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🤝 Myd : “J’aime bien être à poil ; je me suis mis à nu avec ce disque.”

À l’oc­ca­sion de la sor­tie aujour­d’hui de son pre­mier album Born A Los­er sur Ed Banger, ren­con­tre avec Myd, un drôle d’animal.

Après la fer­me­ture (pro­vi­soire ?) du Club Cheval, Quentin Lep­outre, alias Myd, a trou­vé refuge sur Ed Banger pour une série de maxi house-pop qui se pro­lon­gent aujourd’hui avec le très réus­si Born A Los­er. Un album rafraîchissant comme un cock­tail en été, ce qui n’empêche pas une goutte de mélan­col­ie. Décon­cer­tant de gen­til­lesse et de sim­plic­ité, il est au naturel comme dans ses clips, mais s’il s’est mis à nu durant cet entre­tien, c’est unique­ment au figuré.

“Franche­ment, c’est un rêve de gosse d’être sur Ed Banger.”

On t’a con­nu au sein d’un groupe, Club Cheval, qu’est-ce qui t’a poussĂ© Ă  te lancer dans l’aventure de l’album solo ?

En rĂ©al­itĂ©, j’ai tou­jours eu un pro­jet solo. Club Cheval a Ă©tĂ© mon­tĂ© sur ce principe, qua­tre indi­vidus avec des univers très dif­fĂ©rents qui s’associent sans occul­ter leur voca­tion solo. Mais rapi­de­ment Club Cheval a pom­pĂ© toute notre Ă©nergie et nos pro­jets en soli­taires sont passĂ©s au sec­ond plan. Nous n’avions plus le temps. D’autant qu’on pas­sait toute notre vie ensem­ble. Et puis, une fois l’album sor­ti en 2016, on s’est don­nĂ© un peu temps pour repen­dre en main nos dif­fĂ©rents pro­jets. Ă€ tel point que quand on a ten­tĂ© de tra­vailler ensem­ble Ă  nou­veau, cela ne mar­chait plus de la mĂŞme manière. Cha­cun pro­po­sait des choses qui ressem­blaient Ă  ce qu’il fai­sait en solo. On ne retrou­vait plus l’identitĂ© Club Cheval. Si le groupe doit renaĂ®tre, ce sera unique­ment quand nous aurons cha­cun fait le tour de nos pos­si­bil­itĂ©s en solo.

Il s’est passĂ© peu de temps entre la sor­tie de l’album de Club Cheval en 2016 et le maxi All Inclu­sive en 2017, qui est le point de dĂ©part de ce disque. Et tu as vite trou­vĂ© ce que tu avais envie de racon­ter avec Myd ?

Cela fai­sait un moment que j’avais en tête un mélange entre la musique que j’écoutais chez moi, c’est-à-dire du folk et de la pop indie, et mes influ­ences house, notam­ment celles de la french touch. J’avais envie de gui­tare. Le point de départ de All Inclu­sive et de cet album solo est le remix que j’ai fait de « Ibi­for­nia » pour Cas­sius. Je les ai démarchés en leur dis­ant : « Laissez-moi faire, j’ai une idée. » C’est comme ça que j’ai tra­vail­lé pour la pre­mière fois avec un gui­tariste et que j’ai enreg­istré ce son de corde un peu “crunchy”. Ce remix était aus­si une manière de faire un appel du pied à Pedro pour lui dire que j’avais envie de tra­vailler avec Ed Banger. Mais quand le maxi All Inclu­sive est sor­ti, jamais nous n’avions imag­iné que « The Sun » allait avoir autant de succès.

“Si le groupe doit renaĂ®tre, ce sera unique­ment quand nous aurons cha­cun fait le tour de nos pos­si­bil­itĂ©s en solo.”

Ed Banger Ă©tait la seule mai­son de dis­ques avec qui tu voulais travailler ?

Myd

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J’ai tou­jours aimé tra­vailler en famille. Club Cheval était une famille, les labels Bro­mance et Mar­ble aus­si. Jamais, pour ma musique en solo, je n’ai eu de rela­tions unique­ment “pro­fes­sion­nelles” avec mes labels. Des maisons de dis­ques “famil­iales”, capa­bles de me laiss­er com­pos­er en toute lib­erté une musique aus­si hybride, il n’y en a pas beau­coup. Franche­ment, c’est un rêve de gosse d’être sur Ed Banger.

Tu dis que ta musique n’entre pas dans les cas­es. Com­ment est-ce que tu la dĂ©fi­nis toi-mĂŞme ?

