đïž Interview : Millsart alias Jeff Mills, producteur aux milles saveurs
Jeff Mills, lĂ©gende de la techÂno quâon ne prĂ©sente mĂȘme plus, est encore sur tous les fronts. Entre sa troisiĂšme interÂprĂ©ÂtaÂtion de la bande-originale du film MetropÂoÂlis de Fritz Lang, un nouÂveau vinyle Inner Eye sous lâalias MillÂsart âĂ venir sur son label Axis Records- et une soirĂ©e Ă ne pas manÂquer Ă KilomĂštre25 le 13 mai⊠il nâest pas prĂšs de sâarÂrĂȘter. Et heureuseÂment. On a pu disÂcuter avec lui de ses difÂfĂ©rents proÂjets, mais ausÂsi de son rapÂport Ă son douÂble, MillÂsart, et de sa vision de la techÂno aujourdâhui.
RĂ©cemÂment, tu imagÂiÂnais une troisiĂšme interÂprĂ©ÂtaÂtion de la BO de MetropÂoÂlis, rĂ©alÂisĂ© par Fritz Lang : MetropÂoÂlis MetropÂoÂlis, que tu as jouĂ©e live Ă la Bourse de ComÂmerce Ă Paris. Quelles sont les difÂfĂ©rences entre cette troisiĂšme verÂsion et les deux autres ? Pourquoi as-tu choisi de prenÂdre une nouÂvelle perspective ?
En 2017, le stuÂdio berliÂnois UFA mâa chargĂ© de crĂ©er une nouÂvelle bande origÂiÂnale pour la verÂsion la plus longue du film (Ă ce jour). CâĂ©Âtait Ă lâocÂcaÂsion de leur proÂjecÂtion nocÂturne en plein air annuelle âUFA Film Nightsâ, dans le cenÂtre de Berlin. Jâai accepÂtĂ© le dĂ©fi et jâai créé une verÂsion pour lâĂ©vĂ©neÂment de 2018.
Mais plusieurs mois aprĂšs, nous avons tous Ă©tĂ© frapÂpĂ©s par la pandĂ©mie de COVID-19 et comme beauÂcoup de gens, jâai regardĂ© comÂment le monde rĂ©agisÂsait Ă la sitÂuÂaÂtion. Câest au cours de ces preÂmiers mois de conÂfineÂment que je me suis remis sur la bande sonore de MetropÂoÂlis. Je lâai modÂiÂfiĂ©e afin de rĂ©ponÂdre au type dâĂ©ÂmoÂtions et de senÂtiÂments dont jâĂ©Âtais tĂ©moin dans la vie de tous les jours. Jâai terÂminĂ© cette nouÂvelle verÂsion au dĂ©but de 2022, et je lâai prĂ©ÂparĂ©e pour une sorÂtie douze mois plus tard.
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Pour quelles raisons les musiÂciens, et en parÂtiÂcÂuliÂer les proÂducÂteurs de musiques Ă©lecÂtronÂiques (comme Kraftwerk ou toi-mĂȘme) ont une obsesÂsion avec ce film qui a quaÂsiÂment cent ans ?
Je crois que câest Ă cause de lâimÂporÂtance et de la perÂtiÂnence du mesÂsage globÂal. Bien sĂ»r, câest ausÂsi le chef-dâĆuvre de Fritz Lang et de toutes les perÂsonÂnes qui lâont renÂdu posÂsiÂble, mais je pense que le film perÂdure dans le temps car malÂheureuseÂment, nous vivons touÂjours dans un monde oĂč les difÂfĂ©rences sociales et Ă©conomiques exisÂtent touÂjours. MetropÂoÂlis en Ă©tait un rapÂpel en 1927 comme câest le cas aujourÂdâhui, mais jâeÂspĂšre que cela ne le sera pas demain.
ConsidĂšres-tu encore la techÂno comme musique du futur ?
En tant que forme dâart, oui. Le genre conÂtinÂue de se dĂ©velopÂper car il nây a pas de fronÂtiĂšres ou de barÂriĂšres reconÂnaissÂables, qui bloÂqueraient son procesÂsus crĂ©atif. Il nâest pas dĂ©tenu ou conÂtrĂŽlĂ© par une seule entitĂ©. Câest lâune des rares formes dâart oĂč tout est posÂsiÂble â qui nâest limÂitĂ©e que par lâimagination.
