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23 août 2017

Émerveillement et démesure d’un monde parallèle : on était au Sziget Festival

par Théo Meunier

Une île de liberté dans un pays au gouvernement qui semble vouloir la cloisonner : un paradoxe que nourrit le festival hongrois Sziget, qui fêtait cette année sa 25e édition. Un événement démesuré autant dans ses dimensions que dans la variété de sa programmation, mais qui parvient à nous faire nous sentir hors du temps pendant une semaine. Comme d’habitude, les organisateurs misent à la fois sur des têtes d’affiches grand public (Macklemore, Pink, Steve Aoki…), que sur une programmation plus pointue. Si dans certains événements la greffe peine à prendre, ici c’est plutôt le cas. L’éclectisme affiché permet à des publics hétérogènes de vivre une expérience commune, comme ils ne le feraient sans doute pas ailleurs. Le décor à la Neverland, et la liste interminable des activités proposées y contribuent également. On pose les pieds sur le sol de Budapest deux jours après le début officiel des festivités. Plongée dans l’un des plus grands festivals d’Europe (presque) comme si vous y étiez.

Une fois sur le site, on en prend vite la (dé)mesure. L’allée de drapeaux du monde entier qui mène vers la grande scène, les sculptures en tout genre, les lettres géantes du Sziget, et la structure de saut à l’élastique ne sont qu’un avant-goût que l’on découvre sur fond de PJ Harvey. On n’en profite que trop peu, pour filer voir Danny Brown. Le rappeur de Détroit débarque sur scène main en l’air et langue tirée, devant un public conquis qui scande les paroles de XXX, Old ou Atrocity Exhibition entre deux pogos. Qu’attendre d’autre d’un show de l’homme à la voix de canard ? Des instrus qui tabassent, des couplets sous substances, des sprints d’un bout à l’autre de la scène, et une bière renversée. Ça valait le coup. On fait ensuite un petit tour devant la Grande Scène pour les Anglais de Kasabian. Juste le temps de se remémorer les génériques de ces bons vieux Pro Evolution Soccer du milieu des années 2000. Pas le temps de souffler, DJ Shadow fait son entrée sur la scène voisine. Casquette vissée sur la tête, l’Américain installe une ambiance onirique avec des nappes planantes et des images d’un astronaute perdu dans l’espace. On reconnaît les morceaux de son dernier album en date The Mountain Will Fall, mais aussi ceux de son récent EP The Mountain Has Fallen. Déception : Danny Brown ne revient pas sur scène au moment de leur titre en commun « Horror Show ». Satisfaction, DJ Shadow le sait et n’y coupe pas : il se doit de jouer « Organ Donor » et s’éxécute. Toujours efficace.

Crédit Photo: László Mudra – Rockstar Photographers

Deuxième jour pour nous, quatrième pour les plus courageux. Après une balade dans Budapest pour admirer la Basilique Saint-Etienne de Pest, découvrir les plaisirs du lezsco et de la goulash (les spécialités locales), on continue nos pérégrinations sur le site. L’occasion de tomber sur des échassiers faisant la promotion de leur spectacle, ou sur un vieux monsieur en costume bleu, nœud papillon, et lunettes d’aviateurs, qui enchante les quelques dizaines de personnes s’étant arrêtées autour de lui pour son numéro d’homme-orchestre. Une ou deux palinkas plus tard (autre spécialité locale, alcoolisée cette fois), on s’arrête devant Iggy Azalea sur la scène principale. Si on avait un peu oublié son existence, ce n’est pas le cas de la foule déjà dense amassée devant la Main Stage. De notre côté, on s’exile plutôt vers le Colosseum, la scène faisant la part belle à la house et à la techno, et donc potentiellement la plus Tsugi-compatible. On pénètre dans ce lieu qui, comme son nom l’indique, prend les traits de son homonyme romain avec le DJ à la place de César, et les danseurs en guise de gladiateurs. Les deux premiers jours y ont notamment vu défiler Michael Mayer, Carl Craig ou Mano Le Tough, mais nous nous contenterons du régional de l’étape Ramin Sayyah pour user nos chaussures pendant deux heures. Une consolation plutôt plaisante, dans un cadre superbe. Éclectisme toujours, on passe devant le concert de Macklemore & Ryan Lewis. Sans doute grisé par l’enthousiasme du public, le rappeur parle (maladroitement) de son concert comme d’un acte de résistance. Passons. On se dirige vers la scène du chapiteau, pour le concert de Crystal Fighters. Si ce n’était pas le premier concert qu’on avait coché sur notre programme, on a franchement passé un bon moment. Le quintet anglo-espagnol a un sens du show certain, et quelques tubes bien efficaces en live. Avant de rentrer, dernier détour par le Colosseum pour y écouter la house de DJ W!LD. On aurait eu tort de se priver.

