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© KELLY KOFFI
5 octobre 2023

INTERVIEW | Ichon : « l’album est venu d’une envie d’être un peu plus méchant »

par Léa Formentel

À quelques jours de la sortie de son album Kassessa (prévu pour le 20 octobre), et un peu plus d’un mois avant son Olympia, on a rencontré Ichon. Avec lui on a aussi bien parlé de son envie bouillonnante de remonter sur scène et de sortir ses nouveaux morceaux, que de ses chansons « anti-suicide » et son envie de « casser ça ». Pour prendre ses places pour l’Olympia le 16 novembre, ça se passe ici ! 

 

J’ai lu que tu essaies de travailler ton bien-être, dans la vie en général. C’est ce que tu racontes dans tes chansons. Est-ce que c’est toujours le cas actuellement ?

Ichon : Oui bien sûr, même si c’est plus difficile maintenant. Finalement quand tu veux travailler, quand tu veux avancer et tu que tu as un peu moins de temps pour toi, c’est plus difficile. Donc j’essaie toujours. J’ai la chance d’avoir une maison maintenant, à la campagne, dans le Berry. Avec ma dame, on vient d’avoir un bébé qui a 3 mois. J’ai mon studio ici, on a deux potagers. On va dire que le cadre m’aide à ça. Je n’ai pas trop de temps pour moi mais je fais du sport. C’est ce qui me maintient. Et j’écris, j’écris toujours, je fais toujours de la musique. Donc on va dire que c’est mon moyen le plus sain et introspectif pour me remettre en question. Ma thérapeute par exemple, je ne la vois plus trop. La vie active te retire des bienfaits introspectifs.

Mais bon, je partais de loin à l’époque. Avant, je faisais beaucoup beaucoup la fête. La vie allait beaucoup trop vite et je ne prenais même pas le temps. Il y a donc eu trois ans comme ça -et même avant en fait-, je partais de bien loin. Là j’ai des bases solides : j’ai une femme, j’ai un enfant, une maison.

 

Justement tu dis dans « 911 »,  « je continue parce que je sais que je vais y arriver« , tu dirais que ça s’applique toujours ? Que ça a été le mot d’ordre pour Kassessa ?

Ichon : Ah complètement ! À chaque instant, à chaque pas que je fais, je continue parce que je sais que je vais y arriver. Il suffit de le faire, c’est la manière que j’ai d’aborder les choses. Donc oui, Kassessa s’est fait un peu comme ça. Il y a eu un mélange de plein de choses pour faire cet album. Il s’est un peu commencé pendant la fin de la tournée de Pour de vrai, fin 2022. Et à chaque fois qu’on montait sur scène avec les musiciens, je répétais « on va casser ça, casser ça, casser ça ». Donc ce truc est parti de là pour « rallier les troupes » et finalement j’ai écrit cette chanson « Kassessa » pour Leila -la femme avec laquelle j’étais, mon amoureuse-. Parce qu’en effet, ce travail nous empêche souvent d’être à la maison, donc c’est un peu un album pour elle. Pour qu’elle aussi puisse se défaire des chaînes que j’ai pu défaire plus tôt : d’abord la jalousie, quand même. Il y avait une chanson dans l’album précédent, qui s’appelait « C’est pas le moment », qui était complètement écrite pour elle. Je disais « tiens moi par la main sans la retenir. » C’est casser les schémas qu’on a dans la tête, les schémas de couple, les schémas amicaux. Tous ceux qui nous forcent finalement à rester dans quelque chose, qui ne va peut-être pas avec la vie qu’on a. Et du coup il faut casser ça : c’est de la déconstruction, si tu veux.

 

Je trouve quand même que de manière générale, après avoir bien écouté les paroles, ça reste assez sombre. D’accord avec ça ?

Ichon : Oui oui! Il n’y aurait rien à cacher si ce n’était pas sombre. Et on a vécu ces trois dernières années difficilement. Donc l’album est aussi venu de là. De cette envie d’être un peu plus « méchant ». C’est né dans le noir, dans l’envie d’avoir du feu sur scène. Je voulais « casser », parce qu’il y avait quelque chose à casser. La chance que j’ai aujourd’hui c’est d’avoir un cadre où il y a les oiseaux, du soleil, il fait beau… Le jardin est magnifique avec un petit ruisseau qui passe. Mais dès que tu ouvres les yeux, que tu ouvres ton téléphone, c’est la guerre et à tellement de niveaux ! Et même en tant qu’artiste, je dois faire ma « guerre » sur les réseaux sociaux pour trouver ma place. Franchement, l’album est sombre parce que je pense qu’on vit une période sombre. Et on essaie de trouver la poésie dans tout ça.

