Nuits Secrètes 2025, chaleur du Nord | LIVE REPORT

par | 17 07 2025 | live report

Clap de fin pour l’édition 2025 du festival des Nuits Secrètes qui s’est tenu du 11 au 13 juillet, à Aulnoye-Aymeries (Nord). L’heure est au bilan de cet événement emblématique de la région, qui a accueilli plus de 50 000 festivaliers cette année. 

Par Ana Boyrie pour tsugi.fr

Pour reprendre le slogan de l’an passé: avec les Nuits Secrètes, “dites adieu au métro, au boulot et au dodo. Surtout au dodo.”  Cette année encore, le festival confirme le savoir-fête du Nord : sur plus de 12 hectares en plein cœur de la ville d’Aulnoye-Aymeries, le festival a accueilli 52 000 personnes sur trois jours, toutes prêtes à transpirer. Littéralement, puisque le thermomètre avoisine les 27 degrés.

Il est 17 heures, la bière (régionale, bien sûr) est fraîche, les conditions parfaites pour lancer les hostilités. Comme prévu, ça transpire déjà avec Divino, qui transforme rapidement la grande scène en brasier, sur lequel la reine Maureen et sa fièvre shatta viennent jeter de l’huile. La chanteuse martiniquaise n’a que 23 ans mais révèle un tempérament et un style affirmés. L’apothéose de ce set incandescent sera certainement le moment où, vêtue d’une combinaison rose à paillettes, elle balance une prod’ composée du générique de Koh Lanta. Vous l’aurez compris, sa sentence est irrévocable.

Même énergie chez Zaho de Sagazan qui, bien qu’en tournée depuis presque deux ans, ne s’essouffle pas. L’artiste (préférée des Français) présente un live toujours aussi sensible, engagé et explosif. « Allez, danse, ne te regarde pas, lâche-toi » hurle-t-elle au micro. Sans hésitation, les milliers de festivaliers s’exécutent, transformant le champ de la grande scène en club house.

Finalement, elle ne faisait que préparer le terrain pour le légendaire Paul Kalkbrenner qui a clôturé cette première journée. Difficile d’oublier sa venue à la vue des milliers de maillots blancs, noirs et jaunes, floqués au nom de l’Allemand, qui parsemaient l’étendue verte du parc. 

Au Jardin d’Éden 

Du côté de l’Eden –deuxième scène du festival– c’est tout d’abord un Jyeuhair (révélé par l’émission Nouvelle École) à l’énergie brute qui se produit, suivi d’un Jan Verstraeten déchaîné. Drap sur la tête, visage recouvert d’un maquillage guerrier, l’artiste belge et sa voix saturée révèlent une pop intense qui se cogne aux murs du hangar. Deuxième moment d’apothéose: lorsque le chanteur reprend le tube interplanétaire « Natural Blues » de Moby, en guitare-voix et d’un tempo accéléré. À croire que le titre devient l’hymne du Nord, puisqu’un certain rappeur originaire de Tourcoing (BEN plg, who else ?) a récemment samplé le refrain américain pour son titre « Parait que les miracles n’existent pas ». Impossible donc, pour le public des Nuits Secrètes, de ne pas accompagner la reprise de Jan. Ça permet, aussi, d’échauffer les voix pour le Karaoké Fashion. Oui oui, on a poussé la chansonnette sur Céline. Y’a quoi ?  

Le climax de cette première journée reste indubitablement le concert de Kompromat. La puissance vocale de Rebeka Warrior (ici comme à la maison) mêlée à la puissance électronique de Vitalic a retourné le hangar Eden. La chanteuse lâche des rires diaboliques, s’offre un body surfing DEBOUT, portée par les paumes du public. Vitalic, lui, s’empare de la machine à fumée pour asperger les premier rangs. C’est le “zbeul” et c’est jouissif. Au même moment, André Schnautzi b2b Dirty Berlin, donnaient rendez-vous au « Foin Fecret » pour entrer en zone de turbulence… et en sortir trempés.

