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Interview : Terres du Son, le festival de musique le plus vert de France ?

Ter­res du Son se tien­dra du 7 au 9 juil­let dans le domaine de Can­dé à Monts. On a dis­cuté avec Julien Macou, qui s’occupe des plans d’actions soci­aux et envi­ron­nemen­taux du fes­ti­val, pour par­ler de leurs engage­ments RSO. Décou­vrez com­ment ce fes­ti­val a réus­si à se dévelop­per tout en respec­tant les enjeux climatiques.

L’été et les fes­ti­vals vont de paire. C’est comme ça. Avec les chaleurs qui mon­tent, pass­er un fes­ti­val entre copains pose tout de même des ques­tions. Entre l’in­stal­la­tion, le déplace­ments du pub­lic, des artistes et les déchets qui s’ac­cu­mu­lent. Com­ment est-il pos­si­ble de faire la fête, tout en respec­tant l’en­vi­ron­nement. C’est le défis que s’est don­né Ter­res du Son depuis 17 ans. L’or­gan­i­sa­tion du fes­ti­val prend en compte les engage­ments RSO (Respon­s­abil­ité Socié­tale des Organ­i­sa­tions) comme un élé­ment fon­da­men­tal du fes­ti­val. Pour en com­pren­dre les mécan­ismes, nous avons ren­con­tré Julien Macou, qui co-construit des plans d’action RSO au cœur de l’organisation du fes­ti­val Ter­res du Son.

 

Est-il plus dif­fi­cile d’être rentable avec un fes­ti­val éthique et responsable ? 

Ça fait 18 ans qu’on existe et ça fait 17 ans qu’on est engagés dans la démarche. On l’a directe­ment inté­grée dans notre proces­sus. On ne réin­vente plus rien désor­mais. Notre cahi­er des charges prend en compte l’en­jeu cli­ma­tique quand on monte le fes­ti­val. C’est cer­taine­ment plus dif­fi­cile pour les fes­ti­vals qui exis­tent déjà et qui s’y met­tent aujour­d’hui. Nous, on a fait le choix préal­able d’avoir un poste de salariés dédié à ça. Et ce, depuis plus de dix ans. Con­cer­nant les ini­tia­tives con­crètes, les gob­elets réu­til­is­ables exis­tent depuis 2007 à Ter­res et du Son ; les toi­lettes sèch­es depuis 2005. Ça fait par­tie prenante com­plète de l’organisation, de l’ADN du fes­ti­val. On pilote aus­si des groupes de tra­vail de la région Cen­tre. On a une coali­tion dans le cadre de la COP 21 et on met en place une con­férence col­lab­o­ra­trice pour les cul­tures de la région et les réflex­ions autour de la tran­si­tion écologique. 

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Vous avez mis en place de nom­breuses solu­tions de trans­port faibles en émis­sions car­bone. Vos artistes aus­si utilisent des modes de mobil­ités ‘doux’ ? 

Tant qu’on peut le pro­pos­er, oui. Aujour­d’hui, il y a de plus en plus d’artistes qui vien­nent d’eux-mêmes en train. Cette mobil­ité est de plus en plus mise en place. Pour le moment on se con­cen­tre davan­tage sur les déplace­ments du pub­lic parce que 70% de notre apport de car­bone vient de là. Pas des artistes. On essaye tout de même de sen­si­bilis­er les artistes et de pro­mou­voir le train, plutôt que l’avion. Mais hon­nête­ment, on n’a pas suff­isam­ment de poids pour leur impos­er une telle déci­sion. Si les artistes n’ont pas d’autres choix que de pren­dre l’avion, on y regardera deux fois, mais on ne peut leur inter­dire non plus. 

 

Avez-vous des solu­tions pour résoudre les prob­lèmes suite aux piétine­ments du ter­rain par les fes­ti­va­liers, stands, structures… ? 

On fait le max­i­mum sur place en lien avec le ges­tion­naire du domaine (le départe­ment). Dans un pre­mier temps, il faut savoir qu’il est très peu exploité par l’Homme. Alors oui, il est forte­ment impacté par notre présence, c’est vrai qu’il ne faut pas le nier. Pour le reste de l’année, c’est un champ qui vit, qui n’est pas util­isé. Entre le mon­tage et le démon­tage, on est présent sur le site pen­dant quinze jours. On ne le sur­ex­ploite pas, on laisse suff­isam­ment de temps à la faune et la flo­re pour qu’elles puis­sent se rétablir. 

Terres du son

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Quelles ini­tia­tives ont eu un change­ment rad­i­cal sur votre emprunte carbone ? 

Ça a été le pas­sage de qua­si­ment toutes les lumières en LED. Ça a été un point très impor­tant, comme la mise en place de pan­neaux solaires. Le deux­ième est sans doute les travaux sur le site pour se rac­corder avec les lignes à hautes ten­sions : ce qui nous a per­mis de baiss­er dras­tique­ment le nom­bre de groupes élec­trogènes. C’est les deux actions qui ont le plus d’impact aujourd’hui. Évidem­ment, le fait d’avoir un site entière­ment équipé en toi­lettes sèch­es per­met de réduire de façon sig­ni­fica­tive notre con­som­ma­tion d’eau. Mais l’essen­tiel c’est que toutes nos actions ont un but durable. Par exem­ple, on en retrou­ve des toi­lettes sèch­es dans des chantiers BTP, sur les évène­ments pro­vi­soires. Et tout ça a été instau­ré au sein des fes­ti­vals. Ça mon­tre à quel point ces événe­ments peu­vent être un lieu de pas­sion et d’initiative collective.

