Joseph Mount (Metronomy) réédite « Nights Out » : « On regrette tous cette époque »
« Radio Ladio », « On The Motorway », ou « A Thing For Me » résonnent déjà dans nos têtes. Pour ses dix ans, le second album de Metronomy, Nights Out, s’est offert vendredi 8 février une réédition complète enrichie de nombreux morceaux inédits, dont nous avions déjà eu un aperçu avec la version française de « Heartbreaker ». Le nom « Nights Out » parle de lui-même : en 2008, les membres de Metronomy sortaient beaucoup. Un moment d’une grande effervescence tant festive que créative, puisque Nights Out allait bientôt propulser le groupe vers une renommée internationale. Après cet album : direction Paris, l’Europe, puis le monde entier. C’est donc la fin d’une riche décennie pour Metronomy. Mais aussi un nouveau départ. Cette réédition émerge au moment où Joseph Mount travaille sur un nouvel album. L’occasion pour nous de replonger une dernière fois dans ces années-là, tout en en apprenant plus sur son prochain opus. Discussion avec Joseph Mount, projetée entre passé et futur.
« Nights Out (10th Anniversary Edition) » sur Deezer :
Et sur Spotify :
Tu peux nous en dire plus sur cette réédition de Nights Out ?
Alors que j’étais en train de travailler sur un nouvel album, le label est venu me voir en me disant « hey, ça fait dix ans que Nights Out est sorti, on devrait faire quelque chose !« . Et j’étais là « Wow, dix ans ?! » (rires)… En fait, je crois que ça fait du bien de réaliser que ça fait dix ans, que ça fait un bon moment qu’on est lancé, et en même temps de constater que Metronomy est toujours là, et toujours intéressant, je l’espère. C’est très agréable de voir cette réédition achevée. En fait, ce n’est pas juste pour moi que j’ai fait ça, c’est surtout pour les fans. Beaucoup de personnes réalisent que cet album a dix ans et je pense que cette réédition est importante pour eux. Et ça permet de rappeler aux gens qui est Metronomy ! (rires).
On peut récapituler les principaux changements ?
Dans cette réédition, il y a l’album original, tel quel, avec des extras supplémentaires. Il y a notamment cette version française de « Heartbreaker », un remix de « A Thing For Me » par Breakbot, ainsi que quatre demos inédites, qui sont toutes d’époque. Ah et aussi, le disque est d’un beau vert, et j’ai également écrit un petit texte à l’intérieur de la pochette qui retrace la genèse de l’album.
Nights Out est sorti en 2008. Tu gardes quels souvenirs de son enregistrement ?
Quand je me remémore cette période, j’y vois un temps heureux de création musicale. J’ai enregistré Nights Out chez moi, dans ma chambre, où j’avais un petit studio. Tout ce que je faisais, c’était faire de la musique, sortir voir des amis, et revenir bosser toute la nuit sur ma musique. Après, ce n’était pas du travail pour moi, c’était plutôt comme me projeter dans un rêve. J’avais vingt ans et quelques, j’étais jeune …
C’est l’album qui vous a véritablement lancé. Vous sortiez beaucoup, c’était un moment stimulant ?
Oui. En fait, quand tu es jeune et que tu fais de la musique, tu ne réalises pas vraiment que c’est ton temps, quand tu es jeune cool et hype (rires). Je crois que c’est un petit moment dans une carrière. Donc oui, c’était vraiment marrant de sortir comme ça, de jouer dans des bars cool, d’aller à Paris et de faire des lives dans des bars qui n’existent plus maintenant (comme le Paris Paris Club), sentir que tu es connecté avec les jeunes qui réinventent la musique au présent… Ca me manque !
Tu es nostalgique ?
Oui et non. Il y a des choses dont je me souviens qui sont très joyeuses, et d’autres qui ne le sont pas. Je pense que c’est comme ça pour beaucoup de monde. Tu te souviens avec joie, mais tu ne veux pas revenir. A posteriori, je trouve par exemple que j’étais trop jaloux, trop compétitif par rapport aux autres groupes. Ca n’en valait pas la peine.
Te remémorer cette période avec plaisir, mais sans la regretter. C’est une nostalgie positive !
Totalement positive ! En fait, réaliser et reconnaître qu’un de tes albums a dix ans, c’est admettre que tu n’es plus aussi jeune que tu ne l’étais. Mais aussi, ce qui est marrant, c’est de se dire qu’à ce moment-là, tous les albums qui t’étaient contemporains vont aussi avoir dix ans ! Late Of The Pier et Justice, par exemple, se disent sûrement la même chose.
A côté de Summer 08, qui célébrait déjà l’année 2008, cette réédition sonne comme un ultime hommage à cette période. Comme un bilan, une conclusion. Est-ce qu’on doit y voir la fin d’un cycle pour Metronomy, et le début d’une toute nouvelle ère ?