 

Justement, je trouve ton titre « Souvent » assez cru. Tu dis notamment « souvent je me déteste« , « la dépression me fait danser » et pourtant tu l’as écrit en majeur, très groovy. Pourquoi avoir choisi ce paradoxe ?

Ichon : Tu vois, tu as utilisé l’un des mots que j’aime le plus dans la vie : paradoxe. Pourquoi cette chanson ? C’est parce que jusqu’à mes 27 ans, j’étais persuadé que j’allais mourir, que je me détruisais, que je faisais n’importe quoi. Et que la dépression, pour moi, était un climat naturel et normal dans lequel je pouvais me complaire. En reprenant ma vie en main, je me suis rendu compte que, en effet, cet état allait revenir souvent : la dépression, les angoisses, les peurs, les doutes, l’envie de rester sous la couette, etc. Il faut que je puisse danser avec ça, avec cette chose, parce que la chance que j’ai, c’est que je ne suis jamais resté au sol. C’est la résilience, l’obligation de continuer. Parce que sinon, on se tue. Et j’ai déjà vu des amis partir de ça et j’ai vu la peine que ça avait fait à leur famille. Je suis obligé, dans chacun de mes albums, de faire une chanson pour ça. Dans l’album précédent, c’était « SOS« . Mais je suis obligé de faire des chansons anti-suicide. Et il y a une phrase que j’aime bien dire : « on n’est pas tout seul, est tous seuls« . Dans le sens où on est tous dans la merde, donc venez on rigole. C’est ce que j’ai envie de rappeler.

 

Oui, c’est un peu ce qu’on disait avant, quand on parlait du fait que tu te répètes souvent « je sais que je vais y arriver ». Finalement, tu as été traversé par des états de dépression. Donc comment on fait quand on doit garder ça à l’esprit, pourtant qu’on est quand même rappelé avec la dépression, à des états où on n’a envie de rien du tout ?

Ichon : Tout à fait. Écoute, mon but c’est de pouvoir offrir une chanson à ces moments là, comme « Souvent ». Ce titre, je l’ai écrit dans cet état là.

 

Tu as la force d’écrire tout de même ?

Ichon : Ah oui ! J’ai de la chance. J’aime bien dire une autre phrase : « j’en fais des chansons ». Quand j’écris, c’est que je le ressens. Donc oui, j’y passe et j’y repasserai. En ce moment ça va, mais quand je retournerai dans la merde, je réécouterai cette chanson. Je la chanterai sur scène et je verrai des gens qui me diront « Waouh trop bien » et ça me redonnera de l’énergie.

 

ll y a tout de même des coins dans lesquels on ne t’attendait pas forcément. Notamment sur le titre « Malabar » qui va plutôt chercher dans la synthwave. Est-ce que les musiques électroniques t’inspirent ?

Ichon : Oui, mais finalement j’ai été très éclectique depuis toujours. Des morceaux comme celui-ci, je ne te dirais pas qu’il y en aura d’autres, en tout cas ça m’inspire. Tout me parle, et encore une fois : l’envie de crier. Je pense que celui-ci rejoint ce qu’on disait dans ce monde un petit peu noir, cet album qui est un petit peu noir : je trouve que ce morceau-là sert à ça aussi. Pour moi, c’est un pogo éternel sur scène et avec la foule, c’est un pogo pendant tout le morceau, je veux que ça saute !

 

Tu feras une annonce juste avant le morceau du type : « je veux vous voir pogoter pendant ce morceau » ?

Ichon : Et s’ils ne le font pas, j’irai les chercher ! (rires).

 

On a loué tes talents d’écriture. Pourtant un titre de ton nouvel album s’appelle « Page blanche » : tu as pu vivre ça dans la conception de l’album ?

Ichon : Vu que je fais tout en même temps et que j’essaie de me concentrer pour faire les choses, il peut se passer 3-4 mois sans que j’écrive de chanson. Je peux avoir des idées, mais je vais m’arrêter. En tournée par exemple, je n’écris pas. Je ne viens pas à bout de chansons, pour ne pas m’éparpiller, parce que dès que je commence une chanson, si je sais que je dois aller jusqu’au bout, mon téléphone est éteint. Je n’arrive pas à faire deux choses en même temps. Et surtout pas écrire ET faire de la musique. Donc le fait de s’y remettre, c’est une page blanche totale. Le premier disque, comme je te disais, je me suis dit qu’il fallait qu’il soit introspectif, je me suis dit que je faisais mon truc, si ça marche ou que ça ne marche pas je m’en fous. Là, j’ai trouvé une place qu’il serait dommage de perdre. Et ça a été dur, pour moi, c’était vraiment la page blanche totale. J’aime pas me répéter non plus, donc il n’était pas question de faire un deuxième La vie par exemple. Et encore une fois, je ne fais qu’écrire ce que je ressens. Donc j’ai écrit la « Page Blanche ».

