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Crédit : Katja Ruge
16 juillet 2019

L’album du mois : Venq Tolep de Robag Wruhme

par Lolita Mang

À part les artistes qui ne sont pas signés sur Warp depuis 20 ans, Gabor Schablitzki est probablement le seul dont les titres semblent le plus souvent avoir été traduits d’une langue extraterrestre. Rien d’étonnant donc à ce que la pochette de son nouvel album Venq Tolep soit ornée d’une de ses photos de vacances, façon carte postale, revue et corrigée par le graphiste Simon Störk pour un résultat évoquant aussi bien le jeu vidéo d’exploration spatiale No Man’s Sky que le Golden Record embarqué en 1977 à bord des deux sondes Voyager. Alors que ces dernières se dirigent vers l’extrême frontière du système solaire et s’éloignent désormais de 500 millions de kilomètres par an, le titre développé par Hello Games propose un univers généré de manièreprocédurale et donc quasiment in ni, avec plus de 18 trillions de planètes à explorer. De quoi donner le vertige quand on y pense ! Aujourd’hui, la musique de Robag Wruhme procure au contraire une sensation immédiate de félicité, d’apaisement. Qui l’eût cru en 2004, quand celui qui s’est fait appeler Machiste était à l’avant-garde rêche et musclée de la vague minimale house avec le projet Wighnomy Brothers et l’album Wuzzelbud “KK” ?

De l’eau a coulé sous les ponts de Thora Vukk, sorti en 2011, et le natif d’Iena navigue à présent paisiblement entre house, ambient et IDM domestiquées. Même s’il est en chantier depuis quelques années, Venq Tolep (et ses morceaux dont la production force le respect) ne repose pas sur un concept bien cadré, mais s’apprécie plutôt comme une sélection pleine de spontanéité et de nostalgie, une cassette à mi-chemin pop diaphane et house délicate glissée dans l’autoradio par un copain au moment de prendre la route. Venq Tolep compile ainsi pêle-mêle un autoremix d’un titre sorti en 2015 (“Volta Copy (Ambient Version)”), une nouvelle version d’une chanson déjà retravaillée en 2003 (“Nata Alma” avec les Norvégiens Bugge Wesseltoft et Sidsel Endresen) et une relecture très personnelle de “Domino”, le classique d’Oxia datant de 2006 (“Bézique Atout”). Et cette petite voix qu’on entend dire “Pampa” de loin en loin. Est-ce un clin d’œil aux promos d’antan ou un hommage au patron du label, l’ami DJ Koze ? Au fil des écoutes, on se dit qu’on aimerait pourquoi pas changer l’ordre des morceaux, inversant par exemple “Advent” et “Westfal” en ouverture, voire prolonger certains d’entre eux pour savourer leurs sonorités intrigantes, comme sur “Komalh” ou “Ago Lades”. Par contre, interdiction de toucher à “Ende #2”, prolongement poignant de la conclusion du précédent album. Sur fond d’accords mélancoliques, on y entend simplement des proches de Gabor Schablitzki donner leur nom, dire où ils sont et compter jusqu’à trois dans leur langue. À chaque écoute, on se retrouve dans le même état que Cooper, le personnage de Matthew McConaughey dans Interstellar, submergé par un torrent d’émotions quand il découvre d’un seul coup 23 ans de messages envoyés par ses enfants. La musique, l’amour, l’amitié, voilà des langages universels qui transcendent l’espace et le temps.

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