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4 septembre 2017

El amigo Rebolledo

par Benoît Carretier

C’est l’un des DJs et producteurs les plus fantasques du circuit. En solo, au sein de Pachanga Boys ou à la tête du label Hippie Dance avec son binôme Superpitcher, Rebolledo met son imagination débridée au service de productions aux atmosphères inclassables. Rencontre avec un fou de voitures qui voit la musique comme une histoire d’amitiés.

Un producteur mexicain de techno natif de la petite ville de Xalapa et installé à Paris, voilà qui ne manque pas de sel. Et pourtant, à entendre Mauricio Rebolledo, qui vient de passer une heure coincé dans les bouchons pour nous rejoindre, cela s’est fait le plus naturellement du monde. « C’est arrivé comme ça. J’ai déménagé en Europe il y a sept ou huit ans après la sortie de mes premiers disques sur Cómeme. Je venais souvent à Cologne et je restais chez Superpitcher. Alors que nous étions sur notre projet Pachanga Boys il y a cinq ans, il s’est installé à Paris. Je l’ai suivi, pensant que cela allait durer trois semaines, le temps de finir l’album, mais j’ai rencontré quelqu’un et j’ai décidé de rester. » À l’écouter, tout paraît effectivement fluide et simple dans sa carrière. De DJ amateur, il est passé résident dans un gros club, puis producteur, même s’il a un temps songé à abandonner. « J’ai commencé le mix en 2002, comme un hobby pendant mes études de design industriel à Monterrey. Petit à petit, cela a pris le pas sur mon cursus universitaire. J’avais du mal à trouver des lieux pour jouer, car les clubs locaux suivaient la tendance de la house tribale ou progressive anglaise à la Global Underground. Ma façon de jouer, robotique et un peu rock’n’roll ne correspondait pas du tout à la mode, et j’étais à deux doigts de tout laisser tomber. Puis en 2004, La Santanera, un gros club de Playa del Carmen, m’a appelé pour assurer la saison d’été. Je venais de finir ma scolarité. Je pensais que cela allait durer deux ou trois mois, mais l’été ne s’est jamais arrêté. »

À La Santanera, Robelledo affine son style et progresse à la faveur de rencontres. Les DJs invités, loin des canons de la house commerciale, comme Kid Loco, les Américains Rub N Tug ou encore l’équipe du festival montréalais Mutek, défilent aux platines, et un jour, l’équipe de Kompakt débarque au Mexique. C’est la naissance d’une amitié avec Michael Mayer, Superpitcher et surtout Matias Aguayo, qui va lui mettre le pied à l’étrier. « Je n’avais jamais pensé à faire ma propre musique, j’étais très heureux aux platines et en plus je suis très mauvais devant un ordinateur. Mais parfois, il me venait des idées d’atmosphères particulières que je voulais amener sur le dancefloor. Or je n’avais pas les bons disques. Cela a agi comme un déclic et j’ai dit à Matias que je voulais tenter ma chance. Il m’a demandé par curiosité de lui envoyer le résultat de mes essais. Il a trouvé ça primitif et rugueux, mais a bien aimé. » Après un cours accéléré sur Ableton, qui lui ôte toutes ses peurs technologiques, beaucoup de sueur et d’essais, Rebolledo envoie « Pitaya Frenesí » à Aguayo. Un producteur est né, un label aussi, le morceau figurant sur la toute première référence de Cómeme.

DESIGNER D’EXPÉRIENCES

Huit ans après ses tonitruants débuts derrière des machines, Rebolledo a eu le temps de s’exercer, réalisant une grosse poignée de remixes pour Correspondant, Turbo ou encore Kill The DJ, un album chez Cómeme en 2011 (Super Vato), un CD mixé chez Kompakt en 2014 (Momento Drive). Et surtout un excellent deuxième album, Mondo Alterado, sorti l’an dernier sur sa nouvelle maison Hippie Dance, qu’il a fondée et dirige avec l’ami Superpitcher, avec qui il partage une attention toute particulière portée aux atmosphères, qui priment de son propre aveu sur l’esthétique musicale. « Il existe une connexion inconsciente entre mes études de design industriel et la manière dont je produis ma musique. Quand je dessine, je ne pense pas tant à l’objet ou à sa forme qu’à l’impact qu’il va avoir sur les gens, et c’est la même chose avec mes morceaux… »

Si Mondo Alterado sonnait comme rien de connu sur la scène techno actuelle, avec ses beats primitifs, ses ambiances lourdes et progressives, Mondo Re-Alterado, son pendant de remixes, demeure lui aussi hors des modes. La faute à Rebolledo, qui confesse n’écouter que les productions de labels et d’artistes amis, que l’on trouve d’ailleurs derrière ces relectures. Ce qui a pour avantage immédiat d’offrir une réelle cohérence à ce double album de remixes, qui ne souffre d’aucun grand écart stylistique. « Je n’avais jamais pensé à commander des remixes de mes morceaux, mais après la sortie de Mondo Alterado, certains ont commencé à me dire que cela les intéresserait de s’y atteler. Cela a mis un an à se concrétiser, car ce n’était que des amis… à qui je n’ai donné aucune deadline. Je suis ravi du résultat, mais je n’en attendais pas moins d’un crew constitué de Danny Daze, Fantastic Twins, Maceo Plex, Fango, Superpitcher, Mike Simonetti ou DJ Tennis. »

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VOITURES DE SPORT ET TALONS AIGUILLES

Conclure une discussion avec Rebolledo sans évoquer sa légère obsession pour l’esthétique des années 80 (voitures de sport rutilantes, talons aiguilles et lunettes de soleil) serait criminel. « J’avoue, j’adore ça. La pochette de Mondo Alterado est d’ailleurs une recréation de l’affiche du film Risky Business. Quand je cherchais à m’acheter une Porsche 928, j’avais cherché des pochettes de disques avec cette voiture dessus, et la seule que j’avais trouvée était celle de cette BO. Je l’ai tellement aimée que j’ai voulu la recycler. En fait, cela n’a été qu’une excuse pour m’offrir une Porsche. » (rires) Désormais stationnée en Espagne, la voiture de ses rêves va bientôt prendre le chemin du Mexique, nouvelle étape de la vie de Mauricio. « Je me fais construire depuis trois ans une maison à côté de celle de mes parents à Xalapa, avec un nouveau studio et un minuscule club personnel où je vais pouvoir tester mes productions. Je vais désormais partager mon temps entre le Mexique et l’Europe. J’ai besoin de retrouver un équilibre entre la vie à l’européenne dans les grandes villes et une vie plus paisible à la campagne. Cela ne m’empêchera pas d’aller souvent à Monterrey, au club TOPAZdeluxe, que j’ai ouvert il y a quelques années avec des amis. Mais avant de déménager, je vais finir la version complète de ‘Here Comes The Warrior’, d’une durée de 40 minutes, qui sera le morceau ‘signature’ du projet The Mayan Warrior, une énorme voiture au sound-system monstrueux qui fait chaque année le trajet entre Mexico et le Burning Man. Va voir sur YouTube, c’est énorme ! »

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