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© Maëlle Robinot // © Roxane Riou
24 juin 2024

Hôtel Particulier : rock rêveur, ‘Vices et merveilles’ | INTERVIEW

par Tsugi

Après un très élégant trois-titres sorti fin 2022, le quatuor français Hôtel Particulier vient de dévoiler son deuxième EP, VICES ET MERVEILLES, à l’aube de l’été. À travers un rock teinté de rêveries, les quatre Lyonnais racontent des textes intimes et jouent habilement avec les mots sur fond de tableaux imaginaires. Rencontre. 

Par Léa Crétal et Olivia Beaussier

 

Longue distance oblige, c’est en visio qu’on a discuté avec deux membres -sur quatre- du groupe de rock français Hôtel Particulier : Mélodie (chant/guitare) et Sébastien (guitare). Si le quartette tire son nom du morceau de Gainsbourg, le groupe ne garde du « personnage controversé » qu’une certaine idée du travail artistique, notamment l’importance qu’apporte un décor à l’imaginaire. Et ce n’est ni la distance, ni la panne de batterie (en milieu d’interview) qui nous a empêchés de saisir leur énergie poétique.

Comme l’indique son titre, l’EP navigue entre les extrêmes : VICES ET MERVEILLES démarre sur une douce mélodie contemplative et se conclut par un cri libérateur, avec la chanson pourtant prénommée « Le Silence« . On laisse les concerné.es nous en parler davantage.

 

Comment le groupe est-il né ?

Sébastien : Le groupe s’est formé début 2020. On était tous et toutes élèves à l’École Nationale de Musique de Villeurbanne. Mélodie et Cyril ont d’abord entrepris un projet à deux, qui ne ressemblait d’ailleurs pas du tout à ce qu’on joue aujourd’hui. C’était plutôt du trip hop. Ensuite, on a commencé à jouer les uns avec les autres. Nos influences respectives ont donné naissance à ce que l’on est aujourd’hui.

 

Le nom de votre groupe fait référence au titre « Hôtel Particulier » de Serge Gainsbourg. C’est un artiste qui vous inspire ?

Mélodie : C’est une question importante. On a effectivement été inspirés par sa musique. Le texte en français, le jeu du mot, la musicalité de la langue, le côté purement phono, le rendu intime de ses albums… Tout ça nous a beaucoup parlé. Pour autant, on ne se sent pas proches du personnage. Et on ne tient pas à être associés à cette figure controversée.

Sébastien : C’est vrai qu’au début, on cherchait à indiquer des références françaises, parce qu’on fait du chant en français. Mais récemment, on s’est rendu compte que les musiques qui nous ont influencés sont surtout anglo-saxonnes.

Mélodie : L’une des seules choses que l’on garde de Gainsbourg, c’est notre nom de groupe. Sa chanson ‘L’hôtel Particulier’ est très contemplative, comme une promenade dans un décor. À l’époque, on avait beaucoup de morceaux dans ce style. Même si ce n’est plus autant le cas aujourd’hui, on a toujours ce rapport à l’importance qu’apporte un décor précis à notre imaginaire.

 

Qu’est qui a changé musicalement entre le premier projet (Hôtel Particulier) et VICES ET MERVEILLES ?

Mélodie : Personnellement, j’ai eu besoin d’accroches plus personnelles et intimes au travers des textes, plutôt que de simplement raconter des décors. Il y a eu un tournant dans l’écriture à cette période-là. Mais l’impulsion ne part pas uniquement de moi : ce besoin d’intimité dans les paroles, c’est quelque chose qu’on a pointé du doigt tous ensemble. On compose et on écrit tous les quatre. Ça n’arrive jamais que j’écrive un texte et qu’on le garde tel quel.

 

hotel particulier

@maellerbnt

Il paraît que vous faites souvent des résidences artistiques en montagne. C’est nécessaire pour vous de s’isoler pour composer ?

Mélodie : On a effectivement deux lieux fétiches à la montagne ; l’un en Savoie et l’autre en Haute-Savoie. On est tous des citadins et parfois, on a envie de nature, de silence et de solitude. Ça fait un peu citation de nos titres, mais ce n’était pas le but ! (rires). En tout cas, on a vite besoin de se retrouver tous les quatre et d’avoir un espace qui nous appartient, où rien -ni personne- n’entre. Être dans la même pièce nous donne même l’impression de partager un cerveau.

 

À propos de silence et de solitude : ce sont deux thèmes principaux qui reviennent régulièrement dans vos textes. Pourquoi ?

Mélodie : Le thème de la solitude est souvent rattaché à un décor frénétique tout autour. Au milieu du bruit et de la frénésie, il y a une immobilité, une incapacité ou alors un moment de recul. On se retrouve beaucoup là-dedans, tous les quatre. Pour le thème du silence, on veut témoigner du fait que le silence raconte quelque chose, tout autant qu’un brouhaha. D’ailleurs c’est un message qu’on ne passe pas uniquement dans nos textes, mais aussi en live. Notre ligne directrice sur scène, c’est passer du bruit à quelque d’épuré et de silencieux.

