En écoute : “Drift”, le nouvel album d’Agoria

Mal­gré des remis­es en doute récur­rentes quant à sa per­ti­nence, l’album reste encore le for­mat de référence de l’industrie musi­cale. Un pas­sage presque obligé, même pour les pro­duc­teurs de musique élec­tron­ique dansante, pour lesquels le maxi est l’écrin naturel et qui ont tou­jours eu un peu de mal à appréhen­der ce for­mat : pro­pos­er la même chose sur long que sur court, ou s’en éloign­er et s’adapter ? Un choix qu’Ago­ria n’a, semble-t-il, jamais voulu faire. Depuis Blos­som, en 2003, sor­ti dans la foulée d’un maxi tech­no ravageur (“La 11ème marche”), il s’est éver­tué à con­cili­er sur album ses envies d’ailleurs pop, rock et hip-hop et son attache­ment à la tech­no, en par­ti­c­uli­er de Detroit, genre musi­cal qui lui a apporté ses plus grands suc­cès. Huit ans après Imper­ma­nence, cette idée de grand écart est tou­jours présente. Comme il le con­fi­ait à Tsu­gi en décem­bre dernier: “On vit tous dans une sorte de schiz­o­phrénie où on a envie d’écouter à la fois Rihan­na et Aphex Twin. Mais aujourd’hui, la façon de con­som­mer la musique, avec notam­ment les playlists, fait qu’il n’y a plus de juge­ment de valeur. Drift, c’est s’autoriser ces déra­pages. Cet album est une envie de se faire plaisir et d’assumer mes con­tra­dic­tions et mes choix, peut-être plus com­mer­ci­aux que ce que j’ai pu faire par le passé.

Un dis­cours qui n’a pas dû déplaire du côté de sa nou­velle mai­son de dis­ques, Mer­cury, ce qua­trième album mar­quant la pre­mière col­lab­o­ra­tion d’Agoria avec une major. Ten­dant en fin de compte plus vers Rihan­na qu’Aphex Twin, Drift s’apparente de fac­to à son disque le plus com­mer­cial. En tout cas celui qui en a le plus grand poten­tiel. Le moins tech­no aus­si, seuls “Dom­i­nae”, banger élec­tro à grosse ligne de basse, et “Scala” (avec Jacques), ver­sion légère­ment revis­itée du titre sor­ti en 2013 chez Innervi­sions, rap­pel­lent l’ADN dance­floor du pro­duc­teur lyon­nais. C’est aus­si son disque le plus ludique, “l’envie de se faire plaisir” citée plus haut est pal­pa­ble, comme si après 20 ans de car­rière, il s’autorisait enfin à dérap­er où bon lui sem­ble, entouré d’une bro­chette d’invités. Imag­iné comme une playlist, Drift glisse ain­si d’une pop atmo­sphérique qui flirte avec l’EDM (“Embrace” feat. Phoebe Killdeer) à une envolée cos­mique qu’on aurait pu imag­in­er trou­ver sur le dernier Daft Punk (“Arêg”), com­bine rock et hip-hop comme aux plus belles heures de N*E*R*D (“Call Of The Wild” feat. Sts), donne dans le R&B épique (“Rem­e­dy” feat. Noemie) et l’électropop acidulée (“A One Sec­ond Flash”), avant de se con­clure comme il faut sur une plage ambi­ent cré­pus­cu­laire (“Com­put­er Pro­gram Real­i­ty”). Un disque plutôt var­ié donc, mais qui évite l’effet fourre-tout, con­ser­vant mal­gré les soubre­sauts de son relief une ligne direc­trice cohérente. La dif­férence entre un album et une playlist.

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