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Jungle By Night : “on est un vrai groupe de live, à la croisée de plusieurs scènes”

Jouant aus­si bien dans des fes­ti­vals jazz qu’au Rex Club à 1 heures du mat’, les Jun­gle By Night sont experts des grands écarts. Entre jazz et tech­no, club­bing et impro­vi­sa­tion, ces sept Néer­landais réin­ven­tent depuis 14 ans la déf­i­ni­tion tra­di­tion­nelle de la musique de fête, pour une tech­no sans ordi­na­teur ou une house qui sent le cuivre.

En France, ils s’appellent Cabaret Con­tem­po­rain ou Cheap House, en Alle­magne Meute… Ils com­men­cent à être quelques-uns à faire machine arrière, à com­pos­er une musique de clubbeurs avec des instru­ments de con­ser­va­toire, à lier bois et béton, cha­cun à leur manière. Aux Pays-Bas, ces orfèvres d’une nou­velle manière de con­sid­ér­er la musique élec­tron­ique – pas si élec­tron­ique donc – s’appellent Jun­gle By Night. On les a d’abord con­nus dans un reg­istre assez jazz, sous influ­ences africaines. L’immense Tony Allen les a même qual­i­fiés de “futur de l’afrobeat”. Mais Jun­gle By Night, c’est bien plus qu’une seule chapelle, qu’une seule manière de faire la fête ou de réin­ven­ter la recette des “titres à danser joués avec des instru­ments jazz”. Leur musique réus­sit à être à la fois tech­nique et sim­ple, jamais pom­peuse, tou­jours jouissive.

Un con­cert de Jun­gle By Night, c’est avant tout une fête. Puis, si on est bien placé (c’est qu’ils rem­plis­sent des salles de plus en plus grandes!), il y a un autre niveau de lec­ture : chaque live est l’occasion d’observer minu­tieuse­ment tout ce qui se passe sur scène – sept excel­lents musi­ciens, une grande place lais­sée à l’improvisation, un vrai show. Il faut dire que ces Néer­landais, quand ils ne sont pas en train de répéter dans leur studio-QG à Ams­ter­dam, passent le plus clair de leur temps sur scène. Ils ne s’en cachent pas, le live est leur pri­or­ité absolue, d’où peut-être ce virage fes­tif, légère­ment moins jazz, opéré depuis deux ou trois ans. Et cela fonc­tionne : ils ont rem­pli en mars l’immense Gashoud­er à Ams­ter­dam (3500 per­son­nes tout de même!), et fai­saient office de tête d’affiche deux mois plus tôt à Euroson­ic, le fes­ti­val de show­cas­es de Gronin­gen, au nord des Pays-Bas. Le grand chapiteau instal­lé en centre-ville était plein à cra­quer, et sans aucun doute le coin le plus chaud de tout le week-end. C’est à cette occa­sion que l’on a ren­con­tré Jac (gui­tare) et Pyke (claviers), en atten­dant de retrou­ver cette joyeuse bande en France pour une tournée… Qu’ils ont vis­i­ble­ment bien hâte de commencer.

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© Aileen

 

Ça ressem­ble à quoi, un con­cert de Jun­gle By Night ?

Pyke : Nos con­certs sont pleins d’énergie, avec une atmo­sphère fun et pas mal d’instruments intéres­sants sur scène. Ce soir il s’agira d’un set assez court, mais on joue générale­ment plus longtemps, avec une plus large var­iété de styles, de l’easy-listening à la tech­no. C’est un pack­age com­plet, un voy­age. On aime don­ner 200 % de notre énergie à chaque show, ce qui peut être assez épuisant !

Jac : Je pense que c’est assez chou­ette pour les gens de voir à quel point il se passe des choses sur scène. On fait tout ensem­ble et en direct, sans ordi­na­teur, et le pub­lic peut effec­tive­ment observ­er ce qu’on fait.

P : Il y a pas mal d’interactions entre nous, on laisse une grande place à l’improvisation. On se regarde dans les yeux, comme pour dire “on pour­rait faire ci, on pour­rait par­tir là-dessus”. C’est comme une ten­sion. Ces deux dernières années, on se dirige de plus en plus vers ce qu’on aime appel­er ‘nu-disco’. Quelque chose de dansant, d’énergique, davan­tage tourné vers le club­bing. Je pense que cela se voit bien dans la vidéo live de “Cook­ies”.

