Happy birthday Laurent Garnier, part 2

Lau­rent Gar­nier fête ce ven­dre­di ses 25 ans de car­rière au Rex Club à Paris.Il revient avec nous sur 25 moments impor­tants de son immense par­cours. Sec­ond épisode. 

1991 Zoo au Boy à Paris 

Le con­cept de Zoo était com­plète­ment décalé. Le décor était ultra kitschissime. On ouvrait le rideau vers une heure et on voy­ait sur scène Philippe qui est mon beau-frère et une copine à nous. les deux en robe de cham­bre, charentais­es aux pieds. Ils ne bougeaient pas pen­dant trois heures, ils étaient sur un canapé et ils regar­daient la TV. Elle tri­co­tait aus­si. C’était un cou­ple de “Bido­chons” que tu retrou­vais tous les 15 jours dans une sit­u­a­tion un peu dif­férente. Un soir, on les a fait manger pen­dant trois heures à table. Au Boy les gens avaient l’habitude d’écouter de la tech­no. C’était com­plète­ment con­venu donc il fal­lait essay­er de faire un truc nouveau. 

Décem­bre 1991, Lau­rent Gar­nier & Mix­mas­ter Doo­dy French Con­nec­tion maxi sur Fnac Music

Eric Morand qui lançait le label Fnac Music con­nais­sait mon pre­mier maxi sor­ti sous pseu­do French Con­nec­tion que j’avais enreg­istré avec un Anglais qui s’appelle Ian Bland. A l’époque, tu ne te fai­sais pas un nom en étant musi­cien, mais en étant DJ. Je me suis retrou­vé dans le stu­dio de Ian, il allumait les machines, on touchait des bou­tons, je lui demandais : “Tiens ça fait quoi ça ? Pourquoi tu as cet effet, et on l’utilise com­ment ?”. Ensem­ble, nous avons donc sor­ti ce pre­mier maxi. Eric donc deux ans plus tard me dit : “j’aimerais bien que tu com­mences sérieuse­ment à faire de la musique, donc je te paye un bil­let, et tu retournes chez Ian Bland à Man­ches­ter et vous allez faire un maxi.” Il voulait que je me mette à la pro­duc­tion parce que qu’il pen­sait que c’était impor­tant pour ma car­rière. Je ne voulais même pas met­tre mon nom sur la pochette, je voulais con­tin­uer sous French Con­nec­tion … Morand a insisté “Non, non, il faut le sor­tir sous le nom de Lau­rent Gar­nier.” C’est Eric qui avait toutes ces visions-là, moi je n’étais pas du tout dans le mar­ket­ing, je n’en avais rien à foutre. Je voulais jouer en DJ, je voulais faire danser les gens. L’envie de faire car­rière en tant que musi­cien est venu bien plus tard. 

1992 Wake Up Au Rex 

La musique élec­tron­ique avait explosé en 1988 en Angleterre, en France on avait 4 ans de retard. Des dis­ques sor­taient, il y avait pas mal de soirées à Paris mais avec Eric, nous étions frus­trés de pas voir Paris explos­er comme il devrait. On s’est donc dit qu’on allait faire une soirée où on allait inviter toutes nos idol­es. Nous avons donc ren­con­tré Chris­t­ian Paulet (le respon­s­able du Rex Club NDLR) qui avait fait les pre­mières soirées house et tech­no en France dans un club, en lui dis­ant qu’on avait envie de faire une soirée chez lui. Pour la pre­mière, nous voulions faire venir Der­rick May et Kevin Saun­der­son. Je me rap­pellerais tou­jours de la gueule de Chris­t­ian quand je lui annonce ce line up, il me regarde avec l’air de ne rien com­pren­dre alors je lui dis : “je t’explique, c’est comme si tu avais les Rolling Stones et les Bea­t­les dans ton club.” Ces yeux ont com­mencé à pétiller et il a répon­du : “ah ouais, ah d’accord ! Tant que ça ne coûte pas le prix des Stones et des Bea­t­les.”. Nous avons donc com­mencé les soirées Wake Up. Ca n’a pas été facile tous les soirs mais on a tenu longtemps. A un moment, c’est devenu un peu la messe, une soirée très impor­tante. On a eu quand même des putains d’invités, on a fait tous les mecs de Chica­go, tous les mecs de Detroit. Carl Cox, et après il y a eu toute la scène alle­mande : Sven Vath, Pas­cal Feos, Paul Van Dyck, qui jouait très tran­souille, mais c’était accep­té tout ça à l’époque. On a fait de très belles soirées. Wake Up est devenu un endroit d’essai et de partage. Et puis surtout c’était le jeu­di, ça annonçait le week­end. Le jeu­di a tou­jours été un bon soir pour moi. 

