Un cru dément. On se régale à citer quelques-uns des albums rattachés à la sphère électronique sortis en 1995, il y a tout juste 30 ans. Tricky Maxinquaye, Autechre Tri Repetae, Leftfield Leftism, Goldie Timeless, Björk Post, Aphex Twin I Care Because You Do, The Chemical Brothers Exit Planet Dust, St Germain Boulevard, Basic Channel BCD… Que des classiques. À peine croyable, mais tout à fait représentatif de l’effervescence tous azimuts qui règne à cette époque héroïque.
Comme si la planète entière se prenait de folie pour la house, la techno, le trip-hop ou la drum’n’bass. Bien sûr, New York, terre de naissance du disco, du rap et du garage, ne pouvait pas rester en retrait. Même si c’est évidemment le hip-hop qui fait vibrer en premier la ville ces années-là, les activistes électroniques s’agitent, tel le Français exilé dans la grosse pomme François Kevorkian. En 1995, son CV est déjà long comme le bras.
Directeur artistique du fameux label Prelude, DJ au Paradise Garage, responsable du mix du meilleur album de Depeche Mode – Violator – ou du Electric Café de Kraftwerk, remixeur très demandé (U2, Diana Ross, Jean-Michel Jarre…), l’Aveyronnais de naissance rajoute alors une nouvelle corde à son arc: fondateur de label. Sa première signature sur Wave Music est Rob Rives, alias Floppy Sounds, un ingénieur du son new-yorkais, à qui il a mis le pied à l’étrier en coproduisant avec lui des remixes pour Kraftwerk, Can ou Underworld.
‘Dès les premières secondes, les sens sont secoués dans un magma avant-gardiste, et on prend conscience de la palette sonore incroyablement variée et originale de l’Américain.’
Plutôt que de tourner autour du pot en sortant quelques maxis histoire de tâter le terrain, Rives débarque direct dans le circuit avec un long format, Downtime. On peut trouver cela prétentieux. Peut-être, mais c’est avant d’écouter cet album. Dès les premières secondes, les sens sont secoués dans un magma avant-gardiste, et on prend conscience de la palette sonore incroyablement variée et originale de l’Américain.
La passion du dub, c’est ce qui l’a réuni avec François K, et il infuse à haute dose les onze compositions, produites par ailleurs par le boss de la maison. Ce n’est pas un hasard si cet album se conclut par un morceau intitulé ‘Weird’, comme ‘étrange’. Le qualificatif colle parfaitement à ces plages à la fois sombres et atmosphériques, entre deep techno, ambient et trip-hop. Comme l’impression d’être perpétuellement dans un rêve à l’allure de very good trip, sans nul besoin d’avoir recours à des substances hallucinogènes.
‘Durexx’, le deuxième titre du disque, symbolise très bien cette sensation comateuse, secouée par des textures sonores partant dans toutes les directions. La machinerie électronique partage l’affiche avec des chanteuses, un guitariste, un saxophone et flûtiste, ce qui contribue à dresser un paysage organique et onirique dans lequel il est fort possible de se perdre dans ses recoins, telle Alice à la poursuite d’un certain lapin. Pas besoin de crier ‘au secours’ pour autant. Ouf.
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