đïž NiluÌfer Yanya : Guitare heÌroiÌne de son nouvel album Painless
ApreÌs avoir absorbeÌ toute la culÂture pop et rock briÂtanÂnique en lâespace de quelques anneÌes, la chanteuse et guiÂtariste NiluÌfer Yanya sort son deuxieÌme album PainÂless, un disque famÂiÂliÂer, quâon a lâimpression dâavoir touÂjours conÂnu, mais qui sonne pourÂtant nouÂveau. En conÂcert ce dimanche au TraÂbenÂdo Ă Paris.
ArtiÂcle issu du TsuÂgi 147 : Radio ActivÂiÂty, La folle hisÂtoire des radios musiÂcales : des pirates aux webraÂdios, disponible Ă la comÂmande en ligne.
Se plonger dans la liste des influÂences de NilĂŒfer Yanya revient Ă prenÂdre lâEuÂrostar fisÂsa pour dĂ©penser toutes ses Ă©conomies chez un disÂquaire lonÂdonien : RadioÂhead, The Cure, Joy DiviÂsion, King Krule, The Strokes, PJ HarÂvey⊠Ces icoÌnes hantent les artiÂcles consacreÌs aÌ la jeune chanteuse et guiÂtariste anglaise de 26 ans, comme sâil falÂlait absolÂuÂment comÂparÂer NiluÌfer Yanya aÌ tout ce que la musique briÂtanÂnique a enfanteÌ de meilleur depuis un demi-sieÌcle. PourÂtant, câest presque sans presÂsion que la prinÂciÂpale inteÌresseÌe vit la sorÂtie de son deuxieÌme album, le bien nommeÌ PainÂless. Un disque au charme inexÂplicÂaÂble, car inclassÂable, ouÌ le jazz renÂconÂtre le post-rock, aÌ moins que ce soit le rock qui ne renÂconÂtre le post-jazz, quand on nâentend pas çaÌ et laÌ des beats hip-hop ou la douce cavÂalÂcade de la drumânâbass si cheÌre aÌ nos voisins anglais.
Sur Miss UniÂverse, son preÂmier album sorÂti en 2019, NiluÌfer Yanya cherÂchait deÌjaÌ aÌ tout prix aÌ abatÂtre les murs en carÂton qui seÌparent trop souÂvent les estheÌtiques musiÂcales. Au risque de parÂtir un peu dans tous les sens, malÂgreÌ des interÂludes qui venaient reliÂer les morceaux entre eux, façon album conÂcept. « CâeÌtait tenÂtant de revenir avec un conÂcept, une hisÂtoire, admet-elle trois ans plus tard depuis son apparteÂment lonÂdonien. Jây ai penseÌ, mais je nâavais pas envie de trop en faire cette fois, je voulais laissÂer aux gens la posÂsiÂbiliteÌ dâinterpreÌter les chanÂsons, de trouÂver ce quâelles voulaient dire pour eux avant tout. PerÂsonÂnelleÂment, câest comme ça que je me conÂnecte aÌ la musique que jâeÌcoute, comme les PixÂies, SAULT, AlabaÂma Shakes, Elliott Smith, Big Thief, The Cure, PJ HarÂvey⊠AusÂsi, jâeÌtais fieÌre des morceaux. CâeÌtait effrayant de ne pas les âenroberâ, mais câest un senÂtiÂment plutoÌt agrĂ©able sur lequel plusieurs perÂsonÂnes sont interÂvÂenues, et ont donc apporteÌ plusieurs vibes, nous nâeÌtions que deux ou trois aÌ traÂvailler sur celui- ci, ce qui lâa renÂdu plus coheÌrent, entre pop et rock, avec tout ce qui peut aller entre les deux. »