 

Pouvez-vous nous parler de « Elijah », seul morceau entièrement instrumental de l’EP ?

Sébastien : Le morceau s’est construit assez naturellement. Il n’y avait pas d’intention initiale particulière mais ça a fini par donner une ambiance un peu western. Et elle n’est pas tout à fait instrumentale, car Mélodie siffle dessus !

Mélodie : Pour l’anecdote, on a composé ce titre en résidence au chalet. Notre ingénieur son était là, avec son bébé de deux mois. Le bébé dormait, donc on ne pouvait pas toujours jouer fort. Le sifflement est sorti quand j’avais ce fameux bébé dans les bras, qui s’appelle Elijah. Je sifflais, ça l’endormait. Je me suis dit : « Tiens, et si j’essayais de siffler comme ça, mais sur ce qu’ils sont en train de composer ? »

 

Qu’est ce qui a inspiré le titre de l’EP, VICES ET MERVEILLES ?

Sébastien : « Vices et Merveilles », c’est l’idée d’un oxymore. Deux choses qui s’opposent, deux extrêmes.

Mélodie : Ça renvoie aussi à la ville et aux vices qu’on y développe. La fête, le fait d’être nombreux au même endroit… Ça entraîne l’alcoolisme, l’ego-centrisme, des liens sociaux superficiels… Mais il y aussi un aspect merveilleux dans ces choses-là. Être fatigué.e, que ça sente mauvais, qu’on soit tous et toutes transpirantes, que la musique soit trop forte. C’est horrible et merveilleux à la fois. 

« J’ai eu besoin d’accroches plus personnelles et intimes au travers des textes »

Mélodie (Hôtel Particulier)

 

« Le Bal des Agité.es » et « Le Silence » ont une durée assez longue, ce qui se fait de plus en plus rarement dans la chanson aujourd’hui (5 min et 6 min), alors que « Elijah » ne dure que deux minutes. Comment naît l’envie de s’exprimer sur la longueur ou au contraire, de partir sur une composition courte et plus directe ?

Mélodie : L’envie de faire ce qu’on veut. Quand on estime que le morceau est fini, on le rend. On ne se met pas de barrières par rapport à ça. 

Sébastien : Lorsqu’on a une idée de morceau, on a d’abord un fragment de trente secondes, ou une minute. Ensuite, on se demande si la proposition vaut la peine de durer longtemps ou non, et on tombe d’accord. C’est du cas par cas.

 

Donc les morceaux longs dans une industrie qui tend à toujours raccourcir ça ne vous fait pas ‘peur’ ?

Mélodie : Non parce qu’à ce niveau-là, notre écoute est très variée. On peut aussi bien écouter de l’hyperpop ou des albums post-punk de douze minutes que des morceaux psyché de sept minutes et des morceaux de 25 minutes d’ambient à quatre dans une voiture, sans rien dire pendant une demi heure.

hotel particulier

© Roxane Riou

 

Vous venez de faire une tournée en France, c’était comment ?

Sébastien : C’était super. J’ai vraiment apprécié le fait de jouer parfois trois soirs de suite, de remballer le matos, changer de ville, tout réinstaller le lendemain. On s’est produits dans des lieux super différents. Un soir on s’est retrouvé dans un festival étudiant à Orléans puis le lendemain dans un village paumé de Bretagne devant quinze personnes, mais très attentives.

 

Vous semblez très à l’aise sur scène. C’est quelque chose que vous avez travaillé ? 

Mélodie : Oui complètement. On a fait plusieurs résidences scéniques. D’ailleurs on parle souvent de « spectacle » entre nous, pour désigner nos concerts, parce qu’on apprécie l’aspect ‘dramaturgie’ du show en live. Ça se passe chaque fois différemment, bien que certaines choses soient orchestrées. C’est le meilleur endroit d’expérimentation, comme un laboratoire. 

 

En trois mots, quelles sont les émotions et sensations que vous souhaitez transmettre au public, lorsque vous vous produisez ? 

Sébastien : Je dirais d’abord quelque chose d’onirique, qui relève de l’imaginaire et du rêve.

Mélodie : On cherche aussi à transmettre une énergie débordante, quasi-viscérale. Parce qu’en musique et sur scène, on extériorise des choses qui ne sortiraient pas autrement.

Sébastien : Je crois aussi qu’on fait de la musique qui n’est pas forcément joyeuse, et j’ai eu tendance à penser qu’il fallait qu’on reste sérieux sur scène pour habiter au mieux notre musique. Mais on arrive de mieux en mieux à collectivement trouver un moyen de s’amuser, alors même qu’on aborde des thèmes sérieux.

Mélodie : Tristes mais cools quoi (rires).

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