© Geoffrey Hubbel

đŸŽȘ Les nouvelles couleurs du Peacock Society Festival : on vous raconte

par Jon Beige

Puisque le des­tin des organ­isa­teurs d’évĂšnements fes­tifs est cette annĂ©e soumis au bon vouloir des courbes san­i­taires, c’est en extĂ©rieur et en pleine journĂ©e que nous retrou­vons cette annĂ©e le Pea­cock Soci­ety Fes­ti­val, petit frĂšre Ă©lec­tron­ique du We Love Green. Adieu le bien-aimĂ© Parc Flo­ral, dont le fes­ti­val tire son nom puisque peu­plĂ© par les paons, (pea­cock en anglais), pour le plus Ă©loignĂ© mais non moins bucol­ique parc de Choisy — Val-de-Marne Ă  CrĂ©teil.

Sur l’in­ter­minable chemin qui mĂšne au fes­ti­val depuis le RER, on en entend qui rĂąlent un peu sur le prix des bil­lets. Ah!
 on ne refait pas les Français. Mais il faut dire qu’à prĂšs de cinquante euros la journĂ©e, se pay­er quelques heures de dĂ©fouloir au milieu des pail­lettes et des chemis­es Ă  fleurs n’est pas Ă  la portĂ©e de toutes les bours­es. « C’est cher la Pea­cock cette annĂ©e ! » Or, rĂąler sur le prix, c’est comme dire la Pea­cock, c’est sans fonde­ment. DĂ©jĂ  parce que c’est un fes­ti­val, et pas n’im­porte lequel, le plus gros fes­ti­val de musiques Ă©lec­tron­iques d’Île-de-France. Le parc est gigan­tesque, l’organisation impec­ca­ble, il y a mĂȘme des per­son­nes aimables qui dis­tribuent de l’eau depuis une sorte d’énorme sac Ă  dos qui ressem­ble Ă  un jet-pack. Tout cela, si on y ajoute une pro­gram­ma­tion mastodonte, a un prix. À titre de com­para­i­son, une journĂ©e au Dek­man­tel coĂ»te dans les 70€, de mĂ©moire, et pour 25€, on a presque l’im­pres­sion de ne pou­voir enrichir que les escrocs dans la rĂ©gion de nos jours
 C’est donc l’esprit lĂ©ger de toutes con­sid­éra­tions logis­tiques et le verre rapi­de­ment plein, rapi­de­ment vide, que nous dĂ©am­bulerons au milieu des arbres et des sourires deux jours durant. Les prĂ©cé­dentes Ă©di­tions noc­turnes – plus Ă©lec­triques, plus dĂ©chainĂ©es – ont lais­sĂ© place Ă  une atmo­sphĂšre rel­a­tive­ment plus pais­i­ble. Les cinq scĂšnes pos­sÚ­dent cha­cune une iden­titĂ©, la dĂ©co du site est sobre mais tra­vail­lĂ©e. MĂȘme les deux jours de fes­ti­val auront eu cha­cun leur singularitĂ©.

©Maxime Cher­mat

Le same­di, bien plus peu­plĂ©, tout paraĂźt trĂšs Ă©nergique. La scĂšne la plus pĂȘchue, la scĂšne Mir­ror – ce jour-lĂ  curatĂ©e par Nina Krav­iz et ter­rĂ©e au fond du parc – voit dĂšs 13h la jeune U.R Trax dĂ©rouler un set plein de maĂźtrise, autorouti­er de la meilleure des façons, tech­no et acid. La scĂšne Nomad, qui se situe juste der­riĂšre, est prob­a­ble­ment celle dont le set-up est le plus agrĂ©able, avec son bel arbre bien­veil­lant sur­plom­bant un dance­floor spa­cieux, le tout empli d’un sys­tĂšme son impec­ca­ble­ment rĂ©glĂ©. C’est ici qu’on retrou­ve TryphĂšme et son live IDM chan­tĂ©, Ă©mo breakĂ©, timide et solaire, envoû­tant et inquié­tant. C’est aus­si lĂ  – rien Ă  voir – qu’on retrou­vera plus tard l’hurluberlu et cli­vant Partiboi69, plus ou moins grimĂ© en Woody de Toy Sto­ry. Son per­son­nage devient de plus en plus Ă©ner­vant avec le temps, mais l’homme der­riĂšre le masque assure mal­grĂ© tout chaque set avec pro­fes­sion­nal­isme. Sa tech­nique assurĂ©e dĂ©note moins que le fun qu’il vĂ©hicule et ses moves Ă  la lim­ite du ridicule, mais c’est pour­tant elle qui lie le tout. RĂ©sul­tat, c’est la BĂ©rĂ©z­i­na. Avance rapi­de sans pass­er par la case Solo­mun qui, tel un bon attaquant a attirĂ© les dĂ©fenseurs par son appel en pro­fondeur, lais­sant des espaces. Nous, on retourne jusqu’à la scĂšne Mir­ror, clέturĂ©e par Blawan, presta­tion la plus aboutie de la journĂ©e, ce qui n’a Ă©videm­ment rien d’étonnant.