 

 

Oui, pourtant tu as quand même écrit 14 titres, donc c’est que tu avais des choses à dire.

Ichon : Oui, mais « Page Blanche » c’est la première que j’ai faite en fait. La première où on s’est assis avec Loubenski et Max Baby chez moi dans le studio. Et ça m’a pris toute une nuit où je suis allé marcher dans la forêt pour trouver le truc. C’est en revenant ici au studio, qu’ils étaient partis se coucher, que je me suis laissé aller finalement. Le lendemain on a juste arrangé le truc et c’était fini. Donc j’ai repris confiance en moi.

 

Mais Kassessa est un peu introspectif, tu es d’accord ? Parce que tu parles quand même de choses très dures…

Ichon : Je parle de ma femme. Donc oui, c’est introspectif mais je parle de ma femme. Je vais un petit peu vite. C’est bien moins introspectif que Pour de vrai. Peut-être que j’ai atteint un niveau de compréhension personnelle où je n’ai même plus l’impression d’être introspectif. Je pense que c’est ça, mais je t’avoue que je faisais un album où je voulais être ouvert avec les autres plus que sur moi.

 

En mars 2022 tu remplissais la Cigale, cette fois c’est à l’Olympia qu’on te retrouve, qu’est-ce que ça te fait ?

Ichon : J’ai hâte qu’elle soit remplie, j’ai hâte qu’on la casse, je pense qu’on va lui casser la gueule. Parce que, comme tu dis, la Cigale était mon plus grand concert. Là ce sera l’Olympia, donc à chaque fois on use des moyens, ceux qui sont dans mes rêves, et à chaque fois on peut en rajouter un petit peu plus. Là j’ai hâte de faire ce truc, j’ai hâte d’avoir le micro, de chanter dans cette salle, de voir ces putains de lettres rouges quand même, c’est stylé hein ! Donc oui je suis hyper enthousiaste et j’ai hâte que ça arrive.

 

C’est quoi tes prochains projets ?

Ichon : Alors il y en a tout plein : il y a sortir cet album là, qui est un gros chantier. La scène qui va avec, et je t’avoue qu’avec cette énergie de casser ça, j’ai pas envie de faire la même « erreur », de prendre le temps de réfléchir. En fait, cette fois, je vais prendre chaque seconde pour les remplir avec la musique. Je prends trop le temps, tu comprends ? Alors qu’en fait c’est un travail,  je devrais être un petit peu plus intensif, rencontrer des gens, faire des feats.

 

Oui d’ailleurs, il n’y a pas de collab pour cet album ?

Ichon : Non mais encore une fois, je ne suis pas du tout contre ça. Au contraire, j’adore me mélanger -et c’est facile à dire, avec Yseult en l’occurrence. Mais j’ai souvent du mal, à aller vers les autres et à proposer des trucs, en effet parce que la manière que j’ai que de faire de la musique est assez personnelle. Finalement c’est peut-être là que tu ressens mon introspection, c’est que je fais mon truc. Maintenant le studio est chez moi, donc faire venir quelqu’un chez moi pour faire de la musique c’est plus compliqué. J’ai quand même essayé, j’ai voulu connecter avec quelques rappeurs que j’aime bien, que je connais, parce que j’avais envie de revenir quand même avec du rap. Je trouve que le rap définit bien le climat dans lequel on vit et s’approprie bien ce que j’avais envie de faire. Il s’avère qu’ils ont tous grandi,  ils sont tous devenus beaucoup plus connus que moi, donc c’est un peu plus difficile qu’on se connecte. Je pense que dans mes projets à venir, je ne vais pas laisser le choix aux autres que d’être avec moi.

 

Donc ça veut dire qu’il y aura plus de collab pour celui d’après ?

Ichon : Oui ! Plus de collab, plus de projets, je pense que ça va être ça. Comme je te disais en commençant, tu me dis comment tu vas : je te dis « j’ai faim ».

 

Pour terminer, tes projets après cette interview ?

Ichon : Là tout de suite, je suis en train de mettre les sessions du live dans le logiciel pour vérifier que tous les effets sont à leur place, donc je vais faire un petit peu des mini répétitions. C’est la dernière ligne droite avant de monter sur scène. Là c’est rendez-vous à l’Olympia, venez tous !

 

Pour précommander l’album d’Ichon qui sortira le 20 octobre prochain, c’est ici.

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