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La grande scène peut accueillir plus de 80 000 spectateurs
20 septembre 2018

L’électro victime de son succès à la Fête de l’Huma

par Nicolas Bresson

On a profité d’une météo en mode « été indien » pour faire un tour à la Fête de l’Humanité. Une véritable institution, bientôt nonagénaire, qui au-delà de son aspect politique et militant laisse une large place à la musique. Si les grands concerts de rock, rap et chanson se sont déroulés sans anicroches, la scène électronique nocturne s’est avérée beaucoup plus chaotique.

Ne perdons pas de vue que la Fête de l’Humanité reste avant tout un événement éminemment politique. Là où se réunissent toutes les sensibilités – ou presque – de la gauche française pour débattre, s’informer, se rencontrer ou préparer la « rentrée sociale ». C’est aussi une fête de soutien à un journal, L’Humanité, plus que jamais nécessaire en ces temps si difficiles pour la presse papier. Ce n’est pas un festival à proprement parler même si, bien sûr, une partie importante du public vient avant tout pour profiter des concerts, de l’ambiance, le tout pour un prix très modique – 26 euros en prévente militante pour trois jours, imbattable. Quand la nuit tombe, que les têtes d’affiche se produisent sur les grandes scènes, que de nombreux stands plus modestes proposent aussi leur programmation – du DJ le plus mainstream dans sa sélection au petit groupe le plus obscur – que des types se baladent avec leur tente sur le dos… Cela nous rappelle bien sûr des festivals géants et éclectiques, comme le Sziget de Budapest pour n’en citer qu’un. Il y a aussi de beaux moments de grâce sur la grande scène. NTM, après avoir interprété tous leurs classiques et très heureux de jouer « à domicile » sont rejoints par Fianso pour le nouveau titre « Sur le drapeau ». Celui du 9-3 évidemment, qui flotte dans les airs porté à bout de bras par des proches du rappeur du Blanc-Mesnil. Le morceau est entonné à deux reprises et filmé, sans doute pour un clip à venir. Les Toulousains Bigflo et Oli ont aussi immortalisé une scène qui a fait le tour des réseaux sociaux, demandant à leurs nombreux fans – le lieu  principal peut contenir plus de 80 000 personnes – de tous dégainer leur smartphones allumés en même temps. On a aussi été ému de retrouver Catherine Ringer, concluant sa prestation avec l’inoubliable « Marcia Baila », l’un des tubes les plus beaux et les plus étranges des années 80. Niveau rock nous étions aussi bien rassasiés, avec celui bien énervé des Français No One Is Innoncent – « La Peau » –  et celui plus pop et dansant des Britanniques Franz Ferdinand – « Take Me Out » et tant d’autres. On était enfin curieux de découvrir le nouvel espace Humacumba, qui devait nous permettre de passer la nuit sur place avec quelques pointures de l’électro. En théorie…

Techno, jeux de lumières et happy people… tout avait bien commencé à l’Humacumba

Une fois le concert de Franz Ferdinand terminé, on se dirige donc vers cette grande tente située à une extrémité de la Fête, près de l’une des sorties. « On a installé la scène nocturne làpour qu’il y ait le moins de nuisances sonores possible, nous explique à postériori Benjamin König du crew Pardonnez-Nous qui s’est occupé de la programmation de l’Humacumba. Il faut savoir que de nombreux militants, dont certains viennent de très loin et tiennent les stands toute la journée, dorment sur place. Il y a aussi des riverains. Du coup on ne peut pas faire de scène en plein air la nuit ». Pardonnez-Nous est l’un de ces collectifs parisiens ayant renouvelé la nuit parisienne des années 2010, en proposant des événements alternatifs sans véritables considérations mercantiles, surtout pour le plaisir de la musique et de la fête. Benjamin est aussi journaliste à l’Humanité dans la vie de tous les jours… La connexion s’est faite naturellement. La veille, le duo Acid Arab avait été convié et devait faire un set spécial dédié au regretté Rachid Taha. Mais – petits joueurs après le concert de NTM –  on avait préféré tout miser sur le samedi. Dans la queue pour accéder à notre Graal nocturne on nous rassure : « Vous avez bien fait de venir tôt car hier soir c’était le bordel. A partir d’un moment la sécurité a interdit aux gens d’accéder au chapiteau car il y avait trop de monde qui voulait venir. Ils ont coupé le son pendant plus d’une heure le temps que ça se calme ».  Ok. On est samedi, il y a plus de monde sur la Fête que la veille et la tête d’affiche est Manu le Malin.  Mais on a réussi à rentrer, c’est déjà ça. Les DJs de Pardonnez-Nous nous font plaisir en jouant un remix du « What Time Is Love » de KLF, puis leur set devient plus musclé en prévision de celui Manu. Il y a bien quelques coupures de la sono pendant deux minutes, mais on se dit que ça doit venir du groupe électrogène trop sollicité, un classique. Et puis, dix minutes avant l’arrivée du vétéran hardcore français, patatras : la musique est coupée. Définitivement, mais on ne le sait pas encore.

“You can stop the party, but you can’t stop the future”

On nous explique qu’il y a des mouvements de foule à l’entrée, que des gens sont blessés – on entend au loin des sirènes d’ambulances – et que la musique va revenir quand ça se sera calmé. Sur le dancefloor, l’ambiance reste sympathique, certains tapent du pied  pour imiter un kick techno. On se dit que ça va repartir. « On voulait remercier le public à l’intérieur de l’Humacumba qui a été adorable malgré les circonstances » nous précise Benjamin, qui s’avoue déçu de la tournure des événements. Finalement, la musique ne reprendra jamais ses droits. Au bout d’une heure un peu surréaliste durant laquelle on ne pouvait pas sortir, on nous demande finalement d’évacuer les lieux. « On avait déjà fait un Humacumba l’an dernier » poursuit Benjamin. « Mais on avait moins communiqué et on avait booké des artistes moins connus. Ca c’était bien passé. L’idée était de proposer un lieu où poursuivre la fête car les stands ferment vers une heure du matin. La Fête de l’Huma est le plus gros rassemblement d’Europe avec plus de 550 000 personnes sur trois jours. On avait prévu un espace pour 4000 mais cela s’est avéré insuffisant cette année. On est vraiment désolés, encore plus pour les gens qui avaient pris leur place spécialement pour notre soirée ou pour un des DJs programmés. La Fête et le journal reposent sur un équilibre financier très précaire. On a essayé de faire au mieux. C’est avant tout un événement militant, pas un festival avec de gros moyens ». L’équipe, en plein démontage, n’a pas encore d’idée précise concernant le futur de cette scène nocturne pour les prochaines éditions. Mais, dancefloor électronique ou pas, on reviendra avec plaisir à la Fête de l’Huma, véritable bulle de convivialité et de simplicité qui tranche singulièrement avec de nombreux autres événements parisiens.

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