Mac Declos - © Marion Sammarcelli

Live report : Dream Nation 2023, l’union fait la force

Pour ses dix ans, le fes­ti­val s’ac­ca­parait le parc des expo­si­tions Paris Nord pour célébr­er les musiques élec­tron­iques les plus hard, dans un moment de com­mu­nion excep­tion­nel. On y était, on vous raconte.

Les usagers du RER B vont s’en sou­venir. Same­di, 22 heures, Gare du Nord. Les t‑shirts grif­fés “I love dub­step”, les panoplies flammes et les cas­quettes Ram­page, une bière à la main, s’engouffrent dans le train, sous les yeux quelque peu désta­bil­isés des habitués de la ligne à cette heure-ci. Soudain ça déraille, un groupe d’impatients allume une enceinte, qui se met à cracher de la dub­step dans toute la rame. À peine arrivés, les fes­ti­va­liers se brisent déjà la nuque en rythme. Prochain arrêt : Parc des expo­si­tions. Terre d’accueil, pour deux nuits, de la grand-messe des musiques électroniques.

Comme son nom l’indique, le fes­ti­val Dream Nation prend le par­ti de plonger son pub­lic en plein rêve. Mais ne vous méprenez pas, on n’y dort pas. On y danse plutôt ‑et pas qu’un peu. Car depuis dix ans main­tenant, le fes­ti­val entend célébr­er les gen­res les plus hard des musiques élec­tron­iques. Sur deux soirées, on a pu voguer entre tech­no, hard tech­no, tekno, core, dub, dub­step, drum n bass, trance, psy­trance et un takeover sur­volté du col­lec­tif le plus y2k de Paris, La Darude. Spoil­er alert : c’était fou. Dif­fi­cile donc de s’en échap­per same­di. Pour autant, ce beau mélange aura eu pour vic­toire de ravir tous les univers. 

 

union

© Mar­i­on Sammarcelli

 

Entre les trois scènes répar­ties sur le parc des expo­si­tions de Villepinte, et les bars instal­lés à prox­im­ité, quelques stands sous des tentes pro­po­saient des pro­duits dérivés : des bobs bien kitsch comme on les aime, ou encore des t‑shirts et pulls à l’effigie des artistes au line-up. Des hamacs ont été instal­lés, his­toire de faire une petite sieste stratégique et assur­er toute la nuit. Mais dif­fi­cile pour­tant d’isoler ses oreilles du gron­de­ment des kicks, ou ses yeux des nom­breuses lights illu­mi­nant la ver­dure, aux qua­tre coins du parc. Et pour couron­ner le tout, on a même eu droit à deux attrac­tions, dont un manège à sen­sa­tions fortes, instal­lé à quelques mètres des stages. Enfin ça, c’était sur le papi­er. Par­lons très briève­ment des auto-tamponneuses, pour­tant indiquées sur le plan, mais introu­vables sur place — pas faute d’avoir cher­ché dans tout le parc. Et au moment de se met­tre dans la file pour le grand manège — qui nous fai­sait de l’œil depuis notre arrivée — on a rapi­de­ment été refroi­di par le prix de la place (dix balles quand même). Mais qu’importe, à Dream Nation, on n’a pas eu besoin de grands huit pour se retourn­er le cerveau. 

———-

———-

Au bout de ces deux longues soirées, cli­vages élec­tron­iques et dis­cours de chapelle ont été défini­tive­ment brisés, pour unir le pub­lic autour d’un seul et même genre. Jusqu’au bout de la nuit. Union devant et der­rière les platines qui a com­mencé de la meilleure des façons ven­dre­di, avec une scène tech­no incen­di­aire, accélérée très tôt par Mac Dec­los, qui embraye après Prauze sur une tech­no bien groovy. Alors que l’espace com­mence peu à peu à se rem­plir devant la scène, il met tout le monde d’accord avec son clas­sique “I wan­na see u move” — qu’il dis­tribue une pre­mière fois, puis en clos­ing, et hyp­no­tise l’auditoire avec des sons comme “Pump up the jam”, revis­ités en bombes rave. Héc­tor Oaks monte le son un cran au plus fort, et envoie les fes­ti­va­liers dans un autre univers, échangeant les vinyles avec des kicks boost­és. Ellen Allien com­plète le tableau avec un set enflam­mé et des beats métalliques, qui réson­nent jusque sur la scène hard. 

