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Crédit : Nicolas Joubard
2 août 2019

La Route du Rock ne laissera pas les guitares orphelines

par Elie Chanteclair

Bientôt la trentaine. Nichée dans le fort de St-Malo, la Route du Rock finit les derniers préparatifs de sa 29e édition, qui aura lieu du 14 au 17 août prochain. Presque trois décennies passées à contempler un paysage maritime, mais surtout musical. Un écosystème qui évolue vite, très vite. Entre l’explosion des nineties, véritable big bang indie donnant naissance -entre autres- à Radiohead et la Britpop, le retour des guitares au début du nouveau millénaire avec l’arrivée des dernières stars mécheuses supplément boots-jean-slim, et la position ambigüe des années 2010, remplies d’une énergie créatrice inédite mais probablement plus confidentielle, les mutations du rock sont le produit d’un environnement social et technologique. Avec l’arrivée du streaming, la fidélité grégaire et exclusive pour un genre musical est devenue obsolète, les frontières de styles se sont fluidifiées et la Route du Rock s’y est adaptée ; avec souplesse, et même pas mal d’enthousiasme.

« Je ne pense pas qu’il y ait un « âge d’or » du rock. Il y avait déjà des gens qui le déclaraient mort dans les années 60.« , s’amuse Alban Coutoux, programmateur du festival. « En tant que festival, on ne veut surtout pas devenir passéiste, ni s’accrocher à un courant particulier. Par exemple, notre édition 1995 avait une affiche très britpop, avec des groupes comme Supergrass ou The Bluetones. On a vite échappé à ça, car il ne fallait pas être associé à un style musical précis : ç’aurait été réducteur, ne reflétait pas nos valeurs, et puis ça n’aurait pas vraiment duré… » En effet, il aurait été peu visionnaire de s’accrocher à ce qui s’est avéré être un phénomène de mode bien artificiel (contrairement à notre amour musical pour Damon Albarn et les affreux jojos Gallagher). C’est en évitant un tel écueil que le festival breton a su rassembler, au travers de ses éditions, tout la crème du rock indé international… et même au-delà. Chaque année, de beaux noms de la musique électronique viennent aussi se diluer dans un océan de guitares, comme Jon Hopkins, Hot Chip ou Oktober Lieber en 2019.

« Le mélange des deux genres ne date pas d’hier : quand on regarde la scène de Manchester à la fin des années 80 pendant le Second Summer of Love, on voyait déjà un net alliage rock indé/dance music. Des groupes comme Happy Mondays, Stones Roses, l’album Screamadelica de Primal Scream, j’en écoute encore quotidiennement. », explique-t-il. « C’est également très intéressant pour l’élaboration de la programmation : on commence à 15h sur la plage et on finit à 4h du matin dans le fort. On passe donc par des choses d’abord calmes, puis plus rock, puis électroniques. »  L’époque est au décloisonnement. La tête d’affiche de cette année est d’ailleurs Tame Impala, déjà passé par la Bretagne en 2013. Le groupe psyché australien est un excellent exemple de cette porosité musicale : il y a quelques semaines, le site Genius publiait une vidéo intitulée « Comment Tame Impala est devenu le groupe de rock préféré des rappeurs », se référant à la quantité de samples, reprises et collaborations initiées par le leader Kevin Parker.

À St-Malo, les passerelles entre logiciels de son, machines à boutons et amplis à lampes sont donc multiples ; reste à les dénicher sans renier les racines du festival : « On privilégie les lives aux DJ-sets, pour retrouver cette énergie brute qui nous intéresse. Je pense notamment à Oktober Lieber, qui a une énergie très abrasive, très punk dans sa musique. »

Au-delà de ces ouvertures clairement désirées, le festival peut s’offrir le luxe de s’affranchir de certaines contraintes artistiques moins enthousiasmantes :  » Avec la musique qu’on écoute et qu’on programme, on a toujours été plus ou moins dans les marges. Cela nous permet beaucoup plus de souplesse en terme de programmation. » Et également de belles découvertes… En 2017, des Anglais inconnus au bataillon livraient un concert d’exception dans la cité bretonne. Deux ans plus tard, ils reviennent en jouissant d’un nouveau statut : celui d’une tête de gondole de la nouvelle génération indé. Leur nom ? Idles. « Ç’avait été un énorme coup de coeur. Personne ne les connaissait mais tout le monde s’était pris une énorme claque », se souvient Alban Coutoux. « Avec eux, on remarque un retour d’un fond dur et punk dans la scène britannique. La situation en Angleterre est tellement chaotique que des groupes comme Idles, Crows ou Fontaines D.C. reflètent ce côté désespéré et surréaliste. Plus la situation politique est compliquée, plus il y a de rébellion dans la musique. » 

Trente ans après les grandes heures de Manchester, le rock suivrait-il une dynamique cyclique ? « L’important est qu’il continue à incarner la liberté et la création. Je trouve ça génial de voir des jeunes de 20 ans prendre des guitares et monter un groupe, sans tomber dans la nostalgie, le côté vintage ou réac’ du truc. C’est quand même fou qu’avec une grammaire aussi simple – quelques accords et instruments -, on parvienne encore à renouveler cette musique et la rendre excitante. » Réponse

La Route du Rock aura lieu du 14 au 17 août 2019. Pour plus d’infos et accéder à la billeterie, rendez-vous sur le site du festival

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