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Crédit : Bart Heemskerk
9 août 2017

Dekmantel 2017 : le meilleur festival de l’été ?

par Nora Djaouat

Dekmantel est certainement l’un des événements estivaux préférés des amateurs de musiques électroniques. Parce que le festival amstellodamois s’est fait maître en l’art de surprendre. Surprendre d’abord par une programmation défricheuse, car les programmateurs reste bien entendu à l’écoute d’un public en quête de surprises. Mais surprendre aussi en invitant des grands noms, qui viennent à Dekmantel pour confirmer qu’ils sont toujours là, et qu’ils peuvent encore créer une ferveur unanime au sein d’un public de plus en plus exigeant. On est parti vérifier de plus près si la surprise était bien au rendez-vous.

Alors que les festivaliers se préparent tranquillement pour un week-end musical et champêtre en plein cœur de l’Amsterdam Bos, la rivière IJ accueille un va-et-vient de navettes fluviales qui relient différentes salles de concert. Les shows d’ouverture de Dekmantel battent leur plein, et Robert Henke fait salle comble au Muziekgebouw où il présente la troisième version de son projet « Lumiere lll ». On serait bien tenté de le décrire comme un live hypnotique, mais en réalité c’est bien plus : Henke fait cohabiter images et les sons à la précision, contant une véritable fable technologique où chaque fréquence sonore cohabite avec une représentation visuelle, créant tantôt l’attente tantôt l’euphorie chez son public. Après une balade fluviale pour se remettre de nos émotions, on s’enfonce volontiers dans l’un des sièges de la salle de projection de The Eye où est diffusé le documentaire Suzanne Ciani – A Life In Waves. Ce film rend parfaitement justice à cette pionnière, que l’on découvre en femme déterminée et qui a toujours mis un point d’honneur à « rendre la technologie sensuelle ». Plus tard, au Shelter – un club en sous-sol façon parking – on admire Nathan Fake faire rugir ses pads et autres synthés, pour un live à mi-chemin entre la précision de Koreless et l’agressivité de Mumdance. Brillant.

Robert Hood © Bart Heemskerk

Amsterdam Bos, 14h, premier jour. La scène Ufo, la plus techno du festival et la seule à être entièrement couverte et dans le noir, accueille Dr. Rubinstein qui fait danser les premiers festivaliers depuis plus d’une heure. Certains demandent qui elle est. Non ce n’est pas Nina Kraviz. C’est une DJ hors pair, sans aucune sortie, ni même de label, qui s’est faite remarquer par son habilité au mix et par ses sélections hyper pointues. Elle nous offre une parfaite mise en jambe techno avant que l’on aille souiller nos baskets aux quatre coins du festival. Dans l’espace réservé à Red Light Radio qui ressemble à une petite chapelle rouge, on a la bonne surprise de découvrir Central de l’excellent label danois Help Recordings. Il mixe house puis techno et s’aventure aussi sur des sons plus breakés, de quoi ravir les danseurs qui s’amassent devant le booth éclairé par une chaude lumière. Ne jamais croire la météo à Amsterdam : on vous annonce de la pluie et une température de 20° tout le week-end, mais il fait en réalité un temps incroyable. Bonheur. Côté scène Selectors, Red Greg et Ge-ology se retrouvent pour un B2B. On sent la complicité entre les deux DJs qui réussissent avec facilité l’exercice du mix à quatre mains – en passant de morceaux aux rythmes presque tribaux à des hymnes funk. Comment ne pas danser ? Plus tard, sur la Mainstage, Robert Hood prouve lors de son set hybrid (un DJ-set sur lequel il rajoute des effets live) qu’il a définitivement ce petit truc en plus, cette énergie qui vous donne envie d’enchaîner sur un after alors que quelques heures auparavant vous vous étiez promis de ne pas vous laisser tenter. Direction le Shelter donc, pour voir un Rødhåd dans son sérieux habituel qui met le public dans un état de transe général, le Berlinois sachant comment envoyer les danseurs tout droit sur la planète bonheur.

