Crédit : Martyn Goodacre

Mort de Mark Hollis (Talk Talk), le musicien qui aura influencé de Sigur Rós à M83

Le 21ème siè­cle ne con­naî­tra donc jamais une sor­tie de Mark Hol­lis. Mort hier à l’âge de 64 ans, l’an­cien chanteur de Talk Talk avait dis­paru des radars depuis 1998 et la sor­tie d’un unique album solo. Mais l’e­sprit de ses travaux — indi­vidu­els et col­lec­tifs — ne s’est lui jamais éteint. Inno­va­teur recon­nu, le natif du nord de Lon­dres aura influ­encé une généra­tion d’artistes avec des albums cultes et une envie tenace de repouss­er les fron­tières stylistiques.

Une période new wave à l’influence persistante

D’une façon sim­ple, la car­rière de Mark Hol­lis peut se divis­er en deux péri­odes nota­bles : pré Colour Of Spring - disque signé Talk Talk paru en 1986 — et post. A par­tir de 1981, Talk Talk débar­que dans la scène ô com­bi­en dynamique de la new wave anglaise. La pre­mière moitié de la décen­nie des années 80 sera syn­onyme pour le groupe de quelques hits nota­bles, dont le titre homonyme “Talk Talk” ou encore “Today”. Mais la véri­ta­ble con­sécra­tion com­mer­ciale arrivera avec la sor­tie de It’s My Life en 1984. Propul­sé au som­met des ventes par ses hits majeurs “Such A Shame” et “It’s My Life”, le disque reste aujour­d’hui une des sor­ties impor­tantes de synthpop.

En phase avec son époque, il ne traduit pas pleine­ment la propen­sion de Talk Talk à faire avancer la musique, mais aura con­tribué à un style dont l’in­flu­ence sur la musique con­tem­po­raine est bien réelle. Dans un entre­tien réal­isé pour Obskure Mag en 2011, Antho­ny Gon­za­lez du groupe M83 détail­lait l’im­pact de cette péri­ode sur ses pro­duc­tions, décrivant Talk Talk comme “acces­si­ble et effi­cace, super bien pro­duit mais avec une iden­tité en même temps, un car­ac­tère”. Et d’ailleurs, les ryth­miques en 4/4 et l’usage de syn­thé­tiseurs reflè­tent pleine­ment l’in­flu­ence que Mark Hol­lis et sa bande ont eu sur le groupe français. De même, l’ex­is­tence de groupes comme Hot Chip prou­ve la per­sis­tance de ce style dont Talk Talk aura été un représen­tant remarqué.

Des expérimentations devenues des références

A par­tir de la sor­tie de The Colour Of Spring, Talk Talk aban­donne la syn­th­pop au prof­it d’une pop ambi­ent nova­trice et inat­ten­due avec un accent jazzy pronon­cé. Plongeant dans une atmo­sphère mélan­col­ique, le groupe s’aven­tu­rait déjà à quelques expéri­men­ta­tions. La com­po­si­tion hyper min­i­mal­iste et la voix atmo­sphérique de Hol­lis sur “Chameleon Day” pou­vait en effet laiss­er présager, dès 1986, de la vague de chanteurs aux tons tristes et ses représen­tants de renoms comme James Blake ou Appa­rat.

Mais si l’al­bum détonne avec ses prédécesseurs, il n’ef­fraie pas pour autant le grand pub­lic. The Colour Of Spring con­naît un suc­cès com­mer­cial impor­tant et Talk Talk se voit offrir une lib­erté artis­tique et un bud­get con­séquent pour sa prochaine sor­tie par son label EMI. Mais le major déchantera assez vite : expéri­men­tal à souhait, Spir­it Of Eden con­naî­tra des chiffres de ventes déce­vants. Et pour­tant, c’est bien cet album qui restera comme le mag­num opus du groupe. Der­rière ces sonorités nou­velles se cache ni plus ni moins les prémiss­es du post-rock, mis sur le devant de la scène des années plus tard plus tard par les God­speed You! Black Emper­or et autres Sig­ur Rós.

Mais cet album et ses sonorités oniriques et nou­velles vint aus­si inspir­er une généra­tion d’artistes élec­tron­iques de trip-hop et down-tempo allant de Por­tishead à UNKLE. Un groupe avec lequel Mark Hol­lis col­la­bor­era d’ailleurs en par­tic­i­pant à l’écri­t­ure du titre “Chaos” sor­ti en 1998. Il s’ag­it donc d’une de ses dernières com­po­si­tions. Une col­lab­o­ra­tion avec des artistes issus d’une généra­tion qu’il aura pro­fondé­ment mar­quée par son oeuvre.

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