On a discuté techniques de mix, vinyles et nouveau maxi avec Shonky

Il est dif­fi­cile à suiv­re Shon­ky : né en France, habi­tant à Berlin, sou­vent four­ré à Ibiza, on le retrou­ve à la tête d’Apol­lo­nia Records et comme mem­bre du trio du même nom… Mais impos­si­ble de l’at­trap­er en solo depuis plusieurs années ! Alors quand a été annon­cé son maxi Plom­bière, pre­miere sor­tie sous son pro­pre nom depuis la nais­sance même du label, impos­si­ble de résis­ter à la ten­ta­tion d’un petit coup de fil. Olivi­er Ducreux de son vrai nom prof­i­tait alors d’un rare temps mort berli­nois, entre deux dates. Il en a prof­ité pour nous nar­guer sur la météo alle­mande radieuse. Mais qu’il ne fasse trop le malin : demain, Shon­ky est atten­du à l’hu­mide Weath­er Fes­ti­val, avant de s’en­v­ol­er vers des con­trées plus chaleureuses — la pre­mière Music On de l’été à l’Am­ne­sia Ibiza (il y en aura six en tout) ou le Off du Sonar de Barcelone en tête, où il mix­era entre autres en tête d’af­fiche de Trust le 16 juin — toutes les infos sur cette soirée sont à retrou­ver ici. Avec, tou­jours en ligne de mire, ce Plom­bière atten­du pour le 17 juin (bien évidem­ment sur Apol­lo­nia) dont on vous fait décou­vrir, en exclu, le morceau-titre. 

C’est la pre­mière fois que tu sors quelque chose en solo depuis la créa­tion du label Apol­lo­nia. Pourquoi ?

Avec Dan et Dyed (Dan Ghenacia et Dyed Soundorom, les deux autres mem­bres d’Apol­lo­nia, ndr.), on a sor­ti un album il y a deux ans. Je ne me voy­ais pas revenir en stu­dio tout de suite après. Ce qui m’im­por­tait c’é­tait d’avoir un nou­veau maxi vrai­ment dif­férent, même si on y retrou­ve tou­jours ma touch, mes idées ou mes racines. J’ai voulu chang­er de set-up, avoir plus de machines, des syn­thés, des boîtes à rythmes, et chang­er ma manière de boss­er. L’été dernier, quand j’é­tais un peu à l’aise avec ces nou­veaux out­ils, j’ai com­posé pas mal de morceaux. J’en ai tiré qua­tre tracks, ceux que j’aimais le plus, que j’avais le plus de plaisir à jouer et qui allaient bien ensemble.

Tu les as com­posées de quelle façon ? 

L’idée de départ était d’aller en stu­dio tous les jours, et qu’à la fin de chaque journée j’ai un morceau. Après je peux le retouch­er bien sûr, mais je voulais que le squelette et que l’idée prin­ci­pale soit faite en une seule journée. Comme je suis entre Ibiza et Berlin, avec pas mal de dates et de pro­jets avec Dan et Dyed, je voulais d’être le plus effi­cace pos­si­ble : ça ne sert à rien de rester une semaine sur un morceau, tu finis par per­dre ta gni­ac et ton recul.

Tu vis en effet à Berlin et passe beau­coup de temps à Ibiza… Ça ne te rend pas un peu schy­zo tant les deux ambiances sont différentes ? 

J’aime bien faire la bal­ance entre Ibiza et Berlin. A Berlin, je fais du stu­dio, je vais acheter des dis­ques, je ren­tre chez moi, je fouille dans ma col­lec­tion. Et à Ibiza, tu peux te ressourcer, aller à la plage – quand tu as beau­coup de dates c’est impor­tant. Mais le prob­lème d’Ibiza, c’est qu’il n’y pas de bou­tique de dis­ques, ou alors juste une petite. C’est désagréable de rester trop longtemps loin des shops, d’au­tant qu’on joue beau­coup, il faut que je renou­velle ma sélec­tion ! Alors oui, les deux villes (on va dire qu’Ibiza est une ville) sont dif­férentes. Mais il y a un dénom­i­na­teur com­mun : la rai­son pour laque­lle les gens vien­nent à Berlin comme à Ibiza, c’est pour faire la fête. C’est plus dark et under­ground à Berlin, plus strass et pail­lettes à Ibiza, mais ça ce n’est que la forme.

