Il y a un mec qui a un synthé à la place du bras

par Tsugi

Les cyborgs sont déjà par­mi nous. Bertolt Mey­er, pro­fesseur de psy­cholo­gie suisse né sans avant-bras gauche, est équipé d’une pro­thèse élec­trique depuis son enfance. Il peut aujour­d’hui manip­uler une main élec­trique dont chaque doigt est indépen­dant. Mais pour ce pas­sion­né de musique élec­tron­ique, c’est encore insuff­isant : elle est trop peu réac­tive et pré­cise pour manip­uler effi­cace­ment un syn­thé­tiseur. Il imag­ine donc une solu­tion : sa pro­thèse étant équipée de deux élec­trodes, pourquoi ne pourrait-il pas y branch­er deux câbles jack pour envoy­er le sig­nal élec­trique directe­ment dans son syn­thé­tiseur modulaire ?

Il s’at­tèle lui-même à la fab­ri­ca­tion d’un pre­mier pro­to­type, puis se sert du Field Kit des Berli­nois KOMA Elek­tron­ik, dédié au field record­ing, pour ampli­fi­er le sig­nal élec­trique de sa pro­thèse afin que le syn­thé­tiseur puisse le capter. Mise au courant du pro­jet, l’entreprise alle­mande va apporter son aide et imag­in­er sur mesure un cir­cuit élec­trique, tan­dis que le mari du musi­cien va fab­ri­quer le sup­port en plas­tique de ce circuit.

Mey­er obtient ain­si ce qu’il bap­tise le “Syn­Limb”, qu’il peut installer sur sa pro­thèse à la place de sa main. Deux pris­es jack peu­vent ain­si être reliées à n’importe quel con­trôleur de son syn­thé­tiseur, comme par exem­ple le fil­tre passe-haut et le pitch. Ces deux élé­ments peu­vent alors être con­trôlés… par la pen­sée. Plus exacte­ment, Mey­er n’a qu’à con­tracter cer­tains mus­cles pour envoy­er le sig­nal au syn­thé­tiseur. Mais pour lui qui manip­ule cette pro­thèse depuis plusieurs années jour et nuit, c’est presque une sec­onde nature. “Pour moi, c’est telle­ment naturel que je n’ai pas vrai­ment à y penser, il n’y a aucun effort”, explique-t-il dans sa vidéo de présentation.

Selon le musi­cien suisse, l’instrument peut encore être amélioré, mais sa présen­ta­tion est déjà sai­sis­sante. Quar­ante ans après l’album Man Machine de Kraftwerk, il sem­ble qu’une nou­velle étape ait été franchie dans la sym­biose entre homme et machine. Mais il faut toute­fois tem­pér­er nos fan­tasmes tran­shu­man­istes : comme dit plus haut, Mey­er manip­ule les élec­trodes de sa pro­thèse depuis des années, par con­séquent il est a pri­ori le seul à pou­voir utilis­er l’in­stru­ment. Mais ce genre d’approche de la créa­tion élec­tron­ique, plus physique et con­nec­tée au corps, se développe de plus en plus, comme en témoigne l’entreprise alle­mande Playtron­i­ca. En 2018, elle présen­tait le con­trôleur MIDI Touch Me, rece­vant le sig­nal élec­trique pro­duit par deux corps pour le con­ver­tir en son : plus on se touche fort, plus le son est aigu. On peut ain­si reli­er deux corps humains, mais aus­si tout autre objet con­duc­teur comme des ananas.

Quant à Bertolt Mey­er, ce n’est pas la pre­mière fois qu’on le voit asso­cié à des pro­jets de pointe : en 2013, un homme bion­ique nom­mé Rex avait un vis­age mod­elé sur celui le sien. Dis­posant d’un cœur, poumons et sys­tème san­guin arti­fi­ciel, ain­si que d’une IA rudi­men­taire, l’expérience avait ren­du le psy­cho­logue aus­si mal à l’aise qu’intéressé. La réal­i­sa­tion du robot avait fait l’ob­jet d’un doc­u­men­taire, How To Build a Bion­ic Man, pour la chaîne anglaise Chan­nel 4, disponible inté­grale­ment sur YouTube.

©Reuters

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