Bagarre © Léa Esposito @ultraviolenceprod

Live report : Avec Le Temps, un festival pour tomber amoureux de Marseille

Pen­dant qua­tre jours, on a pu décou­vrir Mar­seille à tra­vers les jumelles du fes­ti­val Avec Le Temps, se déroulant du 2 au 21 mars dernier. Et entre con­certs bouil­lants, pogos ren­ver­sants et prom­e­nades sonores, si nos oreilles ont adoré, pas sûr que nos gam­bettes s’en soient déjà remis­es : Mar­seille, ça grimpe. On vous raconte.

Grand soleil, air marin et chaleur inédite à la sor­tie de l’hiv­er : tiens, on dirait le Sud. En arrivant à Mar­seille, on est bien con­tent d’avoir boy­cotté nos gros pulls. Et en ces temps de grève inter-professionnelle, on est égale­ment ravi d’être arrivé à bon port. On ne voulait pas louper notre embar­que­ment pour la Cap­i­tale Européenne de la Cul­ture. Dix ans après son sacre, Mar­seille nous a accueil­lis les bras ouverts pour quelques jours avec le fes­ti­val Avec Le Temps. Mem­bre de la grande pieu­vre que con­stitue la coopéra­tive Grand Bon­heur, l’événe­ment se déroule chaque année sur quelques semaines dans dif­férents lieux de Mas­sil­ia. Et on a eu la chance d’as­sis­ter à son édi­tion 2023. L’or­gan­i­sa­tion qui espère voir couler le fes­ti­val dans les veilles de son ter­ri­toire y met à l’hon­neur la fran­coph­o­nie dans son entièreté : on a eu le droit à la venue de pas mal d’artistes québécois.

Mais pour l’in­stant, on reste dans la chaleur méditer­ranéenne avec le con­cert de Johan Papa­con­stan­ti­no. Avec la venue du Corso-Marseillais dans la salle nationale du Zef, une des seules dates du fes­ti­val en périphérie du centre-ville, on ne s’at­tendait pas à avoir mal aux mains à la sor­tie… Les poignets ont ondulé et nos paumes se sont frap­pées au rythme du tem­po brûlant du chanteur. Pour inau­gur­er son nou­v­el album, Johan Papa­con­stan­ti­no s’est offert un con­cert ‑à guichets fermés- certes dans un théâtre, mais les strapon­tins sont restés vides : on s’est tous amassés devant lui pour gig­ot­er sur son RnB aux accents grecs, où les per­cus­sions envahissent l’air, tam­bours et chimes en tête de liste, et bouzou­ki dans les mains. Un cock­tail torride.

Festival Avec le temps Johan Papaconstantino

Johan Papa­con­stan­ti­no © Léa Espos­i­to @ultraviolenceprod

 

Marseille, terre d’accueil musicale

Et en par­lant de fer­veur du Sud, pen­dant le fes­ti­val on a déam­bulé dans les rues du Panier au rythme des anec­dotes d’Hadrien Bels ‑écrivain, vidéaste et réal­isa­teur, pro­duit du cru- et de ses invités. Un pod­cast itinérant sur les places, les impass­es et les rappeurs qui ont fait ce quarti­er mar­seil­lais, berceau de la Fonky Fam­i­ly. La prom­e­nade sonore nous a per­dus dans le dédale de ruelles qui a abrité pour un temps Le Rat Luciano, Akhen­aton et d’autres grands noms mar­seil­lais. On a mis notre sens de l’ori­en­ta­tion à rude épreuve et on s’est un peu égaré… Mais c’est comme ça qu’on se trou­ve, non ?

À deux pas de là, on a fait un pas­sage express au Coco Vel­ten pour le show de Mayfly. Le duo de Mon­tréalais­es y a délivré son indie/electro pop sen­si­ble et ten­dre, devant un pub­lic con­quis. Mais on a rapi­de­ment filé grig­not­er, avant de rejoin­dre l’E­space Julien. Mal­heureuse­ment, nos jambes ont eu rai­son de nous ‑c’est pen­tu; Mar­seille !- et on a réus­si à louper Since Charles…

 

 

 

 

 

Pour­tant, on est arrivé juste à temps pour le con­cert de Nar­cisse et celui d’Adé. L’an­nu­la­tion de Fish­bach n’a pas démo­tivé les Mar­seil­lais à écouter la pop coun­try de l’ex-Thérapie Taxi, puis à décou­vrir le show de Nar­cisse où texte, sax­o­phone et per­for­mance scénique s’assem­blent dans une nou­velle var­iété fran­coph­o­ne. Pour l’after de la soirée, on a retrou­vé la DJ mar­seil­laise Crams et la Québe­coise Marie-Gold. Avec son album-concept Bien­v­enue à Baveuse City, la rappeuse et ingénieure en physique dévoile un univers immer­sif sur un découpage de prod’ aux lourds accents d’outre-Atlantique. Quand on vous dis­ait que le Québec s’é­tait emparé de Marseille.