 

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L’a­grĂ©able scĂšne Chaman © Geof­frey Hubbel

Le lende­main, mal­grĂ© les deux heures de tra­jet (pas une bonne idĂ©e d’essayer de sor­tir de Paris en Jump
), la journĂ©e dĂ©bute idĂ©ale­ment sur la scĂšne Woody squat­tĂ©e par Under­scope, oĂč Slowglide ter­mine son live men­tal et lĂ©chĂ© qui flat­te les bass­es du High-Bass Soundsys­tem, un peu moins les aigus. Et si le dance­floor sem­ble vide, ce n’est que la faute du soleil. Tout le monde applau­dit Ă  l’ombre des arbres. On apprend un peu plus tard que Ricar­do Vil­lalo­bos a annulĂ© son set sur la scĂšne Solar, parce qu’il se serait pris un verre dans la gueule la veille. L’histoire ne pré­cise pas Ă  l’initiative de qui. Peut-ĂȘtre est-il temps d’arrĂȘter de book­er ce genre d’artistes fainĂ©ants, exigeants et hors-de-prix ? Parce que der­riĂšre, ça se bous­cule au por­tillon. Sur la scĂšne Woody par exem­ple, les cinq mem­bres de Para­doxe Club se dis­putent les platines avec furie, enchaß­nant les morceaux du futur et les edits de tracks du passĂ© Ă  grande vitesse. VoilĂ  une vision plaisante et opti­miste de l’avenir, fun et pointue. Retour sur la scĂšne Nomad, qui con­serve son titre de la veille. The Blessed Madon­na con­va­inc, enchaĂźne avec aisance les morceaux Hi-NRG avec des titres plus breakĂ©s, ça sent la sueur, et il est bon de retrou­ver un pub­lic qui saute Ă  l’unisson. Sur la grande scĂšne, les artistes invitĂ©s par Vil­lalo­bos se parta­gent la charogne du trou bĂ©ant lais­sĂ© par son slot de trois heures.

Direc­tion ensuite la scĂšne Chaman, dont la dĂ©co est la plus aboutie. Son intim­itĂ© en fait la scĂšne la plus agrĂ©able, avec sa douce colline qui sur­plombe le dance­floor, le cachant un peu, et un cours d’eau qui com­plĂšte le dĂ©cor en arriĂšre-plan. Les mem­bres de Good Sis­ters, certes ini­tiale­ment prĂ©vus sur la scĂšne Woody, prof­i­tent finale­ment d’un cadre bien plus enchanteur. Et d’enchantements il est bien ques­tion avec Piu Piu et son set d’une classe folle, alors que nous nous abri­tons sous les arbres lors des quelques goutes de pluie. Andy 4000 prend la suite, les esprits s’échauffent, les corps se dĂ©mem­brent, entre baile funk, trap, et sam­ples de Drag­on Ball Z. Sur la scĂšne Mir­ror en revanche, c’est la foire, la machine Ă  laver le cerveau. Les trublions de Casu­al Gab­berz nous empor­tent dans une dĂ©fla­gra­tion de BPM, le tout avec une pré­ci­sion cer­taine et inat­ten­due pour ce style vul­gaire­ment gĂ©nial. C’est d’une sim­plic­itĂ© insolante, c’est grisant, mais comme Matthew McConaugh­ey sur cette hor­ri­ble planĂšte dans Inter­stel­lar, une heure passĂ©e ici coĂ»te sept annĂ©es sur Terre, alors on ne s’éternise pas. Pour la fin, c’est retour au bercail sur la scĂšne Woody, dev­enue une sec­onde mai­son pour la journĂ©e. Flo­re rĂ©gale comme Ă  son habi­tude, enchaß­nant les sor­ties futures et passĂ©es de son label POLAAR, saupoudrĂ©s d’autres sucres rapi­des. Ce sont GREG et King Doudou qui clέturent pour les derniers vail­lants. Tout com­mence calme­ment, sur des rid­dims lan­goureux, et se finit dans l’allĂ©gresse. On ren­tre fatiguĂ© mais heureux d’avoir retrou­vĂ© ce que le Covid nous avait enlevĂ© pen­dant un an et demi, une Ă©ternitĂ©.

La scÚne Woody et son mag­nifique sound sys­tem / © Geof­frey Hubbel

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