© David Kawika

Live report : Festival Yeah!, un anniversaire (très) réussi !

Du 2 au 4 juin 2023, on s’est ren­du au Fes­ti­val Yeah pour célébr­er dix ans de fête ‑vraiment- pas comme les autres. On vous raconte ! 

Par­en­thèse enchan­tée dans ce monde de brutes, le Fes­ti­val Yeah! a souf­flé ses dix bou­gies en grande pompe mais sans renier l’e­sprit orig­inel de cet événe­ment chaque année tant atten­du, plan­té dans le somptueux décor de Lour­marin dans le Luberon. Son château du 15e siè­cle, qui sur­plombe le vil­lage, est l’épicentre de trois jours de folie où tous nos sens sont mis en éveil. Chaque minute comme chaque son comptent. Alors qu’il avait majestueuse­ment ouvert le fes­ti­val l’an passé sur la scène de la Vieille Ferme, Gas­par Claus avait à l’époque pro­posé aux pro­gram­ma­teurs – alors qu’il était dans un cer­tain état d’ébriété — d’animer les inter-plateaux. Il a été pris au mot et c’est en mode selec­tor qu’il a eu la charge de qua­tre DJ-sets éclec­tiques entre les con­certs, s’excusant régulière­ment au micro d’être un vio­lon­cel­liste et non un DJ. Ce qui ne l’a pas empêché de faire se déhanch­er les pre­miers rangs à coups de grands écarts allant de “Boom­bas­tic” (Shag­gy) à “La Bam­ba” en pas­sant par “Telle­ment Je T’aime” (Faudel) et l’hymne “Meet Her at the Lovepa­rade” (Da Hool). Ça passe ou ça casse. Il fini­ra même debout sur sa chaise, joyeux luron bras en l’air, à haranguer la foule. “Je n’avais jamais fait ça de ma vie, je n’en menais pas large, mais c’était telle­ment drôle. Je voulais met­tre des choses de mau­vais goût surtout, des pon­cifs recon­naiss­ables par tous dès la pre­mière sec­onde”, nous a‑t-il confié.

 

(Re)lire le live report de 2022 : 3 ans plus tard, le festival Yeah! revivait au rythme de la chaleur et du bon son

 

Dans le ciel, la lune presque pleine fait sa belle, éner­gise les âmes et envoûte les cœurs. L’Orchestre Tout Puis­sant Mar­cel Duchamp fait mon­ter la sauce. Col­lec­tif pro­téi­forme et bucol­ique d’une douzaine d’âmes, mélange entre Arcade Fire et Fleet Fox­es à la sauce fran­chouil­larde. Folk à souhait et loin d’être déplaisant. Col­lec­tif écos­sais d’Edimbourg qu’on croirait tout droit sor­ti d’un loft-atelier de Brook­lyn, Young Fathers élec­trise la cour du château avec son hip hop mât­iné de pop et d’électro. Génial pour les uns — comme Nico­las Gali­na, l’un des deux pro­gram­ma­teurs -, foutraque et plom­bant pour les autres, qui préfèreront se press­er au stand “Anti-Yeah!” savour­er un rougail-saucisses pré­ten­du­ment le meilleur du monde, aux dires de deux fes­ti­val­ières plus que con­va­in­cues. De toute façon, pour Lau­rent Gar­nier, le plus impor­tant dans un fes­ti­val c’est la bouffe.

French 79 clôt cette pre­mière soirée avec son elec­tro solaire, qui plait à la jeune généra­tion con­quise au pre­mier rang, comme aux plus anciens. “Il est meilleur que Vital­ic” nous assure, accom­pa­g­né d’une tape dans le dos, un jeune quar­an­te­naire con­va­in­cu par le son du Mar­seil­lais qui trou­ve que Vital­ic, juste­ment, c’était mieux avant. On a le droit de ne pas être d’accord. La fin du set est effi­cace, pas­sant des machines aux per­cus­sions avec un cer­tain allant et sens de la fusion.

 

Festival Yeah!

French 79 © David Kawika

 

Samedi : full moon et mille-feuilles

Jacques — David Kawika

On nous avait prévenu : atten­tion les places sont lim­itées ! A 16h le same­di, un an après le très mar­quant con­cert de Mendel­son, on se rue à l’auditoriumde la Fruitière Numérique pour une expéri­ence sonore aus­si orig­i­nale que jouis­sive avec le trublion Jacques. Pen­dant que la salle se rem­plit très lente­ment, le chevelu fausse­ment dégar­ni entame la con­ver­sa­tion avec le pub­lic depuis la cab­ine régie, tout en bidouil­lant des sons sur Abble­ton live, pro­jeté en grand sur le mur de la scène. Où sont par ailleurs entre­posés sur une table des objets divers et var­iés allant du nounours Dura­cel à un mixeur en pas­sant par une pomme de pin. Après 20 min­utes d’échange et la salle ‑enfin- rem­plie, Jacques déboule sur scène, la tchache facile, présente son pro­jet “Vidéo­chose”, un film sonore de 14 min­utes, mêlant cour­tes vidéos de sons d’oiseaux, de nature, bruits de chantiers, etc. Nous serons les cobayes d’un mille-feuilles aus­si déroutant que cap­ti­vant, qu’il a prévu de ral­longer au fil des 15 jours de sa rési­dence à Lour­marin. Avant une tournée française et une date déjà prévue à la Gaité Lyrique à Paris le 11 jan­vi­er 2024.

