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13 août 2013

En direct de Berlin Atonal (Kraftwerk/Berlin), du 25 au 31 Juillet 2013

par rédaction Tsugi

Remettre en selle un festival disparu il y a vingt-trois ans, juste après la chute du Mur, était un pari osé pour Dimitri Hegemann et ses équipes. Organisé au mythique club SO36 de Kreuzberg entre 1982 et 1990, Berlin Atonal se voulait l’épicentre de la bouillonnante scène post-punk, new-wave, électro et indus qui agitait le Berlin Ouest de ces années-là, lui-même haut lieu de la contre-culture en Europe. Puis, le Mur est tombé et la techno est arrivée à point nommé pour fêter les retrouvailles de la jeunesse allemande. Ce fut une véritable déferlante qui culmina dans les années 90 avec les millions de participants à la Love Parade. Hengemann ne fut pas en reste. Il a monté le club/label Tresor, établissant une connexion fraternelle entre Berlin et Detroit – voir plus de détails dans notre hors-série estival. Berlin Atonal est alors entré dans une longue parenthèse jusqu’à 2013. Entre temps, le club Tresor a déménagé. Toujours souterrain, il est passé de la salle des coffres d’un grand magasin abandonné sous l’ère soviétique aux sous-sols d’une gigantesque centrale électrique au bord de la Spree. L’ancienne centrale en elle-même, nommée Kraftwerk Berlin Mitte,  a aussi été aménagée en un espace pouvant accueillir événements institutionnels, expositions mais aussi concerts et soirées. L’occasion était donc trop belle pour Dimitri Hengemann de ne pas relancer son festival dans ce lieu aux dimensions hors normes.

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A côté de la Kraftwerk, le Berghain – lui aussi installé dans une ancienne centrale électrique – passerait presque pour un petit blockhaus de la côte normande. Imaginez une immense cathédrale de béton et de ferraille, sur trois niveaux de 3500 m2 chacun avec 20 mètres de hauteur sous plafonds. Au rez-de-chaussée, l’accès était libre en journée pour profiter de diverses installations audiovisuelles et de conférences. Au premier étage, était disposé un bar où la bière coulait à flot, Berlin oblige. Au deuxième niveau, enfin, se trouvait le cœur du festival, le lieu des concerts avec une jauge de 2000 personnes, diversement remplie suivant l’heure et les artistes programmés. L’événement se déroulait sur six jours, à regret on n’en aura profité que de trois. Mais nos oreilles, avides de sonorités léchées et de rythmiques concassées, furent largement rassasiées. Berlin Atonal privilégiait en effet le versant le plus expérimental et avant-gardiste des musiques électroniques. Electronica, ambient, IDM, glitch, drone, industriel, dub et des choses plus ovniesques encore. Les productions formatées et le prêt-à-danser n’avaient clairement pas leur place ici. L’accent avait également était mis sur les visuels, une grande partie des performances étant accompagnées de projections originales et parfois tout aussi trippantes que la musique, le tout sur un écran gigantesque qui couvrait tout l’arrière de la scène. Et le sound-system dont nous n’avons pas encore parlé : simplement l’un des meilleurs son qu’il nous ait été donné d’entendre, dans un lieu qui au premier abord ne paraissait pas facile à sonoriser. Cela nous a permis de nous immerger totalement dans les prestations et parfois même de redécouvrir des lives sous un nouveau jour comme celui de Juan Atkins & Moritz Von Oswald ou encore de Voices From The Lake.

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L’une des performances les plus marquantes fut celle de Murcof & Simon Geilfus – du collectif AntiVJ. Les artistes avaient demandé aux festivaliers de s’assoir et avaient placé un écran entre eux et le public. Des conditions idéales pour se laisser totalement envahir par la musique profondément contemplative de Murcof et par des visuels organiques de Geilfus, se jouant de l’espace. Juste après, Donato Dozzy et Neel alias Voices From The Lake, auteurs de l’un des meilleurs LP de l’année passée, livrèrent une prestation ambient-drone-techno fort impressionnante. On retrouvait aussi Vladislav Delay dans une performance un poil plus énervée que ce que nous connaissions de lui, alternant phases apaisées et passages au BPM très élevé, le tout dans une fluidité déconcertante. L’un des meilleurs lives du festival fut peut être celui du Français Kangding Ray, excellent compromis entre puissance sonore IDM et groove technoïde. Comment se fait-il qu’un type aussi doué ne soit pas plus souvent convié à jouer du côté de l’hexagone ? Des déceptions ? Elles furent peu nombreuses à vrai dire. On mentionnera pour la forme Vatican Shadow, certes un excellent showman sur scène, qui en faisait limite trop à gesticuler dans tous les sens, laissant donc son live tourner tout seul, au final un peu brouillon. On repartait en se disant qu’un tel festival, dédié à la musique électronique plus expérimentale, manquait à la France et à Paris. Une impression d’autant plus renforcée que près d’un quart du public – estimation à la louche – était composé de Français.

Texte et photos : Nicolas Bresson

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