Le succès des parcours secrets et la nouveauté “La Noche”

N’oublions pas que le festival tient aussi sa popularité de ses parcours secrets. Comme leur nom l’indique, il suffit d’acheter un billet surprise, sans savoir quel artiste on écoutera, ni dans quel endroit. Et cela, pour la modique somme de 10 euros. Destination inconnue et artiste mystère, ces parcours secrets attirent chaque année de plus en plus de curieux. 2025 n’est pas une exception puisque la quasi-totalité des créneaux étaient complets.

Vendredi, le groupe de festivaliers ayant réservé des places mystère ont pu vivre un moment unique, signé Blick Bassy, dans un jardin caché de Pont-sur-Sambre. Le samedi 12 juillet, c’est à la grange de la tête noire que le 2e artiste mystère s’est révélé : Max Baby. Sans oublier les festivaliers qui ont eu droit à une séance de piscine sur la musique électronique de Azamat Bogdanov. Enfin, le dimanche 13 juillet, ce fut au tour de Gildas de transformer le parcours secret en cabaret mystique. 

Alerte nouveauté : “La Noche Club”, une salle fermée (“400 mètres carrés de liberté”, avait annoncé le festival) proposant un line-up secret sur l’ensemble des trois jours. La Noche, on y entre et on en sort comme dans un moulin. Ou on y reste pour rejoindre la chenille ; pour voir Elvis célébrer des mariages façon Vegas ; pour s’ambiancer aux côtés de Johnny & Wallace –que l’on pourrait qualifier de mascottes– ; pour taper du pied avec Jérémie François alias Bisou, avec les Lillois Supa, avec Amandine et Violette du duo de DJ Address Hymen ; ou encore se laisser porter par les bonnes vibes de Chalice Sound System.

Samedi à la programmation musclée

Jour 2 : toujours sous le soleil radieux du Nord, les fêtards proposent un défilé de bobs –on reconnaît certains attrapés au vol dans les rues de Lille, lors du passage de la caravane du Tour de France. Histoire de bien commencer la journée, petite escale aux Nuits Douces : un stand pour papoter, s’informer, s’écouter sur des questions de société, de santé ou d’environnement. Ça ne fait jamais de mal. Entre le set millimétré des Finésiens du Feini-X Crew, la virée pop-rock d’Adé et les teintes électro-funk du Marocain (basé à Lille) Omar Ek, le cœur des festivaliers commence à dégouliner.

La scénographie aérienne de Santa les fait décoller. Le roi du Vapor Dub, Biga Ranx, les fait planer. Le cardio de Rilès les a terminés. À l’image de ses performances sportives (a couru 24 heures d’affilées sur un tapis roulant devant une scie circulaire, ndlr), l’artiste rouennais apparaît sur scène tel un athlète: il rappe en anglais ET en japonais, tout en dansant, tout en joggant, tout en pratiquant la capoeira… il sait aussi charmer grâce à une voix douce et sensible, seul à la guitare. De quoi se poser la question : y a-t-il une chose que Rilès ne sache pas faire ?

Après l’effort, il est temps d’aller recharger les batteries à l’un des food trucks présents sur le festival. Made in Street, Thaiger, Faluch Truck, Cantina Mexicana… pour les amateurs de street food (attention, made in Ch’Nord, faut pas déconner non plus), il y a de quoi faire. Maintenant, comme tout bon fan de Top Chef, il nous était impossible de louper le foodtruck de Florent Ladeyn –chef cuisinier locavore qui a participé à la saison 4 en 2013. Une fois la barquette de frites sauce maroilles dévorée, il est l’heure de retrouver les cuivres géants de MEUTE qui soufflent un vent de folie sur les plaines du festival. Une fois de plus, la fanfare allemande prouve qu’on n’a pas nécessairement besoin de platines pour balancer de la grosse techno…  

