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© Tim Buiting
20 mars 2023

Jungle By Night : « on est un vrai groupe de live, à la croisée de plusieurs scènes »

par Clémence Meunier

Jouant aussi bien dans des festivals jazz qu’au Rex Club à 1 heures du mat’, les Jungle By Night sont experts des grands écarts. Entre jazz et techno, clubbing et improvisation, ces sept Néerlandais réinventent depuis 14 ans la définition traditionnelle de la musique de fête, pour une techno sans ordinateur ou une house qui sent le cuivre.

En France, ils s’appellent Cabaret Contemporain ou Cheap House, en Allemagne Meute… Ils commencent à être quelques-uns à faire machine arrière, à composer une musique de clubbeurs avec des instruments de conservatoire, à lier bois et béton, chacun à leur manière. Aux Pays-Bas, ces orfèvres d’une nouvelle manière de considérer la musique électronique – pas si électronique donc – s’appellent Jungle By Night. On les a d’abord connus dans un registre assez jazz, sous influences africaines. L’immense Tony Allen les a même qualifiés de « futur de l’afrobeat ». Mais Jungle By Night, c’est bien plus qu’une seule chapelle, qu’une seule manière de faire la fête ou de réinventer la recette des « titres à danser joués avec des instruments jazz ». Leur musique réussit à être à la fois technique et simple, jamais pompeuse, toujours jouissive.

Un concert de Jungle By Night, c’est avant tout une fête. Puis, si on est bien placé (c’est qu’ils remplissent des salles de plus en plus grandes!), il y a un autre niveau de lecture : chaque live est l’occasion d’observer minutieusement tout ce qui se passe sur scène – sept excellents musiciens, une grande place laissée à l’improvisation, un vrai show. Il faut dire que ces Néerlandais, quand ils ne sont pas en train de répéter dans leur studio-QG à Amsterdam, passent le plus clair de leur temps sur scène. Ils ne s’en cachent pas, le live est leur priorité absolue, d’où peut-être ce virage festif, légèrement moins jazz, opéré depuis deux ou trois ans. Et cela fonctionne : ils ont rempli en mars l’immense Gashouder à Amsterdam (3500 personnes tout de même!), et faisaient office de tête d’affiche deux mois plus tôt à Eurosonic, le festival de showcases de Groningen, au nord des Pays-Bas. Le grand chapiteau installé en centre-ville était plein à craquer, et sans aucun doute le coin le plus chaud de tout le week-end. C’est à cette occasion que l’on a rencontré Jac (guitare) et Pyke (claviers), en attendant de retrouver cette joyeuse bande en France pour une tournée… Qu’ils ont visiblement bien hâte de commencer.

jungle by night

© Aileen

 

Ça ressemble à quoi, un concert de Jungle By Night ?

Pyke : Nos concerts sont pleins d’énergie, avec une atmosphère fun et pas mal d’instruments intéressants sur scène. Ce soir il s’agira d’un set assez court, mais on joue généralement plus longtemps, avec une plus large variété de styles, de l’easy-listening à la techno. C’est un package complet, un voyage. On aime donner 200 % de notre énergie à chaque show, ce qui peut être assez épuisant !

Jac : Je pense que c’est assez chouette pour les gens de voir à quel point il se passe des choses sur scène. On fait tout ensemble et en direct, sans ordinateur, et le public peut effectivement observer ce qu’on fait.

P : Il y a pas mal d’interactions entre nous, on laisse une grande place à l’improvisation. On se regarde dans les yeux, comme pour dire « on pourrait faire ci, on pourrait partir là-dessus ». C’est comme une tension. Ces deux dernières années, on se dirige de plus en plus vers ce qu’on aime appeler ‘nu-disco’. Quelque chose de dansant, d’énergique, davantage tourné vers le clubbing. Je pense que cela se voit bien dans la vidéo live de « Cookies ».

J : On ajoute aussi des éléments de jazz, de krautrock, de synthpop. Entre Kraftwerk et Air parfois. Et on tient toujours à continuer à s’amuser sur scène, ça sonne un peu creux dit comme ça, mais c’est quelque chose d’essentiel pour nous.

