Le monde selon Radiohead” : la philosophie du groupe d’Oxford décryptée en un documentaire

Qu’y a‑t-il dans la tête de Radio­head ? Entre les nom­breux doc­u­men­taires sur les Bri­tan­niques, Arte sol­licite les tal­ents du Français Ben­jamin Clav­el pour réalis­er un film en immer­sion au coeur de leur philoso­phie. En effet le réal­isa­teur n’a pas souhaité “faire un énième doc­u­men­taire musi­cal sur le groupe mais par­ler des thèmes pro­fonds et cru­elle­ment actuels qui inner­vent leur œuvre” et “mon­tr­er Radio­head sous un jour inédit et fidèle à leurs idéaux”. Dif­fusé le 1er novem­bre dernier, Le monde selon Radio­head décrypte les prob­lé­ma­tiques poli­tiques et exis­ten­tielles de Radio­head à par­tir d’im­ages d’archives et d’interviews de dif­férents spé­cial­istes. Témoignent entre autres Mac Ran­dall, leur biographe, le musi­co­logue Brad Osborn, le philosophe George A. Reisch, l’écrivain Fab­rice Col­in, le com­pos­i­teur et pio­nnier de la musique min­i­mal­iste Steve Reich.

Le doc­u­men­taire met en par­al­lèle des actu­al­ités avec la discogra­phie de Radio­head, qui, de Pablo Hon­ey (1993) à A Moon Shaped Pool (2016) a ven­du plus de 30 mil­lions d’al­bums dans le monde. Il ques­tionne sur les pres­sions sociales, la rela­tion entre l’homme et la machine, entre l’or­ganique et le mécanique. Révélé en 1993 par “Creep”, le groupe subit un suc­cès soudain et com­mence vite à mépris­er ce morceau, en par­ti­c­uli­er Thom Yorke. Les textes revê­tent alors de plus en plus des traits militantistes.

Alors qu’OK Com­put­er annonçait une cat­a­stro­phe tech­nologique et sociale, le groupe pour­suit dans la même veine avec ses albums suiv­ants. Les textes ont une dimen­sion techno­phobe, mais Radio­head met par­al­lèle­ment les machines au ser­vice de sa musique. Sur “Fit­ter Hap­pi­er”, une voix robo­t­ique donne des con­seils sur com­ment agir en société puis dévie com­plète­ment sur des théories apoc­a­lyp­tiques. C’est donc sans grande sur­prise qu’on retrou­ve “Exit Music (For A Film)” dans la série dystopique bri­tan­nique Black Mir­ror. Les bri­tan­niques par­lent par ailleurs de poli­tique : sur “No Sur­pris­es” Yorke chante “Bring down the gov­ern­ment / They don’t speak for us”. Ils abor­dent aus­si la ques­tion de l’in­dus­trie ali­men­taire mod­erne avec des lyrics poignants comme “A pig in a cage on antibi­otics”, mais aus­si celle du sys­tème économique. La mise en vente à prix libre de l’al­bum In Rain­bows est un réel moyen pour Radio­head de s’im­pos­er face aux règles du marché. Paroles comme actions mar­ket­ing sont pen­sées avec un recul et un engage­ment pro­pre au groupe.

Le groupe d’Ox­ford se veut à la fois pop­u­laire et expéri­men­tal, engagé et secret, mais sans égal depuis les années 1990”, comme pré­cisé dans la descrip­tion du film. Le monde selon Radio­head sera disponible sur le site d’Arte jusqu’au 6 jan­vi­er 2020 et la prochaine dif­fu­sion à la télévi­sion sur la chaîne franco-allemande aura lieu le 8 novem­bre à 22h45. À vos zapettes !

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