 

union

Héc­tor Oaks — © Mar­i­on Sammarcelli

 

Sueur et VJing

Ici, les fron­tières de la musique élec­tron­ique ont été ban­nies. Et on assiste à une belle com­mu­nion autour des gen­res les plus hard et de leurs publics. La preuve sur la troisième scène — située en plein milieu du fest’ -, noy­au dur de toutes les sonorités psy­trance et hard tech­no, avec leur lot de sons ultra sat­urés. Bon, le mélange se fait par­fois un peu trop enten­dre quand, sur la scène hard, on avait par­fois un peu de mal à bien enten­dre sans avoir les échos des deux autres scènes, situées de part et d’autre. La fer­veur entre artistes et pub­lic ne s’est pas non plus arrêtée aux abor­ds de l’espace hybride : une foule déchaînée et hyper récep­tive a répon­du présent aux envolées sale­ment bru­tales des cinq de Bagarre, assé­nant leurs clas­siques dont “Kabyli­fornie” — suivi sans atten­dre d’un “1, 2, 3, viva l’Algérie” — ou repas­sant “Pur­suit of Hap­pi­ness”, reçu par le pub­lic comme un hymne éter­nel. L’union par la sueur, et à gross­es gouttes de préférence. 

 

union

Con­tre­façon — © Mar­i­on Sammarcelli

 

À peine le temps de s’essuyer, que Con­tre­façon est venu brûler à nou­veau un pub­lic tou­jours aus­si récep­tif. Prof­i­tons de ce moment pour le dire haut et fort : la scéno­gra­phie nous a lit­térale­ment assom­més — les stro­bo­scopes en rafale piquaient nos yeux sur la scène dub, en fin de nuit. Il faut le dire, les références du VJing FEMUR, Rab­bit Killerz et The Hybrid Project n’ont pas fait les choses à moitié. Et tout par­ti­c­ulière­ment pour la presta­tion de Con­tre­façon, à grands coups de memes d’Internet et d’images de man­i­fs, style bar­ri­cades en feu. Ça fait du bien de pou­voir foutre la merde avec vous”, con­clut l’un des qua­tre mem­bres du groupe, aux influ­ences punk-rock, avant d’enchaîner sur le “Killing in the Name” de RATM, et de pass­er le remix de “Heads Will Roll” par Nia Archives. Les lights et la scéno­gra­phie de fou furieux nous ont tout aus­si régalés sur la scène dub, mêlées à une drum n bass qui découpe, aidée par des subs à rallonge.

 

Rapi­de — mais impor­tante — par­en­thèse ves­ti­men­taire. Car ici tout brille, des guir­lan­des autour du cou, aux ensem­bles à pail­lettes sur lesquels rebondis­sent les lumières des scènes… en pas­sant par les néons sur les robes des cir­cassiens tra­ver­sant le fes­ti­val sur des échas­s­es ! Sur le stand de la cus­tomerie, sorte de mini-brocante funky, on pou­vait même trou­ver pas mal de vête­ments et acces­soires pour briller en société (voir ci-dessous). L’union par le style, défini­tive­ment. Et com­ment par­ler style sans évo­quer La Darude, qui s’est emparé de l’une des scènes du same­di soir. Disons-le sans aucune retenue sur les hyper­boles : la presta­tion était i‑mmen-se. Entre le show de Die Klar, venu aspir­er notre âme, et les remix­es de Manu Chao et Katy Per­ry (si si) par Ear­gasm god — mail­lot du Real sur le dos -, qu’il trans­forme, dans une euphorie générale, en rave tech­no, on a été servis. Notons enfin le B2B légendaire Von Bikräv et Paul Seul, qui ont atom­isé la foule sur des vibes trance et hard core. 

 

union

© Mar­i­on Sammarcelli

 

Pire moment : déjà quand on a com­pris qu’il n’y aurait pas d’auto-tamponneuses — grosse baisse de moral. Puis quand on a voulu se rabat­tre sur le manège à sen­sa­tions fortes, jusqu’à ce qu’on se refroidisse après les dix euros demandés pour y entrer

Meilleur moment : la pres­ta’ du col­lec­tif La Darude, évidem­ment. Une pure folie

 

 

Mar­i­on Sam­mar­cel­li et Théo Lilin