 

Vous vous tournez en effet de plus en plus vers la musique de club. Quel est votre rapport à la fête ? Vous sortez énormément tous ensemble ?

P : Oui et non. Quand on est en tournée, surtout à l’étranger, on essaye de trouver une fête sympa en ville où aller après notre concert. Aux Pays-Bas, ça dépend de nos agendas, mais certains d’entre nous sont également DJs, on va voir les sets des uns et des autres. En plus de notre studio d’enregistrement et de répétitions à Amsterdam, on a acheté un café, dans lequel on traîne pas mal. D’autant que le studio et le café sont juste à côté d’un grosse salle de concert qui fait aussi club, restaurant…

J : … C’est dangereux ! (rires) En tout cas oui, quand on est à l’étranger, on aime vivre l’expérience complète. Par exemple, quand on est allés à Angers, on s’est retrouvé dans cette espèce de café illégal où la police est arrivée sur les coups de 6 heures du matin !

P : Jac et moi aimons arriver assez tôt avant nos concerts pour pouvoir nous balader dans la ville, visiter. C’est cool de pouvoir parfois faire ça car, et les gens ne le réalisent pas trop, être en tournée se résume souvent à arriver dans une ville, installer le matos, jouer et repartir. Tu reviens chez toi et tout le monde te demande « alors Paris, c’était bien ?? »… Alors que tu n’as rien vu. On a joué à New-York, dans un club à Brooklyn. C’était ma première fois là-bas et je n’ai vu Manhattan que depuis la rive d’en face !

 

Des DJs dans le groupe, un café et un club juste à côté de votre studio… Vous pensez que cela explique la patte de plus en plus club de votre musique ?

P : On a toujours eu cet élément dans notre musique mais on ne l’exploitait pas autant qu’aujourd’hui. Et puis nos goûts musicaux ont dérivé vers ce genre de sons, que l’on parle de techno et de clubbing mais aussi de krautrock allemand, un genre que nous aimons tous beaucoup. Aussi, un de mes groupes favoris est le Velvet Underground, un groupe qui travaillait beaucoup sur la musique répétitive, quelque chose que l’on aime tous. Du coup on a également adapté les rôles dans le groupe, avec le tromboniste qui maintenant joue aussi du clavier, le trompettiste qui joue avec des effets, moi qui en ai rajouté davantage sur mes synthés.

J : C’est chouette de voir nos goûts musicaux évoluer et le groupe s’adapter en fonction, on prend de l’âge ensemble. On fait de la musique tous ensemble depuis longtemps maintenant, c’est notre 14ème année. Mais l’envie de partager de l’énergie et de faire danser n’a jamais bougé.

jungle by night

© Tim Buiting

 

Tony Allen a dit de vous que vous étiez « le futur de l’afrobeat »… Pas de pression ! Pensez-vous que ça vous a poussé à sortir de cette case afrobeat, justement ?

P : Honnêtement, je pense que nous n’avons jamais fait d’afrobeat à proprement parler… C’est une super style mais c’est assez difficile de le jouer correctement. Les percussions et batteries sont vraiment intenses, on est de bons musiciens mais peut-être pas à ce point… Nous qualifier de « futur de l’afrobeat » était vraiment sympa de sa part, mais on ne s’est jamais vus comme ça. On est à la croisée de plusieurs scènes. On a joué dans des festivals jazz, des festivals pop, mais aussi des festivals de musiques électroniques où nous étions le seul groupe live, avec uniquement des DJs autour de nous. Autre exemple : on a joué au Rex à Paris avec Folamour, c’était cool ! C’était une soirée en club, et tout à coup on a débarqué à 1 heure du matin avec nos instruments.

 

Votre dernier album s’appelle Algorhythm, un nom tout à fait digital, alors que votre musique est en effet purement analogique… Toujours une histoire de contraste ? 