© Stéphane Ghenacia

Pour revenir sur le maxi, d’où vient le sam­ple de voix qu’on entend sur “Plom­bière” ?

C’est un sam­ple de voix que j’ai récupéré, que j’ai mis dans un effet. Ce n’est pas un gros sam­ple con­nu, je ne sais plus d’où il vient, je me demande même si ce n’est pas moi qui par­le ! Avant, je m’at­tachais à un sam­ple bien pré­cis et je le trit­u­rais pour l’in­té­gr­er à un morceau sans qu’on le recon­naisse. Main­tenant je fais les choses un peu dif­férem­ment, en prenant des trucs à droite et à gauche en pen­sant d’abord à l’ef­fet avant de choisir le sample.

Ton maxi ne sort qu’en vinyle, pourquoi ? 

C’é­tait une volon­té à la fois de Dyed, Dan et moi de redonner de la valeur à l’ob­jet. Le prob­lème à l’heure actuelle, c’est que si tu fais aus­si du dig­i­tal, per­son­ne n’achète le vinyle, ce qui est légitime. Du coup, il faut faire un choix. Je ne sors pas des max­is tout le temps, je me casse le cul à faire de la musique qui me plaît, tant qu’à faire j’ai envie d’avoir l’ob­jet. Je me rap­pelle à la fin de Freak n’ Chic (là où les mem­bres d’Apol­lo­nia sig­naient leur disque avant de créer leur pro­pre label, ndr) il y a quelques années, j’ai fait un maxi qui s’ap­pelait Club­o­ra­ma. A cause d’une galère avec le dis­trib­u­teur, il n’é­tait jamais sor­ti en vinyle, ça m’a vrai­ment soulé. J’achète énor­mé­ment de vinyles, une ving­taine par semaine, j’ai une grosse col­lec­tion, c’é­tait frus­trant de ne pas avoir le mien.

Tu mix­es sur vinyle aussi ? 

Pas tout le temps, car ça ne fonc­tionne pas partout (ça peut sauter quand tu joues sur un bateau par exem­ple, les platines peu­vent planter…). Du coup ça m’ar­rive de mix­er sur USB. J’ai tou­jours mon sac avec mes vinyles, mais je les encode à l’a­vance chez moi, au cas où, comme ça quand le soundsys­tem n’est pas adap­té je ne suis pas frus­tré, je peux tou­jours mix­er les morceaux que j’ai choisi. Il y a tou­jours une petite gueguerre entre les dif­férentes façons de mix­er… Il n’y a pas une meilleure que l’autre ! Il y a 5–6 ans, tout le monde mix­ait sur dig­i­tal et crachait sur les vinyles, aujour­d’hui c’est l’in­verse… Il n’y pas besoin d’être rad­i­cal, juste d’être prévoy­ant, organ­isé, et pro­fes­sion­nel. Du moins j’es­saye de l’être.

© Kevin Lake

Avec Apol­lo­nia, quand vous mix­ez, vous passez un son cha­cun votre tour – au con­traire de plein de back-to-back qu’on voit où finale­ment, ce sont deux DJs qui mix­ent l’un après l’autre. Vous faites ça en réac­tion à ces « faux » B2B qui vous agacent ? 

Non, moi rien ne me soûle. Je suis là pour l’amour de la musique et l’amour de la teuf, et je ne con­sid­ère pas devoir suiv­re telle ou telle règle de mix. Le côté trop prise de tête, trop sec­taire ou rad­i­cal… A quoi bon ? Quand j’ai com­mencé à faire la fête, j’avais envie de décom­press­er de la semaine. C’est l’e­sprit dans lequel je suis encore aujour­d’hui. Même si je suis plus âgé qu’en 98 j’ai tou­jours la même envie de mix­er et de faire danser les gens. J’ai fait cinq ans de maths, j’ai été un élève assidu… Mais au bout d’un moment je me suis dit que j’é­tais allé au bout de mes études, j’avais fait « plaisir à papa et maman » pour exagér­er, et j’ai voulu ten­ter ma chance, je n’avais rien à per­dre. Quinze ans après ça marche tou­jours, je donne des inter­views pour par­ler de mon prochain maxi… Je kiffe quoi !

Pour suiv­re Shon­ky sur Face­book, c’est par là

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