© Marion Sammarcelli

Interview: Infravision (P. Bozzi et Kendal), l’émotion italo-disco et la puissance club

Infrav­i­sion, le side-project italo-disco, trance, EBM et new beat de Pablo Bozzi et Kendal s’im­pose comme fig­ure de proue d’un nou­veau genre : l’I­ta­lo Body Music. On a pu les ren­con­tr­er juste avant leur pas­sage sur scène, dans le Bunker Palace du fes­ti­val Astrop­o­lis l’Hiv­er

Depuis la sor­tie de leur pre­mier album Ille­gal Future en 2021, le duo Infrav­i­sion sil­lonne les clubs pour trans­met­tre son amour du son des années 1980–1990. Un joyeux mélange de mélodies italo-disco et de kicks ren­dant hom­mage à la cul­ture club. Ce same­di, dans les loges du fes­ti­val Astrop­o­lis l’Hiv­er, on a échangé. Sur les orig­ines de leur duo, leur com­plic­ité, les influ­ences dont ils se nour­ris­sent et même à pro­pos de leurs mag­nifiques chemis­es à manch­es cour­tes. Ce qui est sûr c’est que ces potes, dans la vraie vie comme der­rière les platines, ont encore beau­coup à nous offrir.

 

Cha­cun de votre côté vous gérez en tant que pro­duc­teur et DJ aux influ­ences italo-disco, EBM, syn­th­wave et trance. Aujour­d’hui, vous incar­nez le duo Infrav­i­sion. À quand remonte votre pre­mière rencontre ?

Kendal : Ça doit faire cinq ans. Je suis arrivé à Toulouse en 2016, Pablo habitait déjà à Berlin, mais on avait la même bande de potes qui fai­saient du son. 

Pablo : On sor­tait aux mêmes soirées à Toulouse, donc on a une équipe de potes qui s’est for­mée puis on a mon­té un crew. On était dans des univers de musique dif­férents mais on arrivait à apporter cha­cun notre touche per­son­nelle, c’était enrichissant ! Kendal et moi, on s’est encore plus rap­prochés car on avait des influ­ences similaires.

 

Alors, amis à la ville comme à la scène, com­ment décririez-vous votre duo, votre com­plic­ité, la façon dont vous tra­vaillez ensemble ?

Kendal : C’est une fripouille (rires) !

Pablo : En plus je l’ai bien fait chi­er toute la journée (rires) ! 

Kendal : En fait avec Pablo, quand on joue ensem­ble le week­end, c’est tou­jours cool le ven­dre­di… Le lende­main, quand il n’a pas trop dor­mi ‑et que je suis le seul dans son environnement- il aime bien m’emmerder, me met­tre des petites pich­enettes der­rière l’oreille par exem­ple ! 

Pablo : Je m’occupe comme ça (rires) ! 

Kendal : Plus sérieuse­ment, il y a une com­plé­men­tar­ité entre nous. Quand on pro­duit à deux, on sait qu’on ne fera pas de com­pro­mis. On cherche ensem­ble la meilleure idée ! Et comme on a le même back­ground, on veut attein­dre le même résul­tat. Que ce soit der­rière les platines ou en pro­duc­tion, on se fait vrai­ment con­fi­ance. Il n’y a pas d’égo. 

Pablo : On est com­plé­men­taires, on apporte cha­cun des choses qui nous sont pro­pres. Si on veut com­par­er, quand on a com­mencé à faire du son ensem­ble, j’étais affil­ié à la scène EBM. Une scène assez fer­mée en terme de visions et d’état d’esprit, alors que Kendal fai­sait par­tie d’une scène beau­coup plus décom­plexée. Donc quand je m’empêchais de jouer ce qui me fai­sait kif­fer, par peur du juge­ment quant à mon affil­i­a­tion à la scène EBM, il a su m’apporter de la légèreté. Ça m’a déblo­qué. Et si il y a deux, trois puristes qui ne sont pas con­tents… et bien je les emmerde. 

 

© Mar­i­on Sammarcelli

 

Votre univers musi­cal tourne autour de l’italo-disco 80s, l’EBM, la trance des années 1990, la syn­th­wave. Ça vient d’où, com­ment avez-vous décou­vert ces genres ?