En tant quâinÂdusÂtrie et mĂ©canÂisme Ă©conomique, non. MalÂheureuseÂment, avec toutes les conÂnaisÂsances accuÂmulĂ©es, la techÂnoloÂgie et les ressources que nous avons, le genre techÂno semÂble ĂȘtre bloÂquĂ© sur la ârĂ©pĂ©tiÂtionâ. AinÂsi, des aspects tels que lâinÂnoÂvaÂtion, les nouÂvelles approches de la façon dont nous Ă©couÂtons, achetons de la musique et de nomÂbreux autres sujets âqui aideraient norÂmaleÂment au dĂ©veloppeÂment dâune forme dâart- semÂblent avoir Ă©tĂ© ignorĂ©s, mis en sourdine.
Selon toi, pour quelles raisons ce genre de musique sâacÂcorde ausÂsi bien avec les films de science-fiction ?
Je pense que cela sâacÂcorde parce quâune cerÂtaine parÂtie de la musique Ă©lecÂtronÂique est basĂ©e sur une hisÂtoire, un conÂcept. Cela sigÂniÂfie que des proÂducÂteurs comme moi crĂ©ent de la musique sâapÂpuyant sur des idĂ©es parÂtiÂcÂuliĂšres, liĂ©es Ă la ficÂtion et Ă la fanÂtaisie, une vision ou un rĂȘve.
En 2020, pourquoi as-tu choisi de traÂvailler de nouÂveau sous lâalias MillÂsart, 17 ans aprĂšs ?
Eh bien, parce que dans mon esprit et dans mon schĂ©Âma, cerÂtaines conÂverÂsaÂtions crĂ©aÂtives ne sont jamais vraiÂment terÂminĂ©es, juste interÂrompues pour se conÂcenÂtrÂer sur dâautres quesÂtions urgentes. Au cours de ces 17 annĂ©es, je nâai jamais cessĂ© de crĂ©er ce type de morceaux, je ne les ai tout simÂpleÂment pas sortis.
Quâest-ce qui rend MillÂsart difÂfĂ©rent de Jeff Mills ?
Les proÂducÂtions de MillÂsart sont celles qui reflĂšÂtent davanÂtage mes senÂtiÂments intĂ©rieurs, que ce que les audiÂteurs veuÂlent entenÂdre. Donc, il nây a absolÂuÂment aucun comÂproÂmis dans ces pistes. Et Ă ce degrĂ©, il y a un peu un aspect âBluesâ ou âFolkâ dans le conÂcept. Ce sont des senÂtiÂments intĂ©rieurs qui se dĂ©versent dans le son.
Tu vas dĂ©voilÂer Inner Eye en tant que MillÂsart le 12 mai 2023, dans le cadre de lâAxis ExpresÂsionÂist Series. Peux-tu dĂ©crire ce proÂjet en quelques mots ? Quâas-tu voulu retranscrire ?
Inner Eye fait rĂ©fĂ©rence Ă la vue depuis lâĂąme dâune perÂsonÂne. Quand âce que vous voyez nâest pas exacteÂment ce que vous ressenÂtezâ. Puis, rĂ©ponÂdre Ă cette difÂfĂ©rence peut ĂȘtre une lutte sans fin et intemporelle.
Pourquoi as-tu choisi de sorÂtir en preÂmier âInner Eyeâ, âVoodoo You Dooâ et âNocÂturÂnal Movesâ (origÂiÂnaleÂment pubÂliĂ©s en verÂsion digÂiÂtals dans Every Dogs Has Its Day vol.9 et vol.12) pour ton Axis ExpresÂsionÂist Series ?
Je les ai sĂ©lecÂtionÂnĂ©s comme preÂmiĂšre verÂsion sur vinyle car, par-dessus tout, ce sont quelques-unes des meilleures reprĂ©senÂtaÂtions du conÂcept. Celles qui dessiÂnent les schĂ©Âmas de ce qui est Ă venir, musicalement.
Tu vas jouer Ă KilomĂštre25, le 13 mai 2023, en comÂpagÂnie de deux artistes français, Koboyo et HemisÂsi. Quâas-tu prĂ©vu pour ce show ?
Je ne sais pas. Je ne peux pas planÂiÂfiÂer un DJ-set ausÂsi longtemps Ă lâaÂvance, mais jâai hĂąte de les voir et de jouer avec eux. Tous les deux sont des musiÂciens et des proÂducÂteurs talentueux !