 

Le reste du vil­lage est en ébul­li­tion, les bass­es vibrent dans tous les coins. Un joyeux bor­del rem­pli de sourires ! Au boulo­drome, les boules de pétanque swinguent au rythme des pépites endi­a­blées disco-funk-world de la célèbre Radio Meuh. Alors que, dans les ruelles pié­tonnes du cen­tre, la car­a­vane “La Dis­counette” envoie du gros son et du rythme africain, les corps sont en transe. Voy­age, voyage.

 

Dis­counette © David Kawika

 

C’est un peu rincé que le pub­lic déboule au château pour la deux­ième soirée du fes­ti­val. Nor Bel­graad assure avec quelques morceaux tri­pant qui résonne encore dans nos caboches. L’excentrique Belge Jan Ver­straeten reprend le flam­beau et déroule une pop de lover, habil­lé en lapin bleu quand le reste du groupe — bassiste, bat­teur, deux vio­lons et un vio­lon­celle — est drapé de rose. A la fin du set, un ours blanc géant déboule sur scène. L’humour belge a encore frap­pé. Rafraîchissant !

 

Dimanche : rave au château

© David Kawika

Dimanche, dernière ligne droite à fond les bal­lons. Et dans la famille Gar­nier, on demande le fils. Un an après avoir partagé les platines avec son pape de père, Arthur Gar­nier (19 ans) a envoyé pen­dant une heure (14h-15h) un set puis­sant et d’une belle matu­rité au Hangar Yeah! — la plus petite boîte de nuit de jour — à l’heure du café et avant les pre­mières pintes. Une paroi vit­rée donne sur la grande salle dédiée au Roller Dis­co. Les plus jeunes enquil­lent les tours en rythme et avec frénésie. Direc­tion le ten­nis club, 300 m plus loin, où deux mem­bres du col­lec­tif parisien La Mamie’s dis­tille à la cool leurs habituelles pépites house-disco-funky, quand des familles font vol­er des fris­bees. Le set décolle vrai­ment au bout d’1h30 avec l’inusable “Heart of glass” de Blondie en ver­sion remixé.

À 18h, on attend tou­jours que le line up de la “Sun­day Secret Birth­day Par­ty” soit dévoilé, entière­ment con­coc­tée par “Lolo” Gar­nier him­self. On trépigne. Les rumeurs fusent dans tous les sens en même temps qu’un gros orage éclate. La pluie ne freine pas les ardeurs des “fes­ti­va­lyeah”, qui se pressent au château. Le stand fripes — k‑way est déval­isé en moins de deux. Si aucune annonce n’est tou­jours faite quant au line up, en lais­sant traîn­er les oreilles du côté des bénév­oles on apprend que la soirée sera ani­mée par les amis de la mai­son le cou­ple Lim­i­nanas, The Blessed Madon­na et Carl Cox ! Du très lourd ! À cause de la pluie fine, l’apéro s’éternise, notam­ment aux Caves du château en con­tre­bas, où les ton­nelles dépliées en urgence sont les bien­v­enues et où le rosé et les p’tits blancs coulent à flot. Phil de Radio Meuh se charge d’un bon warm up dans la cour, avant que Gar­nier et les deux acolytes du Yeah, Arthur et Nico­las Gali­na, annon­cent au micro l’annulation des Lim­i­nanas, lesquels seront pro­gram­més pour l’édition 2024. Et la con­fir­ma­tion des deux mastodontes précédem­ment cités. Et hal­lelu­jah il ne goutte plus.

Énergique, The Blessed Madon­na a bal­ancé pen­dant 1h30 un set car­ré, du gros son de festi’, sorte de rouleau com­presseur très (un poil trop ?) linéaire, et sans temps mort. Tou­jours aus­si habile tech­nique­ment, Carl Cox a pour­suivi dans la même veine vénère, en plus tech­no. Ça tape fort et le pub­lic est exta­tique. L’esprit rave mène la vie de château, c’est grandiose ! À minu­it, les douze coups ont son­né, c’est la fin de la longue récré’ anniver­saire. Les cœurs sont encore fougueux, les corps, eux, sont humides… inéluctable­ment la moi­teur des sons d’une dernière journée qui restera gravée dans les mémoires et l’histoire de ce fes­ti­val vrai­ment pas comme les autres. Et c’est pour ça qu’on l’aime. Yeah !

 

Carl Cox © David Kawika