 

 

Arrivez-vous à motiv­er les fes­ti­va­liers à s’im­pli­quer dans la préser­va­tion de l’environnement ?

Pour pal­li­er ça, on a mis en place une gam­i­fi­ca­tion des éco­gestes. Ça s’ap­pelle le “Gold­en DD”. Pour faire sim­ple, les fes­ti­va­liers qui agis­sent en faveur de la préser­va­tion du site, gag­nent une mon­naie qui per­met quant‑à elle de gag­n­er un pass vie pour Ter­res du Son. L’idée, c’est qu’on récom­pense les gens qui vien­nent en vélo, trie leurs déchets… En tout, il y a une petite dizaine d’ac­tions à faire. Cette sen­si­bil­i­sa­tion n’a pas unique­ment lieu sur les trois jours de fes­ti­val. On com­mence à com­mu­ni­quer des mois avant, et on con­tin­ue deux mois après. 

Aujour­d’hui, on ressent ce sen­ti­ment d’anx­iété, on se dit : “il faut le faire sinon on va aller tout droit dans le mur”. C’est aus­si l’idée de se dire : “il est pos­si­ble de faire pass­er des mes­sages préven­tifs dans un cadre de fête”. On a la chance d’avoir des fes­ti­va­liers qui nous met­tent au défi et nous poussent dans nos retranche­ments. C’est pourquoi on n’a pas le choix de leur pro­pos­er de nou­velles ini­tia­tives. C’est comme ça qu’on avance ensem­ble. Par exem­ple, on vient de lancer une nou­velle étude sur l’im­pact de nos actions de sen­si­bil­i­sa­tion sur les change­ments de com­porte­ment à titre indi­vidu­el. Pour nous, c’est un sujet ultra impor­tant. En col­lab­o­ra­tion avec un cab­i­net de psy­cho social­isme, on se donne trois ans pour savoir si les actions que nous met­tons en place dans le cadre du fes­ti­val accom­pa­g­nent ou non cette transition.

 

Terres du Son

 

 

Terres du Son

 

Selon vous, com­ment peut-on ren­dre les fes­ti­vals plus accessibles ?

La pre­mière entrée, c’est l’ac­ces­si­bil­ité physique : les dis­posi­tifs mis en place pour que les per­son­nes puis­sent accéder et voir facile­ment les con­certs… Que ce soit à l’aide de plaques au sol, des plate­formes surélevées, des comp­toirs EMR bais­sés… On a aus­si mis en place une ligne télé­phonique dédiée pour que les fes­ti­va­liers puis­sent spé­ci­fi­er en amont leurs besoins. Et pour que nous puis­sions nous adapter à eux et leur don­ner une réponse le plus rapi­de­ment pos­si­ble. La deux­ième étape, c’est qu’on tra­vaille à l’an­née avec plus d’une quin­zaine de struc­tures médico-sociales, IME, ITEM, ETAB… Autour de la scéno­gra­phie. Et la nou­veauté cette année, c’est qu’on va pro­pos­er au pub­lic de pou­voir expéri­menter “qu’est-ce que c’est qu’être un fes­ti­va­lier en sit­u­a­tion de hand­i­cap”. La struc­ture der­rière ce pro­jet s’ap­pelle “Com une dif­férence”, local­isée à Lyon. Ils pro­posent aux spec­ta­teurs de pou­voir tir­er au sort un hand­i­cap : six au total, pour réalis­er cer­taines mis­sions en se met­tant à la place des per­son­nes dans cette sit­u­a­tion. Ça s’ap­pelle “han-situation”. C’est un pro­jet qui a pour objec­tif de mieux appren­dre à “vivre ensemble”

 

 

L’application SAFER a‑t-elle eu un réel impact dans les sig­nale­ments durant le festival ?

Ce n’est que la deux­ième année qu’on l’u­tilise. Je pense qu’il faut laiss­er du temps pour que les per­son­nes s’en empar­ent. Petit à petit, ça va devenir un réflexe. L’in­térêt pre­mier de cette appli­ca­tion, c’est qu’elle touche et con­cerne tout le monde. Vic­time comme témoin. Pour l’in­stant, ce n’est que le début. Ce n’est pas encore assez impac­tant pour par­ler de chiffre, il faut que ça s’in­stalle sur le long terme. Mais c’est déjà un bon début. Ques­tion organ­i­sa­tion, c’est ani­mé par une équipe où au min­i­mum un mem­bre for­mé sera présent sur le secteur. Peu importe où le sig­nale­ment a lieu (camp­ing, back­stage, con­cer­nant les bénév­oles, les artistes, le pub­lic) une équipe est pré­parée pour inter­venir. On a tou­jours ten­dance à penser que ça n’arrive qu’aux fes­ti­va­liers, mais ce n’est pas le cas ! Il est impor­tant qu’on puisse ray­on­ner dans toutes les strates de l’organisation.”

 

 

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