J : On ajoute aus­si des élé­ments de jazz, de krautrock, de syn­th­pop. Entre Kraftwerk et Air par­fois. Et on tient tou­jours à con­tin­uer à s’amuser sur scène, ça sonne un peu creux dit comme ça, mais c’est quelque chose d’essentiel pour nous.

 

Vous vous tournez en effet de plus en plus vers la musique de club. Quel est votre rap­port à la fête ? Vous sortez énor­mé­ment tous ensemble ?

P : Oui et non. Quand on est en tournée, surtout à l’étranger, on essaye de trou­ver une fête sym­pa en ville où aller après notre con­cert. Aux Pays-Bas, ça dépend de nos agen­das, mais cer­tains d’entre nous sont égale­ment DJs, on va voir les sets des uns et des autres. En plus de notre stu­dio d’enregistrement et de répéti­tions à Ams­ter­dam, on a acheté un café, dans lequel on traîne pas mal. D’autant que le stu­dio et le café sont juste à côté d’un grosse salle de con­cert qui fait aus­si club, restaurant…

J : … C’est dan­gereux ! (rires) En tout cas oui, quand on est à l’étranger, on aime vivre l’expérience com­plète. Par exem­ple, quand on est allés à Angers, on s’est retrou­vé dans cette espèce de café illé­gal où la police est arrivée sur les coups de 6 heures du matin !

P : Jac et moi aimons arriv­er assez tôt avant nos con­certs pour pou­voir nous balad­er dans la ville, vis­iter. C’est cool de pou­voir par­fois faire ça car, et les gens ne le réalisent pas trop, être en tournée se résume sou­vent à arriv­er dans une ville, installer le matos, jouer et repar­tir. Tu reviens chez toi et tout le monde te demande “alors Paris, c’était bien ??”… Alors que tu n’as rien vu. On a joué à New-York, dans un club à Brook­lyn. C’était ma pre­mière fois là-bas et je n’ai vu Man­hat­tan que depuis la rive d’en face !

 

Des DJs dans le groupe, un café et un club juste à côté de votre stu­dio… Vous pensez que cela explique la pat­te de plus en plus club de votre musique ?

P : On a tou­jours eu cet élé­ment dans notre musique mais on ne l’exploitait pas autant qu’aujourd’hui. Et puis nos goûts musi­caux ont dérivé vers ce genre de sons, que l’on par­le de tech­no et de club­bing mais aus­si de krautrock alle­mand, un genre que nous aimons tous beau­coup. Aus­si, un de mes groupes favoris est le Vel­vet Under­ground, un groupe qui tra­vail­lait beau­coup sur la musique répéti­tive, quelque chose que l’on aime tous. Du coup on a égale­ment adap­té les rôles dans le groupe, avec le trom­bon­iste qui main­tenant joue aus­si du clavier, le trompet­tiste qui joue avec des effets, moi qui en ai rajouté davan­tage sur mes synthés.

J : C’est chou­ette de voir nos goûts musi­caux évoluer et le groupe s’adapter en fonc­tion, on prend de l’âge ensem­ble. On fait de la musique tous ensem­ble depuis longtemps main­tenant, c’est notre 14ème année. Mais l’envie de partager de l’énergie et de faire danser n’a jamais bougé.

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© Tim Buiting

 

Tony Allen a dit de vous que vous étiez “le futur de l’afrobeat”… Pas de pres­sion ! Pensez-vous que ça vous a poussé à sor­tir de cette case afrobeat, justement ?

P : Hon­nête­ment, je pense que nous n’avons jamais fait d’afrobeat à pro­pre­ment par­ler… C’est une super style mais c’est assez dif­fi­cile de le jouer cor­recte­ment. Les per­cus­sions et bat­ter­ies sont vrai­ment intens­es, on est de bons musi­ciens mais peut-être pas à ce point… Nous qual­i­fi­er de “futur de l’afrobeat” était vrai­ment sym­pa de sa part, mais on ne s’est jamais vus comme ça. On est à la croisée de plusieurs scènes. On a joué dans des fes­ti­vals jazz, des fes­ti­vals pop, mais aus­si des fes­ti­vals de musiques élec­tron­iques où nous étions le seul groupe live, avec unique­ment des DJs autour de nous. Autre exem­ple : on a joué au Rex à Paris avec Folam­our, c’était cool ! C’était une soirée en club, et tout à coup on a débar­qué à 1 heure du matin avec nos instruments.

 

Votre dernier album s’appelle Algo­rhythm, un nom tout à fait dig­i­tal, alors que votre musique est en effet pure­ment analogique… Tou­jours une his­toire de con­traste ? 