1993, pre­mier voy­age à Detroit. Ken­ny Larkin m’avait invité. 

J’avais très envie de voir son stu­dio et d’aller à Detroit et de ren­con­tr­er tous les gens de la scène élec­tron­ique. Ce fut une espèce de voy­age ini­ti­a­tique où j’ai décou­vert une ville que je ne con­nais­sait pas, mais que j’aimais telle­ment par la musique. J’ai com­pris plusieurs années après pourquoi la musique de cette ville m’a autant touché. Je pense que ce sont des gens extrême­ment sincères qui ont énor­mé­ment souf­fert et ça s’entend dans leur musique. Quand tu vas dans cette ville et que tu te rend compte de com­ment elle marche, c’est là où tu com­prends tout le dés­espoir de leur musique. Il y a une force, une mélan­col­ie, une vision et une vraie envie du futur. Une fois, j’ai demandé à Jeff Mills : “pourquoi tous les jazzmen noirs, et tous les mecs dans la tech­no, améri­cains et blacks égale­ment, sont aus­si obnu­bilés par l’espace et par le futur ?” Il m’a répon­du en me dis­ant que quand tu es né noir aux USA, l’idée du futur est une sorte d’espoir car on se dit tou­jours ça peut être mieux que la vie présente. 

1994 Créa­tion du label FCOM 

Eric Morand dirigeait donc Fnac Dance Divi­sion et on avait sor­ti mes morceaux “Wake up”, “Acid Eiffel”,mais aus­si les pre­miers dis­ques de Ludovic Navarre alias St Ger­main sous le nom de Deep­side, il y avait aus­si Scan X, Shazz. Mais cela n’allait plus avec la Fnac et avec Eric on s’est dit : “qu’est ce qu’on fait ?”. Donc on a voulu mon­ter un nou­veau label. On a été approché par les gens de PIAS qui voulaient nous dis­tribuer, ils nous offraient une struc­ture. On leur a répon­du qu’on tra­vaillerait avec eux s’ils nous lais­saient carte blanche pour tout ce qui est artis­tique. On s’est retrou­vé en Angleterre avec Eric à chercher un nom de label et on a eu la révéla­tion un soir à The Eclipse à Coven­try, un club hard­core où les Anglais affichaient vrai­ment sur leurs t‑shirt le nom­bre de pilules qu’ils ingur­gi­taient. On regar­dait tous les deux un mec qui était défon­cé, il avait une espèce de trompette dans laque­lle il s’époumonait. Il por­tait un t‑shirt avec un gros “E” dessus, et je dis à Eric qu’il fal­lait qu’on fasse un morceau “After E comes F”. Il me répond : “Non, ça va être le nom de notre label”. Rapi­de­ment on a sor­ti mon pre­mier album Shot In The Dark, le pre­mier album sur Fcom. C’était vrai­ment un tir dans la nuit, on ne savait pas du tout où ça allait nous emmen­er. Faire un album de tech­no à cette époque-là, c’était com­plète­ment cinglé. Il n’y avait que les Améri­cains qui avaient essayé. En France, ça ne se fai­sait pas. Shot In The Dark ça voulait dire quelque chose. Comme quoi les noms ont tou­jours été très importants. 

Patrice Bar­dot assisté de Quentin Monville

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