J : On fait de la musique synthétique qui nous classeraient plutôt du côté du digital… Mais on la joue en tant qu’humains. Pas d’ordinateurs, pas de trucages sur scène.

P : On nous pose pas mal de questions après les concerts ! Je suis au clavier et les gens me demandent quel arpégiateur j’utilise – je n’en utilise pas – ou quel type de backing track on a – on n’en a pas.

 

Cela fait 14 ans que le groupe existe… Comme vous pourriez résumer ces 14 années ?

P : Une montagne russe ! (rires)

J : On a fait plus de 700 concerts dans 34 pays… On est allés dans des endroits improbables. L’année dernière, on a joué au Kosovo, c’était super et très spécial pour nous. On est aussi allé au Japon. Et en avril, on revient en France, où on avait pas mal joué avant la pandémie. On a super hâte de refaire une tournée française !

 

Quand on vous demande de résumer ces 14 ans, ce ne sont pas vos albums mais bien le live qui ressort en premier…

P : On est vraiment un groupe de live, c’est ce qu’on préfère, être en tournée, aller à l’étranger, découvrir de nouveaux endroits et rencontrer des gens. Donner de l’énergie pendant les lives et en recevoir en retour.

J : Et aller en France ! (rires)

 

Vous avez tous grandi ensemble : quand le groupe s’est formé, le plus jeune membre n’avait que 14 ans. Comment ne pas avoir envie de s’entretuer quand on a passé autant de temps avec les mêmes mecs depuis l’adolescence, alors que le groupe de gosses s’est transformé en carrière ?

J : C’est quelque chose qui s’apprend doucement. On apprend à se parler, on essaye en tout cas. Faire plein de concerts et s’embarquer ensemble dans des aventures un peu folles, c’est un bon moyen de démarrer des amitiés. Mais avec le temps ce qui compte c’est d’être bon dans la communication, et savoir laisser de l’espace à l’autre si besoin.

P : Et ce concert d’Eurosonic est un nouveau show, avec de nouvelles chansons. Un live que l’on va jouer dans les prochains mois. Continuer à proposer de nouvelles choses nous aide à garder cette énergie, ce fuel.

jungle by night

© Tim Buiting

 

Composer de la musique alors que l’on est sept, comment ça marche ? 

P : Ce n’est pas facile. Parfois, quelqu’un va avoir une idée et les autres suivent, parfois on jam. Il faut que tout le monde soit d’accord avec ce qui se passe. Mais pour terminer la chanson, pour travailler sur sa structure, deux d’entre nous seulement vont s’en occuper. Pour le morceau suivant ça sera peut-être deux autres. Mais on ne met pas tous les mains dedans. On a appris à accepter ce process. C’est plus sain comme ça, et faire tout à sept prend beaucoup trop longtemps.

 

Vous avez des styles, des groupes, sur lesquels vous êtes tous d’accord ?

P : Pas mal de vieux trucs, des années 60, 70. Comme on l’a dit plus tôt, le krautrock. La Musac également. Et plus généralement les groupes qui font leur propre truc, sans se soucier de ce que les autres vont penser.

J : Meridian Brothers pourrait être un bon exemple.

 

C’est quoi la suite pour vous ?

: On fait une tournée en France, est-ce qu’on l’a mentionné ? (rires) Concernant les sorties, on se concentre sur des singles et des EPs pour le moment, car on tourne beaucoup et qu’un album c’est un gros morceau qui prend beaucoup de temps à faire. Il y a eu une inondation dans notre studio. On a eu le choix entre laisser tomber le lieu ou tout refaire. On a tout refait ! Maintenant, on a un super studio dans lequel on peut répéter mais aussi enregistrer, capturer une nouvelle chanson au moment exact où elle nous paraît prête, tout en restant fraîche pour nous, et en se laissant de l’espace pour des accidents, des improvisations. On n’a pas du tout envie d’attendre pour les sortir. On enregistre, et trois semaines après, elle est sur internet. Je pense que ça colle vraiment avec notre approche.

 

Alors pour les voir en live, c’est par ici ::

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