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Tripalium à l'Ubu - 11/01/2019 / ©Christopher Chiffoleau
3 mars 2020

Kicks distordus et atmosphères punk : le méchant label Tripalium fête ses 5 ans

par Tsugi

Au départ, le tripalium est un instrument de torture. Le mot aurait ensuite dérivé pour devenir synonyme de “travail” et, surtout, il a donné son nom à un label fondé il y a maintenant cinq ans à Rennes, spécialisé dans les branches les plus extrêmes de la techno. Et on peut dire qu’il travaille : en cinq ans d’existence, Tripalium Corp s’est divisé en quatre divisions, dont Acid Avengers (la section donc…acid), Digital Mutant, Tripalium Rave et Tripalium Podcast (réservée aux podcasts d’artistes), histoire de couvrir toutes les musiques électroniques qui se font à coups de « nappes raw, de kicks distordus, de larsens, de sons sales et d’atmosphères punk ». Pour célébrer leur anniversaire, la compilation French Bulldogs réunit 36 artistes (jeunes pousses ou membres historiques), et bien sûr trois soirées sont organisées du 5 au 7 mars dans plusieurs lieux rennais. On récapitule ce que cela veut dire de défendre ce type de musique, avec son fondateur Benjamin Dierstein. Garanti sans douleur.

« Avant, balancer de la jungle, de la rave et des sons noise dans une même soirée, c’était très loin de faire l’unanimité, et on en a d’ailleurs parfois fait les frais sur la fréquentation de nos événements ! »

Comment a commencé Tripalium ? C’était quoi l’idée de base ?

Tripalium a commencé en mai 2014. À l’époque, il s’agissait seulement d’organiser des événements à Paris, en mettant en avant les musiques qui nous tenaient à cœur (IDM, noise techno, acid, braindance, indus, breakcore…), à une époque où on n’entendait que de la techno partout. Avant, balancer de la jungle, de la rave et des sons noise dans une même soirée, c’était très loin de faire l’unanimité, et on en a d’ailleurs parfois fait les frais sur la fréquentation de nos événements ! Nos plus gros faits d’armes sur cette première année ont été un concert de Venetian Snares, un showcase Ad Noiseam (label de Bong Ra, Igorrr, Ruby My Dear, The Outside Agency, disparu depuis), une soirée spéciale Rephlex, et la première « Acid Attack », événement 100% acid, précurseur de notre section Acid Avengers. Et puis, en décembre de la même année, on a lancé le label, et petit à petit c’est la partie label, avec ses quatre sous-divisions, qui a pris le pas sur l’organisation d’événements.

D’où vous vient cet amour de la techno industrielle et des sons qui grattent ?

On est effectivement attachés aux sons industriels depuis les débuts, et je dirais plus généralement à toutes les musiques électroniques qui se font à coups de nappes raw, de kicks distordus, de larsens, de sons sales et d’atmosphères punk. Beaucoup de piliers du label ont, dans leur culture, une véritable passion pour le travail de la texture et pour les musiques électriques extrêmes type noise ou metal hardcore, et on a toujours véhiculé dans nos sorties un amour pour les machines qui produisent des sonorités détraquées proches de ces musiques issues à l’origine de la sphère rock. On attache également beaucoup d’importance au live, je pense qu’on a toujours été plus proches d’une culture live/punk que de la culture DJ.

14anger @ Ubu Rennes (Treize x Tripalium)

Quels ont été les temps forts du label qui ont contribué à sa longévité ?

Le lancement d’Acid Avengers fin 2015 a été un premier moment fort puisqu’il a lancé une identité très marquée avec les illustrations du Nantais Prozeet, et notre collaboration avec Jaquarius. Je citerais également pêle-mêle le début de notre résidence sur Rinse France en 2016, notre arrivée à Rennes à l’automne 2016, où l’accueil chaleureux des collectifs locaux tels quels OND ou Chevreuil a été très important. Et puis bien sûr le lancement l’an dernier de notre agence Nomade Booking, qui est désormais la principale activité de la structure, devant la production de disques.

La sortie dont t’es le plus fier ?

On a sorti tellement de disques et de cassettes (près de 70 en cinq ans), que j’aurai du mal à isoler une sortie en particulier. Mais celles des artistes historiques du label (Paulie Jan, Jaquarius et Mono-enzyme 307, 14anger & Dep Affect, ou encore Verset Zero) ont forcément une résonance particulière pour moi. J’y ajouterais les petites bombes qu’ont sorti chez nous, Umwelt, Minimum Syndicat, Yung Acid, La Bile, Notausgang, Terdjman, Atix, Fallbeil, Drvg Cvltvre, Celldod, Ekman, Society of Silence, Cuften ou plus récemment Sina XX, qui ont clairement été des sommets en terme de qualité et d’originalité.

« C’est clair que si on compare 2014 et 2020, une certaine forme de techno industrielle est devenue la norme dans beaucoup de soirées. »

En 5 ans, vous avez du voir évoluer la scène industrielle française. Vos conclusions ?

C’est clair que si on compare 2014 et 2020, une certaine forme de techno industrielle est devenue la norme dans beaucoup de soirées. Le gap est énorme. Le problème étant que le formatage et la multiplication de projets similaires ont presque tué le goût pour ces sonorités chez la plupart des esthètes, qui ont l’impression, à raison, qu’on les a gavés comme des oies avec ce type de sons. Aujourd’hui, j’ai beaucoup de mal à faire se démarquer un projet industriel ou acid qui mériterait de l’être, tout simplement parce que ces genres sont devenus des modes qui ont pris beaucoup trop de place sur la scène électronique. Mais j’ai confiance en le fait, que, comme la drum’n’bass à une époque, la mode passera, et subsisteront bien sûr les projets originaux qui arrivent encore à créer de nouvelles manières de produire ces musiques. Et Tripalium sera toujours là pour les mettre à l’honneur !

Le catalogue de Tripalium est à retrouver sur leur Bandcamp.
Retrouvez les trois soirées d’anniversaire du label à Rennes le 5, 6 et 7 mars.

Benjamin Dierstein, fondateur de Tripalium / ©Jeune Allain

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