Kendal : Tout ce côté 80s vient de mon amour pour la sci­ence fic­tion et les films d’anticipation. L’italo-disco c’est futur­iste. Et ce n’est pas juste de la cul­ture club, c’est imagé, mélodique. Il y a dix ans, quand j’ai com­mencé à com­pos­er mes pro­pres sons, je fai­sais déjà de l’italo. Ce style m’a tou­jours par­lé. Par la suite, tu tires le fil : si tu aimes Depeche Mode, alors tu aimes The Hack­er, qui est très influ­encé par eux. Tu enchaînes avec Vital­ic qui fait le pont entre tout ça… Et puis je suis jeune, mais assez vieux pour avoir des cousins qui me fai­saient écouter des com­pil’ trance à mes 10 ans. Ou bien du punk. Je me sou­viens aus­si des débuts de Daft Punk, puis de la french touch avec Ed Banger Records. Je suis même passé par David Guet­ta et Joachim Gar­raud…   

Pablo : Ah, moi j’ai pas trop eu ça tu vois (rires) ! 

Kendal : Donc tout ce back­ground musi­cal, mélangé au ciné­ma, a don­né ce que je pro­duis aujourd’hui. C’est le genre de musique qui sonne comme un clas­sique même sans con­naître le track.

Pablo : On a beau­coup de choses en com­mun. J’ai com­mencé dans la scène EBM, qui a beau­coup de liens avec la scène ita­lo, new beat, trance… C’est la même péri­ode, les mêmes pays, les mêmes labels. Il y a l’aspect ciné­matographique aus­si. Ce qui nous a intéressés en pro­duisant ensem­ble, c’est de mélanger les élé­ments qu’on préfère dans chaque genre. Pour créer un son qui nous est pro­pre et qui représente nos influences.

Kendal : On prend le côté nos­tal­gique et ras­sur­ant du dis­co, le côté dark de l’EBM et le côté rave de la trance. Ça crée une euphorie, ça mélange plein d’émotions.

 

Pourrions-nous en savoir plus sur la nais­sance d’Infravision ?

Kendal : Il y a qua­tre ans, on s’est dit : “viens on fait des sons ensem­ble”. Et en 2019, pour mon pre­mier EP Man­i­festo sor­ti chez David Vunk sur Mous­tache Records, j’ai ajouté le pre­mier track qu’on a fait en col­lab’ avec Pablo : “Cor­po Mec­ca­ni­co”. Le résul­tat a bien plu, donc on a décidé de con­tin­uer et on a débuté un nou­veau track, qu’on a appelé “Infrav­i­sion”. C’est devenu notre nom. On a décidé de faire un album directe­ment. 

Pablo : Pen­dant le Covid, les fron­tières étaient fer­mées, alors j’étais coincé en France. J’étais à Paris à la base, mais je suis redescen­du sur Toulouse puis Kendal m’a pro­posé de rester chez lui. Je suis resté un mois et on a plié notre pre­mier album Ille­gal Future, sor­ti sur Fleisch !

Kendal : Mais le pro­jet con­tin­ue à évoluer ! On se nour­rit beau­coup d’autres artistes qui ont pu se faire influ­encer par ce qu’on fait en incar­nant Infrav­i­sion, notam­ment à tra­vers des morceaux qui sont sor­tis sur mon label Rit­mo Fatale. Notre scène est en pleine expan­sion. C’est plutôt un bon tim­ing pour les styles qu’on mélange. Avant le Covid il y a eu un fes­ti­val Dek­man­tel très italo-disco en terme de Boil­er Room avec David Vunk, Job Job­se, Palms Trax, Skate­bård… En par­al­lèle, il y a aus­si eu Cour­tesy pour le côté trance. Les prémices du son qu’il y a aujourd’hui. Finale­ment, on s’est un peu retrou­vés fer de lance de cette nou­velle scène.

 

 

Dans quel univers visuel Infrav­i­sion s’ancre-t-il ?

Pablo : Quand on a com­mencé Ille­gal Future, on s’est ancrés dans un univers assez cyber­punk, dystopique. Et puis, à tra­vers nos pro­duc­tions, on veut racon­ter une his­toire. On a pris beau­coup de temps sur l’écriture des morceaux pour créer notre con­struc­tion sig­na­ture : de longs breaks avec des crescen­dos d’émotions !

Kendal : À l’époque on appelait ça “faire péter le taz” (rires) ! 

Pablo : Faire explos­er les extas quoi (rires) !

Kendal : À chaque fois on se con­cen­trait sur la mon­tée et le change­ment de note qui fait tout péter. En tout cas, le son est très imagé. C’est un album assez con­ceptuel où chaque morceau est dif­férent, mais s’inscrit dans une con­ti­nu­ité. C’est une BO de Blade Run­ner 3 !  

Pablo : Un bel album ! 

 

Quelle est votre recette mag­ique pour réin­ven­ter l’italo-disco ?