Unforeseen Alliance © Bart Heemskerk

Samedi, le live de Unforeseen Alliance fait l’unanimité sur la scène UFO. C’est un réel plaisir de voir cette formation ici à Dekmantel car leurs lives se font plutôt rares depuis les débuts du projet en 2015. Sur scène, chacun a un rôle bien précis, mais Voiski, Antigone, Zadig et Birth Of Frequency forment bel et bien une alliance, une sorte de super-machine à quatre têtes d’où sort une techno des plus racées. Donato Dozzy et Peter Van Hoesen prendront la suite du quatuor français, pour un set oscillant entre IDM et techno. C’est bien, mais c’est l’heure du Dekmantel Soundsystem – composé des deux fondateurs du label et du festival, Thomas Martojo et Casper Tielrooij, qui montrent leurs talents de diggers hors pair sur la scène Selectors – pour ceux qui doutaient encore de leurs capacités de chineurs de l’extrême. Ce serait une haute trahison que d’aller à Dekmantel en oubliant d’aller écouter ceux qui, en 2013, se sont démenés pour donner vie à ce projet fou. On s’était promis de ne pas « shazamer » du week-end, mais la tentation est rude avec les deux amis qui alignent pépites sur pépites. On tient bon, et cela même quelques heures plus tard lorsque Ben UFO mixe brillamment des rythmes kuduro, du dub techno et du garage. Une pause Boiler Room s’impose. Non pas que l’on veuille parader à l’écran, mais un set d’Anthony Parasole ne se loupe pas. Encore moins quand il tombe pile-poil au moment du coucher de soleil. Techno et sunrise, qui dit mieux ?

Larry Heard © Bart Heemskerk

Pour le dernier jour de festival, Marie Davidson monte carrément sur le booth pour un live synth-punk dont elle a le secret. Elle avait dit adieux au dancefloor en 2016 mais elle prouve à Dekmantel qu’elle sait encore comme l’embraser, en pleine journée certes. Sur la Mainstage, Mr Fingers et Mr White, qui remettront le couvert en 2018 pour un nouvel album, livrent un live authentique : Larry Heard est fidèle à lui même, plus en retrait que son camarade Chad White qui a beaucoup d’énergie à revendre. Ils enchaînent les anthems, et chacun dans le public vit ce moment particulier à sa manière. Certains dansent comme des fous, d’autres sont en pleine introspection. On se demanderait presque si le mot deep n’a pas été inventé pour ce duo. Après cette belle parenthèse made in Chicago, place à Antal – la tête pensante derrière Rush Hour – et Hunee, pour un B2B de closing si épatant qu’on aimerait les suivre dans leurs folles virées chez les disquaires du monde entier. Il nous reste quand même du temps pour aller faire un nouveau tour côté Boiler Room, où Blawan termine son set sous de nombreux applaudissements. Helena Hauff prend la relève, tandis qu’un danseur grimpe sur une enceinte. C’est certainement le meilleur spot pour avoir un vision à 360 de cette espace à mi-chemin entre le bunker et la carcasse d’avion. On ne voit pas grand-chose si ce n’est les nuques des personnes devant nous mais qu’importe, il suffit de quelques minutes pour que l’on soit transporté par la techno sombre de l’Allemande. Plus tard, elle confiera ne pas être très satisfaite de son set mais vous aurez bientôt la preuve sur Youtube que c’était du très très haut niveau.

Alors que la musique s’arrête dans tout l’Amsterdam Bos, et que les festivaliers se pressent vers la sortie, notre téléphone vibre. C’est l’application du festival qui nous envoie ce message : « Dekmantel 2017 is over, thank you and see you next year ». Déjà ? Bon ok, Dankjewel Dekmantel !

Meilleur Moment : les 20 dernières minutes de festival devant Beverly Hills 808803, alias I-F. « Acid will never die ! »

Pire moment : le type qui avait une radio émettant une boucle synthétique et qui voulait faire brûler sa serviette pendant le live de Larry Heard. Bizarre.

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