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La passion de Torgull : les feux d’artifices

Depuis Riyad où il s’apprête à installer un mas­sif feu d’artifice aux côtés de cent quar­ante col­lègues, Philippe Dav­eney, alias Torgull,  légendaire DJ et pro­duc­teur hard­core, racon­te com­ment il est tombé la tête la pre­mière dans le méti­er d’artificier… En sor­tant de boîte évidemment.

Arti­cle issu du Tsu­gi 145 : les grandes énigmes de la musique, en kiosque et à la com­mande en ligne.

C’était en 2004. Je venais du Rex, je n’avais pas dor­mi de la nuit. À l’époque, à côté de mes dates comme DJ, je tra­vail­lais pour une boîte de road­ies sur des con­certs. Ce jour-là, par hasard, la mis­sion était dif­férente: je suis allé boss­er sur l’installation du feu d’artifice du 14 juil­let de la tour Eif­fel. J’ai retrou­vé la même adré­naline et le même stress que je pou­vais ressen­tir avant de pren­dre les platines. Le même plaisir une fois que tout s’est bien passé aus­si. Après ce pre­mier con­trat, j’ai pro­posé aux arti­ficiers de cette boîte, Groupe F, de me con­tac­ter directe­ment pour mul­ti­pli­er les col­lab­o­ra­tions. Au début, le boulot est très sim­ple: d’autres met­tent les bombes dans des tubes et toi tu ne fais que branch­er les fils et porter le matériel. Au fur et à mesure, j’ai appris à lire les plans de tir, con­naître les pro­duits, les tech­niques, les proces­sus. Il n’y a pas d’école d’artificiers, tout se fait sur le tas.

 

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Aujourd’hui, je con­tin­ue à pro­duire et jouer live, et je tra­vaille tou­jours pour Groupe F, en tant qu’artificier, avec une spé­cial­i­sa­tion dans les flammes. Faire de la musique pour le plaisir sans avoir besoin d’en vivre me rend beau­coup plus libre artis­tique­ment. Et l’artifice, c’est var­ié, intéres­sant, je reste sur la route. Je suis allé installer des feux en Azer­baïd­jan pour l’Eurovision, chaque été mon bureau, ce sont les jardins du château de Ver­sailles, j’étais dans la tour Eif­fel pour l’anniversaire de ses 120 ans avec les pom­piers qui se plan­quaient à l’intérieur telle­ment ça pétait de partout. On a tiré sur le Burj Khal­i­fa, la plus haute tour du monde (800 m) et le Burj Al Arab, l’hôtel en forme de voile… Et là je suis à Riyad pour tir­er depuis la Mam­la­ka Tow­er, cette immense tour en forme de décap­suleur. Au départ, je ne voulais pas me ren­dre en Ara­bie saou­dite, à cause de tout ce qu’on sait du pays.

 

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Il y a beau­coup de femmes qui bossent chez Groupe F, pour qui il y a quinze ans c’était impos­si­ble de venir. Aujourd’hui ça s’est bien amélioré. De la même manière, ça fait qua­torze ans que je me rends régulière­ment à Dubaï. J’ai vu la ville se dévelop­per à une vitesse hal­lu­ci­nante, le cli­mat chang­er à cause de toute l’eau qui a été ramenée, le côté bling-bling avec des mecs pétés de blé et des nanas avec des tenues que tu ne vois que dans les films. Et moi je les croise avec mes mains dégueu­lass­es. Nous, on voit l’autre côté de Dubaï, on tra­vaille avec les work­ers de là-bas, des mecs qui vivent à vingt-cinq dans un apparte­ment, envoient tout leur argent à leurs familles restées au pays, et sont sou­vent traités comme des esclaves. Ma boîte les con­sid­ère exacte­ment comme nous, mais cer­tains m’ont racon­té que quand ils bossent pour telle entre­prise anglaise, les man­agers leur tapent dessus. Lit­térale­ment. Via les feux, on est obser­va­teurs des évo­lu­tions de toute une région, c’est très intéres­sant. Et ça recon­necte à la réalité.”

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