Pablo : C’est pas vrai­ment une recette mag­ique, on le fait à notre sauce quoi ! C’est pren­dre des élé­ments de chaque style pour créer notre son. 

Kendal : Finale­ment dans nos sets on passe très peu de morceaux pure­ment ita­lo. Je déteste dire “indie-dance”, le terme est un peu dégueu­lasse ou même “new-disco”. Dire ita­lo c’est une valeur sûre en terme de genre. 

Pablo : Puis à la base, si tu prends des tracks ita­lo, ce sont des sons qui n’ont pas énor­mé­ment de puis­sance et on est quand même des enfants du club. On aime le dance­floor et la puis­sance des kicks. 

Kendal : L’émotion de l’italo avec la puis­sance du club. Et le terme qui est ressor­ti c’est “Ita­lo Body Music”. C’est Phase Fatale, fer de lance de l’EBM qui nous a sor­ti cette for­mule. Car si on qual­i­fi­ait nos sons d’italo seule­ment, cela ferait crier les puristes !

 

 

Vous avez sor­ti un nou­veau sin­gle fin 2022 : “That beat in my heart”, êtes-vous en train de pré­par­er un autre album ou un EP ?

Kendal : Aujourd’hui, la con­som­ma­tion de musique a changé, car de plus en plus de gens pro­duisent. La durée de vie des morceaux est courte. Quand on fait un EP, un track ressort et les trois autres passent aux oubli­ettes. Donc main­tenant on se con­cen­tre sur le for­mat sin­gle. Mais si on fait une ses­sion qui fonc­tionne vrai­ment, et qu’on com­pose trois tracks, on fera sûre­ment un EP ou le début d’un album. On a encore plein d’envies et d’idées. 

Pablo : Surtout, on a pu faire un album car le con­texte s’y prê­tait, on avait un mois pour le faire. Cela prend quand même du temps et puis cha­cun de notre côté on a beau­coup de taf per­so. On est a dis­tance, je suis à Berlin, Kendal à Toulouse, et on ne souhaite pas tra­vailler dans ces con­di­tions. On préfère être ensem­ble. 

 

On vous a vu seule­ment en DJ-set tout les deux, est-ce que vous pré­parez un live Infrav­i­sion pour un futur proche  ?

Pablo : Ça vien­dra quand ça vien­dra, un live c’est beau­coup de tra­vail. Si on en fait un, on veut que ce soit un vrai pro­jet, avec une belle scéno­gra­phie qui se prêtera à des lieux où c’est pos­si­ble de la faire. 

Kendal : Mais surtout, je ne me suis mis au live que dernière­ment. J’ai dû en faire deux, trois, il faut que je per­fec­tionne. Car je com­pose beau­coup sur ordi­na­teur, sur VST, très peu avec des machines. Je dois con­stru­ire cette expéri­ence de mon côté. S’il y a un live, comme dit Pablo, on ne veut pas sim­ple­ment pos­er des machines. On veut que ce soit très réfléchi au niveau du visuel.

 

Si votre univers se situe dans un futur dystopique, quel track écouteriez-vous avant la fin du monde ? 

Kendal : Moi j’écouterais… “Ash” de Tiziana Rivale, c’est un son italo-disco et c’est bras en l’air, tu chantes les paroles à tue-tête… Une sucrerie avant que tout explose (rires) ! Après, si on voulait faire une dédi­cace à nous-mêmes on écouterait “That beat in my heart” d’Infravision !

Pablo : Je te rejoins ! Mais j’adore aus­si le rock psy­chédélique, donc ce serait “Swamp Thing” de The Chameleons.

 

 

Et petite ques­tion qui me taraude, vous les chopez où vos belles chemis­es ? 

Kendal : Ça va faire plaisir à la per­son­ne qui nous les file ! 

Pablo : Une amie de Bor­deaux a une bou­tique, La Chemise Club. Elle a plein de con­nex­ions pour récupér­er des choses de sec­onde main, et à chaque fois qu’elle a des petites pépites elles nous les envoie avant de les met­tre en vente ! En plus elle est fourbe, elle con­naît nos goûts. Je dois avoir 90 chemis­es… Je viens même de com­man­der une deux­ième armoire parce que je n’ai pas assez de place chez moi ! Je pense que je suis un de ses meilleurs clients.

Kendal : D’habitude dans une friperie il y a ‑maximum- qua­tre chemis­es stylées. Là, elles le sont toutes !

 

 

Voir cette pub­li­ca­tion sur Instagram

 

Une pub­li­ca­tion partagée par INFRAVISION (@infravision.music)

(Vis­ité 826 fois)