Pour moi, c’est juste de la musique élec­tron­ique. D’abord parce que j’utilise le sam­pling et que la plu­part de mes morceaux sont plutôt dansants. C’est de la musique élec­tron­ique “indie”, c’est-à-dire de la dance music arti­sanale et non calibrée.

 

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Con­crète­ment, com­ment as-tu rĂ©al­isĂ© ce disque ?

J’ai d’abord fait des maque­ttes dans mon stu­dio que j’avais dépouil­lées à l’extrême pour ne pas être pol­lué par des machines inutiles. Ensuite j’ai fait les maque­ttes en jouant la gui­tare moi-même. Avant d’inviter des gui­taristes à rejouer mes par­ties. Quant à la voix, la plu­part du temps c’est la mienne.

On sent l’influence de Metron­o­my sur cer­tains titres, j’imagine que tu ne la renieras pas ?

Tout à fait. C’est de la pop fait de bric et de broc. Jamais par­faite, jamais lisse, mais vivante. J’ai besoin qu’il y ait des acci­dents durant l’enregistrement, que la musique con­serve une dimen­sion bricolée pour qu’elle reste émouvante.

“Il y a tou­jours un accord triste qui vient te dire « n’oublie pas que cette musique a Ă©tĂ© com­posĂ©e par un Français romantique Â».”

Le terme t’agacera peut-ĂŞtre, mais il y a un cĂ´tĂ© « feel good » dans ce disque, c’est un album eupho­risant je trou­ve. Avais-tu la volon­tĂ© de faire une musique qui rende heureux ?

Je ne dirais pas que c’est une volon­té. En tant que musi­cien, j’ai com­mencé à me sen­tir heureux quand j’ai arrêté de me dire « il faut que fasse ceci ou que ma musique sonne comme cela ». Cela va peut-être paraître un peu sim­plet, mais je suis quelqu’un qui aime vrai­ment le soleil, la nature, la plage, les vacances. En écrivant « The Sun », je ne me suis pas dit : « Il faut que je fasse une chan­son qui va évo­quer l’été et les vacances. » C’est venu beau­coup plus naturelle­ment. Si, tous les étés depuis 2017, on a un pic d’écoute de « The Sun », c’est parce que les gens trou­vent que ce morceau leur évoque des choses agréables. Cette émo­tion solaire est celle que je ressen­tis moi-même en écrivant le morceau. Je ne cal­cule pas. De toute manière, je n’ai pas une per­son­nal­ité “dark” et cela s’entend dans ma musique. Ce qui n’empêche pas qu’elle ait aus­si une dimen­sion mélan­col­ique. C’est très français, cette touche de mélan­col­ie. La pop française, que ce soit celle de Michel Berg­er ou des Daft Punk, n’est jamais uni­di­men­sion­nelle. Elle n’est jamais unique­ment heureuse, il y a tou­jours un accord triste qui vient te dire « n’oublie pas que cette musique a été com­posée par un Français roman­tique ». C’est aus­si val­able pour ma pro­pre musique.

 

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Myd

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Tu es fan de Michel Berger ?

Oui, bien sûr. Ce sont des émo­tions qui me par­lent, c’est de la musique que j’écoute.

L’humour me sem­ble très prĂ©sent dans ton disque, mais aus­si dans tes visuels. On a l’impression que tu ne veux surtout pas te pren­dre au sĂ©rieux… Mais est-ce que ce n’est pas un piège de s’enfermer dans une image un peu comique ?

Oui, c’est vrai, j’ai décidé que mes blagues allaient faire par­tie de mon pro­jet musi­cal. Ma musique me ressem­ble, elle est 100 % ce que je suis. Mais c’est une ques­tion de dosage, si tu décides d’être rigo­lo, il faut que ta musique soit faite avec d’autant plus de sérieux. Sous pré­texte que le clip est drôle, il ne faut pas tran­siger sur la qual­ité de la musique.

“J’ai été un Club Cheval durant six ans, je n’étais pas mal­heureux, mais aujourd’hui j’en suis libéré et je laisse s’exprimer une autre facette de moi-même.”

Quand on regarde les pho­tos de presse de l’album de Club Cheval, oĂą tu avais un look par­ti­c­ulière­ment austère, et celles de ce disque, on se demande si on a affaire Ă  la mĂŞme per­son­ne. Qui est le vĂ©ri­ta­ble Myd ?

