un EP en mai 2019, Weltschmerz, entre deep techno et esprit punk, reflétant son parcours riche et sans concession. Elle partage avec nous son quotidien de confinement, qui n’atténue en rien son militantisme et sa détermination.

Détail du quotidien de La Fraîcheur

Bonjour Perrine, où es-tu en ce moment ?

Chez moi, à Barcelone. J’y habite depuis huit mois.

Quel est le livre que tu lis actuellement ?

Je lis Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. C’est un livre sur l’effondrement de notre système de civilisation, que mon frère m’a conseillé, mais il m’a dit de le lire quand je serais de bonne humeur ! Je l’ai acheté en novembre dernier et je repoussais sa lecture. Je crois finalement que c’est le bon moment de s’y plonger car on se pose beaucoup de questions en ce moment. C’est sûr que c’est un peu déprimant mais cela permet aussi de faire le deuil de ce qu’on imaginait du futur et commencer à repenser notre modèle de civilisation. Le plus dur, c’est la prise de conscience personnelle, parce que sinon, être active et en pleine réflexion à la lecture de ce livre, cela me calme finalement.

Un album que tu viens de redécouvrir et que tu aimes écouter tranquillement, en entier, installé dans son canapé ?

Je viens d’écouter l’album Homogenic de Björk. C’est parti d’une blague. Depuis le début de l’état d’urgence en Espagne, je chantais les paroles du morceau « Jóga » : « State of emergency, How beautiful to be, State of emergency, Is where I want to be ». Cela m’a donné envie de réécouter tout l’album. C’est un disque qui a une force narrative impressionnante et cela rend facile une écoute en entier. Les chansons sont ultra dramatiques et ont aussi des aspects éthérées, sensibles. Elles cadrent bien avec la situation actuelle.

Un disque pour danser dans son salon ?

Je ne danse pas du tout dans mon salon. La danse pour moi est liée à la nuit, au clubbing, à l’expérience collective et aussi à la confrontation de nos oreilles et de notre corps à un sound-system. Surtout, depuis que je produis de la musique, j’écoute beaucoup moins de musique chez moi. J’ai besoin de silence. J’ai la chance d’avoir une terrasse et, en ce moment, avec le peu de circulation, on y entend beaucoup des oiseaux. Surtout des perroquets et des mouettes. La dernière fois, j’ai même un rouge-gorge qui s’est aventuré chez moi un après-midi.

Un film à revoir, parmi les classiques qui t’ont marqué ?

Je dirais La Naissance des pieuvres. C’est peut-être le plus subtil des films de Céline Sciamma. En tout cas, c’est un de mes films préférés et le travail musical de Para One, dont je ne suis pourtant pas très fan par ailleurs, est assez parfait sur ce film. Et puis, je m’identifie complètement à une des héroïnes du film : j’étais son portrait craché quand j’avais 9/10 ans.

Un jeu à faire en famille ?

Avec ma meuf, nous jouons à Qwirkle. J’y jouais aussi à Berlin avec mes potes ou en vacances avec mes nièces. C’est un jeu entre le Scrabble et le Rubik’s Cube. Il faut de la stratégie mais tu peux aussi ne pas en avoir. C’est cool comme jeu, cela ne demande pas trop de concentration. En ce moment, avec le confinement, j’ai la bougeotte et c’est dur de se concentrer.

Un site Internet à fouiller ?

Je lis souvent le média alternatif américain Democracy Now!. C’est sur ce site que j’ai trouvé l’interview d’Angela Davis que j’ai samplée pour mon morceau « The Movements ». Il y a beaucoup d’interviews vidéo sur ce média avec des experts sur différents sujets. C’est super bien foutu. Et pour un site américain, il s’intéresse au monde entier et pas uniquement aux États-Unis. De plus, parmi les interviewés, il y a beaucoup de femmes, de personnes de couleur, etc. Et ce sont de vrais experts, pas des éditorialistes ou des commentateurs. C’est important de retourner à la base du journalisme et de poser des questions aux gens qui savent.

Un plat que tu aimes cuisiner ?

Les fameuses pad thaï

J’aime beaucoup la cuisine thaï en général. Si tu as envie de prendre du temps pour cuisiner, et cela peut avoir un côté méditatif de te concentrer sur ces recettes, tu peux préparer ces trois plats : des pâtes thaï, un curry vert au saumon et enfin, une soupe de tofu et légumes avec des cacahuètes. Ces plats sont colorés, juste suffisamment épicés pour être chaleureux et réchauffer le corps. Et puis, il est important de soutenir les marchands asiatiques qui subissent en ce moment une « double peine » puisqu’en plus des problèmes que l’on vit tous avec les restrictions du confinement et de l’arrêt de l’économie, ils subissent un racisme et une ignorance crasse qui voit le public éviter leurs commerces.

Une activité que tu aimes faire ces jours-ci ?

Je jardine sur ma terrasse. Ces derniers jours, j’ai fait des boutures, du rempotage. Je prends le temps. J’enlève les feuilles mortes des plantes. Je nettoie même les feuilles une par une pour qu’elles prennent un maximum de soleil. Sinon, je participe à un jardin communautaire. J’ai mon potager là-bas. Mais je ne peux pas y aller en ce moment et du coup je m’inquiète… Alors, dès qu’il y a un peu de pluie, ce qui est rare à Barcelone, je suis contente pour le jardin.

Tu as envie de faire quoi en premier à l’extérieur quand le confinement se terminera ?

J’ai envie d’aller arroser le jardin (rires). Et je vais aller m’inscrire à un stage de permaculture. J’aimerais savoir bien cultiver mes légumes et ne plus revivre ça : ce sentiment d’être dépendant, vulnérable. Et puis, peut-être, pourquoi pas aller m’installer dans les Cévennes plus tard et être complètement autonome.

Tu prépares quoi pour cette année ?

C’est difficile à dire car il y a beaucoup d’incertitude… Normalement, j’ai trois EP qui doivent sortir, avec des morceaux que nous avons faits ensemble avec Léonard de Léonard. Ce sont des morceaux qu’on a déjà eu l’occasion de jouer en live ensemble. Je travaille aussi sur la musique d’une pièce de danse contemporaine du chorégraphe Julien Grosvalet. Le spectacle sera créé en janvier 2021, mais c’est beaucoup de stress actuellement car les premières répétitions ont été repoussées…

Qu’espères-tu que ce confinement va changer dans nos vies ?

Ce que j’espère, c’est que cette période va faire réévaluer à chacun ses priorités, son mode de vie, sa conception du travail, ses comportements de confort et de luxe. Que cette crise sanitaire, politique, économique et écologique va nous faire revoir le système capitaliste dans son ensemble. Cette crise met en lumière les faiblesses du système dans lequel nous vivons et nous devons maintenant repenser à nos droits fondamentaux, comme la santé ou le logement.

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