J : On fait de la musique syn­thé­tique qui nous classeraient plutôt du côté du dig­i­tal… Mais on la joue en tant qu’humains. Pas d’ordinateurs, pas de trucages sur scène.

P : On nous pose pas mal de ques­tions après les con­certs ! Je suis au clavier et les gens me deman­dent quel arpé­gia­teur j’utilise – je n’en utilise pas – ou quel type de back­ing track on a – on n’en a pas.

 

Cela fait 14 ans que le groupe existe… Comme vous pour­riez résumer ces 14 années ?

P : Une mon­tagne russe ! (rires)

J : On a fait plus de 700 con­certs dans 34 pays… On est allés dans des endroits improb­a­bles. L’année dernière, on a joué au Koso­vo, c’était super et très spé­cial pour nous. On est aus­si allé au Japon. Et en avril, on revient en France, où on avait pas mal joué avant la pandémie. On a super hâte de refaire une tournée française !

 

Quand on vous demande de résumer ces 14 ans, ce ne sont pas vos albums mais bien le live qui ressort en premier…

P : On est vrai­ment un groupe de live, c’est ce qu’on préfère, être en tournée, aller à l’étranger, décou­vrir de nou­veaux endroits et ren­con­tr­er des gens. Don­ner de l’énergie pen­dant les lives et en recevoir en retour.

J : Et aller en France ! (rires)

 

Vous avez tous gran­di ensem­ble : quand le groupe s’est for­mé, le plus jeune mem­bre n’avait que 14 ans. Com­ment ne pas avoir envie de s’entretuer quand on a passé autant de temps avec les mêmes mecs depuis l’adolescence, alors que le groupe de goss­es s’est trans­for­mé en carrière ?

J : C’est quelque chose qui s’apprend douce­ment. On apprend à se par­ler, on essaye en tout cas. Faire plein de con­certs et s’embarquer ensem­ble dans des aven­tures un peu folles, c’est un bon moyen de démar­rer des ami­tiés. Mais avec le temps ce qui compte c’est d’être bon dans la com­mu­ni­ca­tion, et savoir laiss­er de l’espace à l’autre si besoin.

P : Et ce con­cert d’Eurosonic est un nou­veau show, avec de nou­velles chan­sons. Un live que l’on va jouer dans les prochains mois. Con­tin­uer à pro­pos­er de nou­velles choses nous aide à garder cette énergie, ce fuel.

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© Tim Buiting

 

Com­pos­er de la musique alors que l’on est sept, com­ment ça marche ? 

P : Ce n’est pas facile. Par­fois, quelqu’un va avoir une idée et les autres suiv­ent, par­fois on jam. Il faut que tout le monde soit d’accord avec ce qui se passe. Mais pour ter­min­er la chan­son, pour tra­vailler sur sa struc­ture, deux d’entre nous seule­ment vont s’en occu­per. Pour le morceau suiv­ant ça sera peut-être deux autres. Mais on ne met pas tous les mains dedans. On a appris à accepter ce process. C’est plus sain comme ça, et faire tout à sept prend beau­coup trop longtemps.

 

Vous avez des styles, des groupes, sur lesquels vous êtes tous d’accord ?

P : Pas mal de vieux trucs, des années 60, 70. Comme on l’a dit plus tôt, le krautrock. La Musac égale­ment. Et plus générale­ment les groupes qui font leur pro­pre truc, sans se souci­er de ce que les autres vont penser.

J : Merid­i­an Broth­ers pour­rait être un bon exemple.

 

C’est quoi la suite pour vous ?

: On fait une tournée en France, est-ce qu’on l’a men­tion­né ? (rires) Con­cer­nant les sor­ties, on se con­cen­tre sur des sin­gles et des EPs pour le moment, car on tourne beau­coup et qu’un album c’est un gros morceau qui prend beau­coup de temps à faire. Il y a eu une inon­da­tion dans notre stu­dio. On a eu le choix entre laiss­er tomber le lieu ou tout refaire. On a tout refait ! Main­tenant, on a un super stu­dio dans lequel on peut répéter mais aus­si enreg­istr­er, cap­tur­er une nou­velle chan­son au moment exact où elle nous paraît prête, tout en restant fraîche pour nous, et en se lais­sant de l’espace pour des acci­dents, des impro­vi­sa­tions. On n’a pas du tout envie d’attendre pour les sor­tir. On enreg­istre, et trois semaines après, elle est sur inter­net. Je pense que ça colle vrai­ment avec notre approche.

 

Alors pour les voir en live, c’est par ici ::

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