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18 février 2020

Il y a un mec qui a un synthé à la place du bras

par Tsugi

Les cyborgs sont déjà parmi nous. Bertolt Meyer, professeur de psychologie suisse né sans avant-bras gauche, est équipé d’une prothèse électrique depuis son enfance. Il peut aujourd’hui manipuler une main électrique dont chaque doigt est indépendant. Mais pour ce passionné de musique électronique, c’est encore insuffisant : elle est trop peu réactive et précise pour manipuler efficacement un synthétiseur. Il imagine donc une solution : sa prothèse étant équipée de deux électrodes, pourquoi ne pourrait-il pas y brancher deux câbles jack pour envoyer le signal électrique directement dans son synthétiseur modulaire ?

Il s’attèle lui-même à la fabrication d’un premier prototype, puis se sert du Field Kit des Berlinois KOMA Elektronik, dédié au field recording, pour amplifier le signal électrique de sa prothèse afin que le synthétiseur puisse le capter. Mise au courant du projet, l’entreprise allemande va apporter son aide et imaginer sur mesure un circuit électrique, tandis que le mari du musicien va fabriquer le support en plastique de ce circuit.

Meyer obtient ainsi ce qu’il baptise le « SynLimb », qu’il peut installer sur sa prothèse à la place de sa main. Deux prises jack peuvent ainsi être reliées à n’importe quel contrôleur de son synthétiseur, comme par exemple le filtre passe-haut et le pitch. Ces deux éléments peuvent alors être contrôlés… par la pensée. Plus exactement, Meyer n’a qu’à contracter certains muscles pour envoyer le signal au synthétiseur. Mais pour lui qui manipule cette prothèse depuis plusieurs années jour et nuit, c’est presque une seconde nature. “Pour moi, c’est tellement naturel que je n’ai pas vraiment à y penser, il n’y a aucun effort”, explique-t-il dans sa vidéo de présentation.

Selon le musicien suisse, l’instrument peut encore être amélioré, mais sa présentation est déjà saisissante. Quarante ans après l’album Man Machine de Kraftwerk, il semble qu’une nouvelle étape ait été franchie dans la symbiose entre homme et machine. Mais il faut toutefois tempérer nos fantasmes transhumanistes : comme dit plus haut, Meyer manipule les électrodes de sa prothèse depuis des années, par conséquent il est a priori le seul à pouvoir utiliser l’instrument. Mais ce genre d’approche de la création électronique, plus physique et connectée au corps, se développe de plus en plus, comme en témoigne l’entreprise allemande Playtronica. En 2018, elle présentait le contrôleur MIDI Touch Me, recevant le signal électrique produit par deux corps pour le convertir en son : plus on se touche fort, plus le son est aigu. On peut ainsi relier deux corps humains, mais aussi tout autre objet conducteur comme des ananas.

Quant à Bertolt Meyer, ce n’est pas la première fois qu’on le voit associé à des projets de pointe : en 2013, un homme bionique nommé Rex avait un visage modelé sur celui le sien. Disposant d’un cœur, poumons et système sanguin artificiel, ainsi que d’une IA rudimentaire, l’expérience avait rendu le psychologue aussi mal à l’aise qu’intéressé. La réalisation du robot avait fait l’objet d’un documentaire, How To Build a Bionic Man, pour la chaîne anglaise Channel 4, disponible intégralement sur YouTube.

©Reuters

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