Pas de conÂcept donc mais un fil rouge : la guiÂtare. Câest sur elle que NiluÌfer Yanya eÌcrit et comÂpose, câest elle qui est sublimeÌe par la proÂducÂtion de Wilma Archer, et câest elle qui sait se faire oubliÂer pour mieux faire ressorÂtir une nappe, un refrain ou une belle meÌlodie chanteÌe dâune voix grave, leÌgeÌrement voileÌe. « Je ne serais pas capaÂble de faire un disque avec uniqueÂment ma guiÂtare et ma voix, vu que je nâaime pas faire la meÌme chose trop longtemps », confie-t-elle, avant de laissÂer son regard se perÂdre par la feneÌtre de son apparteÂment, le visÂage eÌclaireÌ par la lumieÌre eÌtonnamment ultra-bright de lâhiver londonien.DeÌcrocher de cette manieÌre, ça lui arrive beauÂcoup. Pas par ennui ou impoÂlitesse. Mais NiluÌfer Yanya fait parÂtie de ces gens qui sâarreÌtent en plein milieu de phrase et reviÂenÂnent aÌ eux quelques secÂonÂdes apreÌs pour lancer un « yeah » ou un «you know» plein de douceur. Lunaire, diront cerÂtains. ReÌveuse, diront dâautres. Mais cerÂtaineÂment pas inconÂsisÂtante. Parce quâil est des moments ouÌ elle sâanime particulieÌrement : pour eÌvoquer le mouÂveÂment Black Lives MatÂter, la sitÂuÂaÂtion catÂaÂstrophique de la poliÂtique de logeÂments sociÂaux dans la capÂiÂtale anglaise, elle qui a granÂdi dans des HLM du West LonÂdon comme la pluÂpart de ses amis, ou pour parÂler des workÂshops quâelle organÂise avec sa sĆur pour les communauteÌs deÌfavoriseÌes ou les reÌfugieÌs nâayant acceÌs aÌ aucune praÂtique artisÂtique. Lâoccasion pour les deux sĆurs de « renÂdre ce quâon leur a donneÌ quand on eÌtait enfants ».
NilĂŒfer fait du Yanya
Fille de deux artistes, meÌtisseÌe (sa meÌre est irlando-barbadienne, son peÌre turc), sĆur dâune artiste visuelle (qui a dâailleurs reÌaliseÌ cerÂtains de ses clips), NiluÌfer a granÂdi dans le genre dâenvironnements qui encourÂaÂgent la crĂ©aÂtion, la laisÂsent mĂ»rir libreÂment, et câest dĂšs lâenÂfance quâelle comÂmence Ă jouer de la guiÂtare et Ă Ă©crire quelques petites chanÂsons. Tout juste vingteÂnaire, elle poste ses preÂmiĂšres dĂ©mos sur SoundÂcloud et se fait repĂ©rÂer par Louis TomilÂson des One DirecÂtion, qui cherche Ă monÂter un nouÂveau girls band et faire dâelle une star. Elle prĂ©fĂšre dĂ©clinÂer, signe sur un label indĂ©penÂdant, se proÂduit dĂšs quâelle peut, reçoit dâexÂcelÂlents retours criÂtiques, et remÂpile pour ce trĂšs rĂ©usÂsi deuxÂiĂšme disque oĂč elle ose petit Ă petit Ă©crire sur ses senÂtiÂments et sa clausÂtroÂphoÂbie de citaÂdine en plein conÂfineÂment. Ă son rythme, en douceur, mais sĂ»re de ce quâelle ne veut pas, avec touÂjours une guiÂtare Ă portĂ©e de main alors quâen 2022 la six-cordes ne squatÂte plus vraiÂment les somÂmets des charts, trustĂ©s par le rap et le R&B. « Il y a telleÂment Ă explorÂer avec cet instruÂment. Mais je garde lâeÂsprit ouvert et jâĂ©Âcoute Ă©norÂmĂ©Âment de choses qui ne sont pas de la âmusique de guiÂtareâ, comme du R&B. » Parce quâil est besoin de le prĂ©ÂcisÂer : il est dĂ©jĂ arrivÂer que NilĂŒfer Yanya, plus rockeuse quâautre chose, soit Ă©tiÂquetĂ©e « musique urbaine ». « Les gens lisent mon nom, voient que je suis une femme, que jâai des origÂines mĂ©tisÂsĂ©es malÂgrĂ© ma peau blanche, et vont penser que je fais du R&B. Câest domÂmage quâenÂcore aujourÂdâhui cerÂtains se conÂcenÂtrent plus sur le nom et lâoÂrigÂine des gens que sur leur musique, mais jâai surtout lâimÂpresÂsion de volÂer ce qualÂiÂfiÂcatif Ă de super artistes qui le mĂ©riÂtaient bien plus que moi. » En meÌme temps, pas besoin de « qualÂiÂfiÂer » NiluÌfer Yanya. Elle fait du NiluÌfer Yanya, point, et ça nâest que le deÌbut.
â