C’est vrai, c’est amusant, ça fait deux hommages ! C’est aussi ce que j’ai essayé de dépasser en proposant un nouvel album. Quand ils m’ont demandé pour cette réédition, j’étais en train de travailler dessus. Alors au début, je me suis dis que ça allait me détourner de mes objectifs plus urgents. Mais ils me demandaient « qu’est-ce que tu faisais à l’époque, à quoi tu pensais, qu’est-ce que tu espérais ? ». Alors j’ai très vite réalisé que plus j’y pensais, plus j’en parlais autour de moi, plus ça m’aidait pour mon album. Réécouter Nights Out, réfléchir à pourquoi j’aime certains beats, certains morceaux, pour mieux définir quelle est l’attitude que j’aime, ça m’a aidé à concrétiser la différence entre le moi d’avant et le moi de maintenant. Avec Summer 08, je cherchais en quelque sorte à ré-atteindre cette attitude que j’avais à l’époque, j’essayais de la recréer. Mais en fait, je ne m’y prenais pas de la bonne manière. C’est difficile à exprimer, mais au fond, toutes ces choses m’ont aidé à achever le nouvel album. Donc oui, cette réédition marque définitivement pour moi un tournant vers le sixième album de Metronomy.
Tu peux nous parler un peu de ce nouvel album ?
Je suis assez enthousiaste à son propos ! C’est peut-être le plus ambitieux des albums de Metronomy. Il est très éclectique. Et a priori, il devrait être publié cette année !
Eclectique, c’est-à-dire ?
D’une certaine manière, tous les albums de Metronomy sont éclectiques. Mais ça sera peut-être la première fois où on pourra entendre absolument tout : Nights Out, Love Letters, etc. Tous les albums et toutes leurs atmosphères seront condensés dans cet unique disque.
C’est pourquoi cette réédition t’a aidé à finir ton album ?
Oui en quelque sorte. Dans Nights Out, il y a quelques morceaux instrumentaux et des choses assez atmosphériques. A l’écoute, il sonne un peu comme un concept-album, parce qu’il a une sorte d’univers. Et il en va de même pour le nouvel album. J’ai vraiment essayé de lui créer un univers spécifique.
Summer 08 était plus dansant que tes autres albums. Tu as continué dans ce sens ?
Oui. Et en même temps, l’album est une véritable mixture. Dedans il y a des choses de Summer 08 qui sont assez uptempo. Et en même temps, il est assez pop. Il y a beaucoup de gens qui aiment Metronomy pour « The Bay », et j’essaye d’en tenir compte. Mais je crois que ce qui est particulier avec les fans de Metronomy, c’est qu’ils aiment beaucoup de choses. Ils sont vraiment ouverts aux idées et aux expérimentations. Ils aimeront les éléments dansants, mais aussi les éléments instrumentaux, etc. Au final, je dirais qu’il est encore plus dansant que Summer 08. Mais certains morceaux pourront vous surprendre !
Vous n’avez pas fait de tournées pour Summer 08. C’est prévu pour le nouvel album ?
Pour Summer 08, on n’a pas fait de tournée de manière traditionnelle, pour plusieurs raisons. Du coup, ça m’a laissé pas mal de temps pour faire le nouvel album. Mais oui, cette fois, nous ferons bien de véritables tournées ! Et ce dès la fin de l’année : on est déjà programmé à We Love Green, et on fera beaucoup d’autres festivals.
Est-ce qu’on peut s’attendre à une réédition pour The English Riviera d’ici trois ans ?
Oh oui ! Je crois que c’est l’intérêt de la chose. Ils ont commencé avec les dix ans de Nights Out, alors j’imagine qu’ils voudront en faire un pour The English Riviera aussi. Ce qui signifie que je devrais encore trouver d’autres vieux morceaux … (rires) Ce qui pourrait être plus difficile ! Enfin on verra comment évolueront les prochains albums. Il se peut que je sois trop occupé pour le faire …
Est-ce qu’il y aurait une raison qui te ferait remonter le temps, dix ans auparavant, à l’époque de Nights Out ?
Le Brexit ! Oui, arrêter le Brexit, c’est la seule chose à laquelle je peux penser. Tuer Boris Johnson ? (rires). Non, je rigole avec ça, mais c’est vraiment très triste en réalité. Quand je pense à tout ce qu’on faisait dix ans auparavant ! C’était brillant ! Toutes ces opportunités qu’on avait. En fait, Metronomy a connu un gros succès en France. Justement, dans le texte que j’ai écrit dans la pochette de la réédition, j’ai essayé d’y faire référence. Je cite : « Peu de temps après la publication de l’album, nous sommes allés en France et nous avons découvert que nous avions une inexplicable liaison avec les Français. (…) Depuis la France, nous avons fait des tournées à travers une Europe sans frontière, et à partir de l’Europe, nous avons voyagé à travers le Monde« . Il y a dix ans, l’Europe, tout le monde l’aimait. Nous voyagions librement en Europe avec notre van et c’était incroyable de pouvoir faire ça. Malheureusement, dix ans après, pour l’anniversaire de cet album, le monde a changé. C’est la triste vérité. Le monde est niqué. Pour ça, on regrette tous cette époque.
Metronomy sera en concert le 1er juin au festival We Love Green et le 28 juillet aux Nuits Secrètes.