Les deux. À l’époque ma vie était entière­ment dévouée à Club Cheval. Ce n’est pas pour rien si notre album s’est inti­t­ulé Dis­ci­pline. Durant six ans nous avons décidé de nous con­sacr­er entière­ment à ce pro­jet, en nous astreignant à pass­er nos vies en stu­dio pour tra­vailler sans relâche à un album. Cela demandait de faire beau­coup de con­ces­sions et aus­si qu’on nous iden­ti­fie en tant que groupe. J’ai été un Club Cheval durant six ans, je n’étais pas mal­heureux, mais aujourd’hui j’en suis libéré et je laisse s’exprimer une autre facette de moi-même. Je me suis sou­venu de mes 17 ans lorsque j’écoutais Fat­boy Slim dans ma cham­bre. C’est le pre­mier à m’avoir mon­tré qu’on pou­vait être fun, sam­pler des trucs drôles et en même temps faire de la musique qui défonce. Les dis­ques de Fat­boy Slim caram­bo­laient plein d’univers dif­férents. Dans le fond, avec cet album, je reviens à mes pre­mières amours.

La dis­ci­pline de Club Cheval n’a Ă©tĂ© qu’une parenthèse ?

Une longue par­en­thèse à l’échelle de ma car­rière. D’une cer­taine manière Club Cheval a été comme mon ser­vice mil­i­taire, dur, mais très formateur.

De quel Myd par­le ce titre, Born A Los­er ?

Le Myd de 17 ans qui se demande com­ment devenir artiste, com­ment faire pour enreg­istr­er sa musique, com­ment faire pour qu’elle soit enten­due ? J’avais l’impression que je n’étais pas armé pour réus­sir, que j’avais un jeu de per­dant. J’ai gardé longtemps cette idée en tête. En fait il a fal­lu que Pedro mais aus­si Alice Moitié m’encouragent et me dis­ent que je n’avais pas à rou­gir de ce je suis, pour que je m’assume. Je suis très heureux de faire de la musique aujourd’hui.

Et le type nu, avec une cas­quette blanche l’air ravi sur un paque­bot de croisière, c’est toi ou un personnage ?

C’est moi, regarde, je suis comme ça aus­si dans la vie de tous les jours. En effet, c’est la pho­to qui a don­né un peu le ton du pro­jet, mais j’aime bien être à poil. Je me suis mis à nu avec ce disque.

Le paque­bot de croisière de tourisme de masse, la cas­quette, la mous­tache, il ne manque plus qu’une banane autour de la taille. Ce ne sont pas des codes très branchĂ©s, mais tu as l’air très heureux de pren­dre le contre-pied de l’image chic qu’essaient de pro­jeter d’ordinaire les musiciens ?

Oui, je me sens bien parce que je n’ai pas l’impression de me déguis­er. Et puis je ne me moque de per­son­ne. Avec Alice [qui s’oc­cupe de la DA], on ne voulait surtout pas se foutre de la tête de ces gens qui tapent dans leurs mains en faisant de l’aquagym.

“Si je peux ramen­er un peu d’humanitĂ© et de bonne humeur dans la musique Ă©lec­tron­ique qui est par­fois très froide, cela me va bien.”

De fait, on ne ressent aucun cynisme dans ces images.

Myd

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J’espère. Je pour­rais par­faite­ment me foutre Ă  poil devant des potes pour les faire rire. Cela m’est dĂ©jĂ  arrivĂ©, bien avant de par­tir sur le paque­bot. Je n’ai pas envie de cacher cet aspect-lĂ  de ma per­son­nal­itĂ© der­rière les codes clas­siques des DJs qui s’habillent en noir pour faire chic. J’ai tout fait pour que cette musique me ressem­ble, je ne vais pas men­tir au moment de l’incarner physique­ment. Je crois que les gens ont com­pris que je suis sim­ple­ment moi-mĂŞme. Pedro a jouĂ© un grand rĂ´le dans ce proces­sus. Il m’a encour­agĂ© Ă  me prĂ©sen­ter tel que je suis, Ă  ne pas avoir honte de moi, Ă  laiss­er der­rière moi Club Cheval. Je n’ai pas dĂ©marchĂ© Alice MoitiĂ© pour lui deman­der de m’aider Ă  crĂ©er ce per­son­nage qui a l’air de sor­tir d’une bande dess­inĂ©e. Au con­traire, nous nous sommes trou­vĂ©s parce que nous avions les mĂŞmes goĂ»ts en matière de BD, de dessin ani­mĂ©, de musique. Bien enten­du, quand sa camĂ©ra s’allume, je me mets Ă  jouer, mais je ne fais qu’amplifier les traits de ma pro­pre per­son­nal­itĂ©. Si je peux ramen­er un peu d’humanitĂ© et de bonne humeur dans la musique Ă©lec­tron­ique qui est par­fois très froide, cela me va bien.

