© Vicky Pozzobon

Live report : et Jeff Mills redonna tout son panache à ce chef-d’oeuvre d’anticipation

Rares sont les oppor­tu­nités où vous pour­rez voir le film Metrop­o­lis de Fritz Lang dans sa ver­sion orig­i­nale. Encore moins avec la bande-son de Jeff Mills jouée en live pour l’ac­com­pa­g­n­er. C’est l’op­por­tu­nité que La Bourse de Com­merce a offerte aux plus réac­t­ifs : retour sur la pro­jec­tion unique ‘Jeff Mills METROPOLIS cin­e­mix’, pour une soirée mémorable.

Instal­lé dans l’auditorium de la Bourse du Com­merce, le pub­lic a du mal à con­tenir son impa­tience. Et après une prise de parole pour présen­ter la pro­jec­tion, les lumières s’éteignent. Arrivé sans un bruit, Jeff Mills s’installe dans l’obscurité à gauche de l’écran. Et der­rière ses platines, il envoie la pre­mière note au rythme des images. Le mot “Metrop­o­lis” appa­raît à l’écran et les spec­ta­teurs sont plongés dans une totale immer­sion. C’est par­ti pour 2h55 de pro­jec­tion d’un chef‑d’œuvre muet en noir et blanc, accom­pa­g­né par la troisième inter­pré­ta­tion de l’un des pio­nniers de la tech­no aux États-Unis : Sir Jeff Mills. Si la longueur du film et le rythme des séquences peu­vent effray­er au pre­mier abord, en moins de dix min­utes, on est évidem­ment cap­tivés par les images et la musique. Avec les sonorités som­bres, mod­ernes et intens­es du natif de Détroit, les émo­tions des per­son­nages touchent. Rap­pelons que ce film a presque cent ans désor­mais puisqu’il est sor­ti en 1927, et que cette dystopie est une œuvre prophé­tique ‑au même titre que peut l’être 1984 de George Orwell. Le réc­it prend place en 2026. Metrop­o­lis est une méga­lo­pole futur­iste, struc­turée ain­si : une ville basse où vivent et tra­vail­lent des ouvri­ers, pour assur­er le bon­heur des habi­tants de la ville haute. Quand l’élite mène une vie déca­dente, la classe pop­u­laire en subit les con­séquences. Un jour, une femme-robot mène les ouvri­ers vers la révolte. Pour Jeff Mills, “il ne s’ag­it pas seule­ment d’un film, mais plutôt de leçons sur l’e­sprit humain qui devraient être rap­pelées à cha­cun d’en­tre nous.” 

 

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Pour cette nou­velle trame sonore, le com­pos­i­teur améri­cain nous emmène avec lui, au cœur-même de cette ville machin­iste. Avec des sonorités numériques, dignes d’automates-androïdes, ce film de 1927 prend une dimen­sion mod­erne. Comme si la bande orig­i­nale élec­tron­ique sym­phonique” voulue par Jeff Mills don­nait un air plus futur­iste à l’œuvre de Fritz Lang. À la fin du prélude, le rythme s’ac­célère et la pres­sion des per­son­nages est retran­scrite par les bass­es. L’at­mo­sphère de l’au­di­to­ri­um change, les per­son­nes encore dis­traites par leurs télé­phones (eh oui!) sont à leur tour immergées. Cer­tains sem­blent y avoir été moins sen­si­bles, puisqu’ils ont quit­té la pro­jec­tion avant la fin de la pre­mière par­tie. Désor­mais, il n’y a plus que les images qui défi­lent et les sonorités qui hap­pent. Une osmose se forme entre les spec­ta­teurs, Jeff Mills et le film… Créant le sen­ti­ment d’être comme coupés du temps, une impres­sion con­tin­ue jusqu’à la fin de la pro­jec­tion. “Je suis un grand cinéphile, mais je n’avais jamais vu Metrop­o­lis aupar­a­vant. La musique de Jeff Mills a vrai­ment aidé à me plonger dans l’u­nivers du film, et j’ai été com­plète­ment cap­tivé de bout en bout.” — Thomas, 32 ans.

Le générique défile sous les applaud­isse­ments théâ­traux du pub­lic. Après quelques min­utes, Jeff Mills se décide à saluer l’au­di­to­ri­um et le quitte en silence. Pour bon nom­bre de spec­ta­teurs, cette presta­tion a été “envoutante”. Portée par les images et le son, cette soirée était “une oppor­tu­nité à ne pas rater, une expéri­ence unique, on n’a pas vu le temps pass­er” d’après Alex, spec­ta­teur qui con­nais­sait déjà le film.

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