Troisième jour, et réveil de plus en plus compliqué. Ce dimanche sera plus modeste. On part quand même découvrir la capitale hongroise, admirer son château et son parlement qui bordent le Danube. En fin d’après-midi on file même voir la finale du championnat du monde masters de water-polo (oui, oui, vous avez bien lu). Pas grand chose à voir avec le festival certes, mais la fierté hongroise est la même puisque l’équipe locale l’emporte 16-3 face à la Russie. La fatigue se fait ressentir, et ce n’est pas les Chainsmockers, qui prennent place sur la Main Stage, qui nous en sortira. On s’échappe de ces rythmes EDM pour aller voir un spectacle de cirque. On ne cessera de vous le dire, au Sziget il faut maîtriser l’art du grand écart et eux en sont des professionnels. La troupe de Limbo nous gratifie pendant une heure, de beatbox, de crachage de feu, de spectacles de claquettes, de saltos, et de sérieuses remises en cause des lois de la gravité. Un joli show qui nous permet aussi de découvrir le Magic Mirror, un chapiteau de cirque proposant chaque année des spectacles LGBT, et donc pas vraiment en odeur de sainteté avec le gouvernement. Les fins de journées se suivent et se ressemblent, on termine notre dimanche sous les spots du Colosseum, bercé par la house de l’Argentin Hernan Cattaneo.

Crédit photo : Major Kata – Rockstar-photographers

Enfin une vraie nuit, nous revoilà d’attaque ! On profite cette fois de la journée entière pour découvrir les activités proposées par le site. On se relaxe dans le Luminarium, une installation gonflable abritant des dômes et des bulles labyrinthiques éclairées par des lumières vertes, bleues ou oranges, donnant à ce chapiteau des effets aussi relaxants que psychotropes. Un petit tour au cirque pour le spectacle d’un duo sicilien, puis on s’adonne à un concours sportif, à un saut depuis une tour d’une dizaine de mètres sur un gros matelas gonflable, et à des minis jeux nous rappelant les kermesses de l’école. Les activités ne manquent pas. La fin d’après-midi arrive, et avec elle le concert de Jagwar Ma. Les Australiens installent une ambiance psychédélique avec la voix planante de Gabriel Winterfield, et les lumières orangées qui tombent sur la scène. Une heure de communion avec un public aux anges, et vingt dernières minutes largement dédiées aux incursions électroniques du groupe, et on ne va pas s’en plaindre. On prend le temps de reprendre des forces, puis on retourne sous le même chapiteau pour le concert de notre chouchou Mac DeMarco. « On The Level« , et ses synthétiseurs rêveurs pour commencer, puis on navigue entre Salad Days et This Old Dog. Ce n’est plus un secret pour personne, à 26 ans Mac DeMarco est encore un grand enfant. Les images de Pokemon version GameBoy projetées en fond le confirment. Le chanteur canadien enchaîne les blagues au micro et les gorgées sur sa bouteille. Qu’importe, cet état second n’altère pas la qualité du concert. Même scène mais toute autre ambiance, c’est ensuite le rappeur Vince Staples qui fait son entrée. Un concert minimaliste, mais tout en maîtrise. Seul sur scène, le rappeur de Long Beach devance un fond orange. On devine simplement sa silhouette noire se déplacer tandis qu’il rappe sur les rythmes électroniques et les basses puissantes définissant son dernier album Big Fish Theory. Il reviendra même quelques dizaines de minutes plus tard, lors du concert de Flume pour interpréter le titre « Yeah Right » composé pour lui par le producteur australien. Conclusion sympa d’une journée bien remplie.

Vince Staples sur la scène de l’OTP Bank.

Cinquième jour de festivité, le dernier. Petit tour dans les termes de Budapest pour se ressourcer. On profite une dernière fois des joies de la palinka, mais surtout de celles du site et de la scène d’un Colosseum encore clairsemé mais qui vibre déjà au son de la techno et de la house du collectif hongrois Badgirls. Des sets à la qualité inversement proportionnelle à celle du nom du collectif (et donc très cool). Puis direction la Grande Scène pour assister aux festivités de fin de Sziget. La Color Party d’abord, qui a eu la fâcheuse conséquence de flinguer notre beau t-shirt Tsugi. Les concert d’Alt-J ensuite, fidèle aux ambiances de ballades indie-rock du trio britannique, et de Dimitri Vegas, beaucoup moins pour la musique que pour le feu d’artifice de clôture. Les guitares saturées d’Interpol, enfin. Retour à la réalité longtemps perdue de vue pendant ce séjour, le Sziget Festival c’est fini pour nous. On aimerait poursuivre une dernière fois jusqu’au bout de la nuit, mais le lendemain matin notre avion lui, ne sera pas hors du temps. On a failli le constater à nos dépens.

Meilleur moment : Du soleil et de la house dans le décor de Rome Antique du Colosseum. Que demander de plus ?

Pire moment : « Tiens c’est quoi cette scène, ça a l’air symp…AH STEVE AOKI ! »

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