Le grain de folie de Roland Cristal et Perceval

À deux reprises, les plus audacieux·ses se sont retrouvé·e·s à l’Eden, pour deux sets totalement cinglés. Le premier : on a nommé Louis Labro alias Roland Cristal qui, lorsqu’il n’enfile pas sa cape de professeur des écoles, revêt celle de producteur de techno-pop complètement déjantée. Références enfantines, textes totalement absurdes, une rythmique on ne peut plus simple… C’est autant grisant que puissant. Pour le plus grand bonheur de ses élèves, le prof de musique a joué ses plus gros tubes : “Je fais la collection des menhirs”, “Le Serpent-Sanglier”, “Les petits cailloux”, “Vendetta”, “La Pantera” ou encore “Tu es une grosse paupiette”. On va être francs : ce n’est pas tous les jours qu’on se retrouve à sauter en cour de récré –ou plutôt en boum techno– avec en fond d’écran des têtes de Philippe Etchebest qui tournent sur elles-mêmes.

Bref, un joyeux bazar qu’a prolongé le roi de la techno-médiévale : le producteur breton Perceval. Derrière sa forteresse et paré de son heaume, le chevalier a dressé un banquet chargé en BPM, durant lequel flûtes à bec ont côtoyé gros kicks. De quoi rendre fous et hystériques tous les troubadours modernes, adeptes de pogos. 

Dimanche avec Dems, Fat Dog, Myd, DeLaurentis, Jersey…

Jour 3 : on sent la fatigue qui pointe le bout de son nez. Pourquoi ne pas faire une petite sieste, avec comme berceuse Fat Dog –nouvelle sensation du rock britannique ? Ça a le mérite de requinquer, pour ensuite enchaîner avec la pop piquante de Miki et la french touch de Myd. Mais avant, direction l’Éden, pour assister au set de DeLaurentis : sous le toit rouge flamboyant du hangar, la productrice techno nous a embarqués à bord de son vaisseau pour atterrir sur une planète dont elle est la souveraine. On la retrouvera d’ailleurs au Foin Fecret, où s’est installé Tsugi Radio: “Cette lumière, cette énergie rouge avait quelque chose de très puissant, réagit-elle au micro d’Antoine Dabrowski. Ce qui fait que de jouer de la techno à 18 heures, ça passe crème.” 

Vers 21 heures, une montgolfière passe au-dessus du festival, de quoi intriguer de nombreux festivaliers: “T’imagines, c’est Damso qui débarque”, peut-on entendre dans la foule. Car oui, le rappeur belge était à l’affiche des Nuits Secrètes, quelques semaines après la sortie de son dernier album, BĒYĀH.

Certainement l’un des artistes les plus attendus. Et non, Dems n’est pas arrivé sur scène en aéronef mais a débarqué en courant avec “VIE OLENCE” aux pieds de l’énorme échafaudage (big up aux technicien·ne·s qui ont monté la chose en à peine une heure) et aux côtés de ses danseurs encapuchonnés. Entre nouveautés et classiques, le rappeur belge a enflammé la grande scène. Pour le remercier, ses fans lui ont même réservé une petite surprise: sur le morceau “N. J Respect R”, toutes et tous devaient brandir une affiche où il était écrit “Merci Damso, vie sur la nation”. De quoi toucher l’artiste qui a souhaité réagir sur les réseaux sociaux : “J’ai le meilleur public, c’est officiel”, a-t-il publié en story sur Instagram.

Allez, les jambes n’ont pas encore totalement lâché, et les frères de Jersey nous attendent pour clôturer cette édition en beauté. Fort heureusement, demain, c’est férié… 

Meilleur moment : la série de drapeaux arc-en-ciel, hyper pratique pour retrouver ses potes + l’immense classe de Kompromat

Pire moment : le manque d’ombre. Qui aurait cru qu’on viderait un tube de Biafine dans le Nord ?

Par Ana Boyrie pour tsugi.fr