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Marie-Gold © Emma Grandjean

 

Au Make­da, on a pu décou­vrir Les Louanges. En live, le pro­jet pop-jazzy du Québé­cois Vin­cent Roberge s’ou­vre à une porte assez rock, où sax­o­phone et flûte tra­ver­sière s’in­vi­tent volon­tiers au milieu de ses textes intro­spec­tifs et de ses mélodies sen­ti­men­tales. Mais à la fin de son con­cert, on s’est échap­pé à toute vitesse pour par­courir les quelques esplanades con­viviales qui nous séparaient de l’E­space Julien : on ne voulait pas louper Luu­fa. Le co-lauréat du BPM Con­test 2021 s’est offert un pub­lic de choix : juste avant Bagarre, la foule était déjà sur­voltée, grâce à ses machines loufo­ques et à son électro-pop décalée : hybri­da­tion sonore de son esprit indie et de son côté punk.

 

Festival Avec le temps Les Louanges

Les Louanges © Léa Espos­i­to @ultraviolenceprod

 

L’embrasement de l’Espace Julien

Alors qu’on était en plein milieu du pub­lic, impa­tient de sauter au rythme des cinq belliqueux, une force intariss­able s’est propagée. Les chants reven­di­ca­teurs con­tre la réforme des retraites se sont répan­dus dans la salle. Puis Bagarre est arrivé et a enchaîné les titres tou­jours plus fous, plus dansants, hyp­no­tiques et addic­tifs. On a sauté, dan­sé, porté les artistes… Et on s’est écarté lorsque cer­tains des mem­bres sont descen­dus dans la foule, pour éten­dre leur magie sonore et leur ryth­mique com­pul­sive au milieu de corps moites et de nuques humides.

Bagarre marseille

© Emma Grandjean

Le groupe parisien avait égale­ment quelques opin­ions à défendre. En chœur et à tue-tête, la salle mar­seil­laise s’est emparée d’un vent de révolte où l’hymne de Béruri­er Noir (“La jeunesse emmerde le Front Nation­al”) a été large­ment crié. Et où ‑prémices du bor­del qui allait arriver- “La retraite” des Vul­ves Assas­sines a été enton­né. Juste­ment, au moment où le sang de nos pieds ne cir­cu­lait plus et que notre voix com­mençait à se faire la malle, Bagarre a lais­sé la scène aux Vul­ves Assas­sines et leur tuerie punk, ode au com­mu­nisme et guéril­la fémi­nine dans les textes… Elles sont venues avec une énergie incon­trôlable. Pogos “pro­lé­taires con­tre bour­geoisie” ou slam géant en mode grand tour de l’E­space Julien : le trio nous a fait tran­spir­er. Et le moment atten­du est arrivé : Bagarre a débar­qué pour inter­préter le tube des Vul­ves Assas­sines avec elles : ensem­ble, les deux groupes ont invité le pub­lic à mon­ter sur scène sur “La retraite”. Un instant de com­mu­nion social et musi­cal qu’on n’est pas près d’oublier.

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Les Vul­ves Assas­sines © Emma Grandjean

Est-ce qu’il existe vrai­ment un meilleur moyen de finir ce fes­ti­val ? Dans “Avec le temps”, Léo Fer­ré avait tort : on oublie peut-être les vis­ages, mais pas les voix et sûre­ment pas ce moment atem­porel. Pen­dant quelques jours, on a (re)découvert un fes­ti­val qui brûle la trans­mis­sion et le partage. Et qui met en avant une manière dif­férente de vivre un tel événe­ment : des con­certs à taille humaine dans plusieurs lieux, pour s’en­racin­er dans Mar­seille tout en prof­i­tant de la beauté de la ville. Soyez-en sûr, on sait déjà où aller en vacances cet été. Et aus­si quel fes­ti­val ne pas louper l’an­née prochaine.

 

Meilleur moment : évidem­ment, quand Bagarre a rejoint Les Vul­ves Assas­sines sur scène pour “La retraite” : com­ment dire que c’é­tait bien d’ac­tu­al­ité ‑et fou.

Pire moment : quand on a décou­vert nos pho­tos du fes­ti­val loupées à l’ar­gen­tique… Ça nous appren­dra à ne pas met­tre le flash.

 

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