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Interview : on a parlé trash, pop, écriture, innocence et ambition avec Kalika

Mélange explosif de sonorités élec­tron­iques et d’hyper pop ? C’est bien Kali­ka et son pre­mier album Adieu les mon­stres, disponible depuis le 5 mai. Auteure, com­positrice, inter­prète, réal­isatrice et j’en passe, la guer­rière pop nous a accordé une inter­view pour décor­ti­quer son pre­mier album. Un entre­tien intense où elle dévoile les mul­ti­ples facettes de sa per­son­nal­ité artistique. 

À tra­vers sa musique, elle recrée le chaos tumultueux de son enfance, explo­rant les méan­dres de sa pro­pre exis­tence et s’in­ter­ro­geant sur le pas­sage à l’âge adulte. Kali­ka nous enchante avec des textes bruts, sans langue de bois et en inter­view c’est pareil ! (Re)découvrez son univers à La Cigale le 16 juin, et pour les plus impa­tients voici un petit avant-goût :

 

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Après la sor­tie de ton EP Latcho Drom tu dis­ais de ta musique : “ce qui est trash, c’est un peu mon univers glob­al. Même s’il y a aus­si des codes très pop, c’est tou­jours très col­oré” — tu bal­ances entre le som­bre et la lumière, l’humour et les sujets pro­fonds : pourquoi ce para­doxe dans ta musique ?

Kali­ka : Je suis comme ça dans la vie. Quand je suis con­fron­tée à des sit­u­a­tions “hard­core” j’aime bien en faire très vite des blagues. Je ne m’en­fonce pas dans mes prob­lèmes ! Je préfère trans­former ça à mon avan­tage ‑en faire des chan­sons. C’est pour ça que les sujets sont deep, mais que les sonorités sont lumineuses. Avec une touche d’humour c’est tou­jours plus facile à enten­dre ! C’est impor­tant de faire pass­er des mes­sages, que les his­toires soient enten­dues mais ce n’est pas néces­saire d’aller dans le “trash”. J’ai tou­jours une approche enfan­tine, je n’ai jamais changé là-dessus. Ça per­met de me pro­téger aussi. 

Pour le titre “Sarah et Stéphane”, il n’y pas de touche d’humour, j’y suis allée à fond ! Mais là encore dans la mélodie, il y a cette note lumineuse d’espoir.

 

Juste­ment dans le titre “Sarah et Stéphane”, tu par­les de vio­lences con­ju­gales. C’é­tait impor­tant pour toi de met­tre en avant ce sujet ?

Kali­ka : Ce morceau sur mes par­ents, c’est l’une des pre­mières chan­sons que j’ai écrites pour mon album Adieu les mon­stres. C’était il y a presque cinq ans main­tenant. Le texte est sor­ti d’une traite, sure­ment le besoin de met­tre des mots sur ce que je ressen­tais. Mais à ce moment-là, je ne me rendais même pas compte que j’étais en colère con­tre eux. Ça m’a un peu cham­boulée… C’est ce qui explique pourquoi j’ai mis autant de temps à le sor­tir. Mais dès que je l’ai su, c’est allé très vite ! Je l’ai enreg­istré en une seule fois, je ne l’ai jamais mod­i­fié, je n’arrivais pas à retrans­met­tre la même émo­tion. C’était pur, c’était vrai… 

Même si c’est la vérité, j’ai gardé beau­coup de beauté dedans. Je suis restée soft ‑on ne retrou­ve que 1% de la réal­ité dans “Sarah et Stéphane”. Ce titre est impor­tant pour moi. Mais c’é­tait aus­si essen­tiel de pou­voir don­ner la parole à l’enfant que j’étais, de don­ner la parole à tous les enfants qui ne sont pas enten­dus, qui subis­sent leurs par­ents et qui ne sont pas pris au sérieux. 

 

Où se place l’écri­t­ure dans ta vie ?

Kalika

© Vicky Pozzobon

Kali­ka : Je passe mon temps à écrire, mes textes sont tou­jours inspirés de ce qu’il se passe dans ma vie. Dès que je suis dans le flou, dès que je suis face à des émo­tions qui me dépassent, j’ai besoin de l’écrire, c’est comme un jour­nal intime. Ça me soulage ! 

 

Tu te mets rarement dans une case, mais quelles sont les sonorités qui t’ont le plus inspirées pour ton album ? 

Kali­ka : C’est les tex­tures de l’hyperpop qui m’ont le plus inspirée. Mais je ne con­sid­ère pas du tout ma musique comme telle. Je n’ai pas de lim­ite en ter­mes de créa­tion : je pense être une artiste pop mais avec toutes mes influ­ences qui gravi­tent autour ‑rock, emo, punk, var­iété française, hyper­pop… Je n’aime pas trop faire comme le voisin d’à côté, même si j’adore son travail. 