En par­al­lèle de ta car­rière solo, tu as Ă©crit la musique du film Petit paysan, si je ne m’abuse, tu l’as signĂ© de ton vrai nom, Quentin Lepoutre ?

Cela dĂ©pend des morceaux, mais je ne fais pas de dif­fĂ©rence entre Quentin Lep­outre et Myd, c’est la mĂŞme per­son­ne et tout le monde m’appelle Myd. Aux CĂ©sar, j’étais nom­mĂ© sous le nom de Myd. Je n’ai pas de dou­ble iden­titĂ© pour sign­er l’un ou l’autre de mes pro­jets. Je suis con­tre ce genre de chose d’ailleurs. Il n’y a rien Ă  cacher. Je suis Myd, un point c’est tout.

Tu as ren­con­trĂ© le rĂ©al­isa­teur Hubert Charu­el Ă  la FĂ©mis dont tu suiv­ais l’enseignement pour devenir ingĂ©nieur du son pour le ciné­ma, c’est bien Ă§a ?

Par­al­lèle­ment à la musique, j’ai tou­jours eu la pas­sion du son et des out­ils de prise de son. Le niveau de l’ingénierie sonore du ciné­ma est incroy­able­ment élevé. C’est ce qui m’attirait. Si je n’avais pas fait de musique, j’aurais adoré devenir mixeur pour le ciné­ma. Pass­er ma vie dans un audi­to­ri­um grand comme une salle de ciné­ma avec une table de mix­age géante et le temps néces­saire pour créer des ambiances sonores dingues. J’ai suivi les cours de la Fémis durant qua­tre ans pour engranger un impor­tant bagage tech­nique. Mais je ne m’arrête jamais d’apprendre. J’adore regarder des tutos sur Inter­net. Je m’endors en matant Mix With The Mas­ters.

“Pro­duire pour des rappeurs français dont les audi­ences sont énormes, ce n’est pas la ruée vers l’or que cer­tains fantasment.”

Comme ton cama­rade de Club Cheval Sam Tiba, tu as pro­duit plusieurs titres pour des rappeurs français. Par plaisir ou opportunisme ?

Ce que je peux dire en tout cas, c’est que pro­duire pour des rappeurs français dont les audi­ences sont énormes, ce n’est pas la ruée vers l’or que cer­tains fan­tas­ment, notam­ment dans le milieu élec­tron­ique. C’est loin d’être sim­ple. Il y a une grande con­cur­rence. Il faut énor­mé­ment d’énergie pour arriv­er à plac­er un beat et que le morceau reste cool à l’arrivée. C’est lorsque nous avons tra­vail­lé dans le stu­dio de DJ Kore avec Club Cheval que cette con­nex­ion avec le monde du rap français s’est opérée. On traî­nait avec des rappeurs toute la journée. Ils ont la qual­ité d’être tou­jours excités par de nou­veaux sons et ils sont nom­breux à avoir appré­cié ce que la scène élec­tron­ique pou­vait leur apporter. Je me suis retrou­vé un peu par hasard dans cet univers, mais j’y ai pris beau­coup de plaisir.

Pas au point de col­or­er ton pro­pre album avec du rap…

Non, parce que ce n’est pas ma musique. Le seul titre de rap que j’ai fait c’est « No Bull­shit » sur Bro­mance, parce que je l’adorais, mais que tous les rappeurs ont refusé.

Puisque tu as fail­li tra­vailler pour le ciné­ma, peux-tu nous par­ler de tes goĂ»ts en matière de films ?

J’aime les films un peu dérangeant et pop en même temps. Fun­ny Games de Michael Haneke, par exem­ple. C’est comme en musique, j’aime quand il y a un côté bizarre, unique, et en même temps que cela reste de la pop faite pour être écoutée par tout le monde. J’aime les musi­ciens qui sont capa­bles de don­ner le petit coup de pein­ture métallisée qui fait toute la dif­férence. Après la musique de Petit paysan, je n’ai pas cher­ché à com­pos­er d’autres musiques de film, car j’étais con­cen­tré sur cet album. Main­tenant qu’il est ter­miné, j’aimerais bien revenir au cinéma.

Quand ce sera enfin pos­si­ble, quelle forme pren­dra ce disque sur scène ?

Le live est prĂŞt, on est trois, avec un gui­tariste et deux aux claviers et machines, dont moi. Nous chan­tons tous les trois, ce qui laisse plein de pos­si­bil­itĂ©s. Je peux faire de la house comme j’aime et on peut aus­si faire des moments gui­tares voix plus scouts. C’est un live qui va osciller entre de la house et des plans scouts. J’ai hâte.

Nous aus­si.

 

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