Massive Attack au Zénith de Paris : Apocalypse now

Plein la gueule. On s’en est pris plein la gueule. Et dès l’intro, un instru­men­tal plom­bant, avec des pro­jec­tions aveuglantes comme sur courant alter­natif, en guise de test épilep­tique. On a alors vite com­pris que Mas­sive Attack, qui hon­ore sur scène les 21 ans de la sor­tie de Mez­za­nine, n’était pas là pour plaisan­ter. Pas le genre de la maison.

Cette tournée remonte donc aux sources d’un album qui para­doxale­ment est con­sid­éré comme la pierre angu­laire du trip hop alors que son prin­ci­pal géni­teur, Robert Del Naja alias 3D, l’a voulu comme un retour à ses pre­mières inspi­ra­tions : le punk et la new wave de Wire, Pub­lic Image ou Stiff Lit­tle Fin­gers. Il le démon­tre d’entrée en reprenant “I Found A Rea­son” du Vel­vet Under­ground. Pre­mière reprise/surprise d’une per­for­mance qui en sera truf­fée (magis­tral “10.15 Sat­ur­day Day Night” de Cure, ren­ver­sant “Bela Lugosi’s Dead” de Bauhaus, notamment).

L’arrivée en scène vocale de 3D sur “Ris­ing­son” ras­sure un pub­lic désarçon­né par ce début de con­cert, toutes gui­tares en avant. Fidèle à son inti­t­ulé “Mez­za­nine XX1”, la set list ne com­porte aucune trace d’un autre album de la for­ma­tion de Bris­tol. Les puis­sants et som­bres “Man Next Door”, “Exchange” ou “Iner­tia Creeps”, expose encore mieux en live la per­son­nal­ité unique de Mas­sive Attack, entité incom­pa­ra­ble et au final indéfiniss­able. Plongés en per­ma­nence dans la pénom­bre, les cinq musi­ciens, dont deux bat­teurs qui accom­pa­g­nent 3D et Dad­dy G, tis­sent une bande-son pré-apocalypse dont les effets sont démul­ti­pliés par le bom­barde­ment inces­sant de flashs lumineux frontaux. Plein la gueule on l’a dit. Mais on reste quand même suff­isam­ment lucide pour capter les dizaines de mes­sages lancés comme des slo­gans, sur les écrans géants (“Mais Les Machines”, “Au nom du Peuple”).

Car un con­cert de Mas­sive Attack se vit comme un jeu de piste pour ten­ter de com­pren­dre la musique au rythme des innom­brables images/vidéos pro­jetées. Comme autant d’indices qui témoignent qua­si jour­nal­is­tique­ment de notre époque. D’où évidem­ment un sen­ti­ment d’étouffement anx­iogène pro­pre au cli­mat ambiant. Rares sont les con­certs de “musique actuelle” où la notion d’entertainement sem­ble com­plète­ment effacée. Une heure et quart de ten­sion extrême, heureuse­ment illu­minée par la voix tou­jours remuante d’Élisabeth Fras­er sur “Teardrop” et “Group Four”.

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On peut s’interroger quand même sur l’absence totale de com­mu­ni­ca­tion avec le pub­lic : pour dénon­cer la froideur et la vio­lence, doit-on être soit même être d’une extrême froideur ? Cela mérite débat. Mas­sive attaque. Et si vous avez envie d’en savoir plus, on vous encour­age à lire le dernier numéro de Tsu­gi qui con­sacre sa une à l’his­toire secrète de Mez­za­nine. La minute auto-promo.

Set list :

I Found A Reason
Risingson
10:15 Sat­ur­day Night
Man Next Door
Black Milk
Mezzanine
Bela Lugosi’s Dead
Exchange
See a Man’s Face
Dis­solved Girl
Where Have All the Flow­ers Gone ?
iner­tia Creeps
Rockwrok
Angel
Teardrop
Group Four

 

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