Je préfère avoir mon pro­pre univers, quitte à être nul. J’ai essayé d’être la plus sincère dans Adieu les mon­stres, avec une justesse d’émotion, de con­trastes. Je préfère partager des sen­sa­tions plutôt que de me dire “j’ap­par­tiens à telle famille d’artistes”. Je racon­te mes his­toires comme j’en ai envie.

 

Dans le titre “Per­son­ne” en feat. avec Youv Dee ou “18 ans”, tu donnes l’impression d’avoir passé un cap dans ta vie, où te situes-tu aujourd’hui ?

Kali­ka : C’est hor­i­zon­tal, je suis tout le temps un peu partout. Entre l’adulte et l’enfant. Je me mets à des endroits en fonc­tion de mes émo­tions. Même si tu gran­dis, l’enfant qui est en toi est tou­jours là ! Et l’in­no­cence qu’on perd tous en devenant adulte, moi, je le retrou­ve dans la créa­tion : c’est ma salle de jeu. Ce qui est drôle c’est que je joue sou­vent avec des émo­tions très som­bres. Mal­gré ça, j’essaye tou­jours d’apporter de la couleur et des strass. Plus tu com­prends, plus tu gran­dis, plus tu vois le monde tel qu’il est : c’est à dire, dégueu­lasse. Et même dans ces côtés négat­ifs, j’essaie de garder une touche d’espoir. 

 

Sur l’al­bum on retrou­ve deux col­lab­o­ra­tions : Youv Dee et Yelle. Peux-tu nous en dire plus, pourquoi avoir choisi ces artistes ? 

Kali­ka : C’est mes artistes préférés en France. Et c’était logique pour moi qu’on col­la­bore un jour ensem­ble. J’avais ce petit rêve dans un coin de ma tête. Puis la vie est tout de même bien faite ‑je pense qu’on ressent cer­taines choses en avance. Un jour, Yelle nous a demandés de faire les pre­mières par­ties de leurs con­certs. Et le feel­ing est super bien passé. Et Grand Marnier (la moitié de Yelle) m’a dit qu’il fal­lait qu’on fasse un feat ! Ça s’est fait naturelle­ment. Pour Youv Dee, ce sont les coïn­ci­dences qui nous ont amenés à tra­vailler ensem­ble : un jour il m’envoie un mes­sage après la sor­tie de mon clip “Chau­dasse” : “trop drôle, j’ai tourné au même endroit il y a une semaine, et avec un lance-flamme aus­si !” Il m’a dit que mon tra­vail était lourd (rire). Et de fil en aigu­ille, on s’est soutenus, j’ai écrit “Per­son­ne” et j’ai tout de suite pen­sé à lui ! Et l’alchimie musi­cale a opéré. Comme moi, il adore mélanger les genres.

 

Et les feats que tu aimerais faire ? 

Kali­ka : Actuelle­ment, j’aimerais col­la­bor­er avec Alice Longyu Gao. Pour moi, elle révo­lu­tionne la musique en ce moment. Entre hyper­pop, punk et métal. Pour moi c’est presque la nou­velle Sophie. Avec Girli aus­si, qui a des sonorités très pop, poprock. En ter­mes de musi­cal­ité, ça peut vrai­ment être intéres­sant. Dans les artistes fran­coph­o­nes, j’adore Poupie. Mais j’attends de voir ce qu’elle va pro­pos­er comme nou­velle era.

Comme pour Joan­na, si on avait col­laboré main­tenant, ça aurait for­cé­ment moins matché. Je suis dans ma péri­ode pop, elle dans une péri­odé plus dark. Faut vrai­ment trou­ver le bon moment ! Récem­ment j’ai sor­ti un feat avec Dani Ter­reur, “Le temps d’avant”. C’est plus de la chan­son française, dans la couleur de “Primer Amor”. Avec un clip dont je suis très fière, une inspi­ra­tion vampirique.

Kalika

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Après Adieu les mon­stres, quels sont tes pro­jets ? Tu aimes entre autres la réal­i­sa­tion et le dessin, souhaites-tu les explor­er davantage ?

Kali­ka : Je suis encore en tran­si­tion, je sors à peine de l’album. Je me laisse encore un petit peu de temps pour savoir ce que je vais faire de ma vie (rire). J’ai un peu d’avance car j’ai suff­isam­ment de chan­sons pour une réédi­tion. Mais pour le moment, j’aimerais par­tir en Inde ‑j’ai déjà vécu là-bas- pour vivre de nou­velles choses et me retrou­ver seule avec moi-même. Côté créa­tion, j’es­saye d’or­gan­is­er une expo­si­tion, mais ça prend du temps. J’ai retrou­vé tous les dessins de mon enfance et j’ai pour pro­jet de les faire pren­dre vie avec le créa­teur Charles de Vil­morin. En gar­dant toutes leurs étrangetés ! Le but est vrai­ment de cor­réler pleins de niveaux de créa­tion ‑la musique, le dessin, la cou­ture, la vidéo. Et le plus cool, c’est le nom­bre de col­lab­o­ra­tions qui gravi­tent autour.