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© Sarah Bastin
16 juin 2022

« On bascule dans une autre dimension » pour les Nuits Secrètes 2022

par Juliette Soudarin

Du 22 au 24 juillet se tient le festival Les Nuits Secrètes à Aulnoye-Aymeries dans les Hauts-de-France. PNL, Orelsan, Charlotte de Witte, Jamie XX ou encore Juliette Armanet se partagent l’affiche. Pour mieux comprendre ce festival atypique où « promenades » rime avec « sonores » on a discuté avec Olivier Connan, directeur du festival. Rencontre.

Cette année on célèbre les vingt ans des Nuits Secrètes, quel festival vouliez-vous pour fêter cet anniversaire ?

Un festival qui donne envie d’en reprendre pour vingt ans. Cet anniversaire est symbolique puisque cela fait deux ans qu’on doit le célébrer avec cette histoire de Covid. Le changement de site est finalement notre manière de fêter cet anniversaire. On bascule dans une autre dimension. Pas forcément pour accueillir énormément plus de monde mais pour accueillir le public d’une meilleure manière. Cette année la grande scène se retrouve dans une prairie, qui est juste à côté du site historique du festival. Mais on garde bien notre ADN comme l’Éden, qui est cette scène sous un toit rouge. Et on continue de proposer nos parcours secret avec des artistes qui ne sont pas annoncé·es. Les parcours secrets sont vraiment des moments privilégiés. On part en colo pendant 1h30. Et puis il y a une sorte de rapport inversé ,dans le sens où les gens ont l’impression d’arriver chez l’artiste, puisque c’est l’artiste qui attend le public contrairement aux concerts habituels. Cette année d’ailleurs, on organise un weekend de parcours et de promenades du 16 au 17 juillet. On fera notamment des croisières et il y aura pas mal d’artistes du label de musique électro InFiné.

Quelle sensation cela fait de regarder vingt ans en arrière et de voir le chemin parcouru ?

Quand on regarde ce qu’on a fait ces vingt dernières années, on a surtout hâte de retrouver ce qu’on a un peu perdu en 2019.  Au niveau de l’équipe, on hallucine toujours de voir ce que le festival est devenu, de voir comment le projet est apprécié localement et régionalement. Il y a vingt ans je tournais les pochettes des albums que j’écoutais, il y avait des numéros de téléphone dessus, j’appelais. J’ai contacté des potes et on a commencé à organiser quelques concerts. Et puis, il y a eu cette idée de créer festival avec la ville. À cette époque à la mi-août, il y avait une fête locale à Aulnoye-Aymeries, un peu populaire et l’équipe municipale s’est adressée à nous pour inclure la jeunesse. On s’en est donc emparé et puis c’est devenu une fête avec un terreau local très fort, et plein de particularités. On l’a appelée Les Nuits Secrètes. C’est un festival un peu à l’image des fêtes du Nord comme on se les imagine.

Dérèglement climatique, mouvement #metoo, comment fait-on pour organiser un festival responsable et safe ? Pourquoi c’est important pour vous ?

En vingt ans on a forcément évolué, grandi, comme le public et les artistes. On veut donc que les choses soient en adéquation avec nos valeurs. Je ne sais pas si Les Nuits Secrètes est un festival écolo, mais c’est un festival durable et solidaire. On ne travaille qu’avec des producteur·trices locaux·ales. Il n’y a pas de Coca-Cola ou d’Heineken chez nous. On sert du jus de pomme bio local et des bières de la région. On tient également à placer la mixité sociale, la prévention et la protection au coeur de notre expérience. Par exemple cette année, sur la question de la prévention on a créé un espace dit « safe », appelé « Nuits douces ». On va y trouver des stands d’infos, des talks, des ateliers, et des professionnels. Les festivalier·es pourront être pris·es en charge. On travaille aussi avec les Catherinettes, une association luttant contre les violences sexistes et sexuelles dans les milieux festifs. Elles ont formé le personnel sur la question d’actualité des piqures.

Comment avez-vous réfléchi à la programmation ?

L’idée est de programmer du live donc forcément il faut, en premier lieu, aller en concert pour repérer les artistes. Ensuite on se sert d’outils qu’on a disposition. J’ai commencé à programmer dans les années 90 et aujourd’hui avec le web on a plein de nouvelles manières de défricher des artistes. La programmation se fait donc en allant en concert, en écoutant des albums, en regardant ce qu’on reçoit, en lisant des magazines comme Tsugi. On regarde aussi ce qu’on a fait. Il y a un aller-retour entre les artistes qu’on découvre, qui ont une actualité et ceux pour lesquel•les on a une fidélité. Comme Orelsan et Vitalic, qui sont venus respectivement 5 et 6 fois. J’aime bien l’idée que le public suive l’évolution d’un•e artiste.

Il y a un point d’honneur aux Nuits Secrètes à mettre en avant des artistes locaux.ales, qui sont-ils/elles cette année? 

On aime programmer des artistes de la région, que ça soit la région d’Aulnoye, des Hauts-de-France ou de Belgique. J’ai toujours considéré qu’on était un peu Belges dans notre histoire, vu qu’on est à seulement 30 km de la frontière. La vitalité de la scène belge est extraordinaire… Comment faire sans eux ? Cette année on peut citer Satchel Hart, Johnny & Wallace, Essah Yasuke rappeuse de Roubaix, notre chorale locale rock’nroll des Mamys et Papys. Comme son nom l’indique, ce sont les plus jeunes du festival,  avec une moyenne d’âge de 70 ans.  Il y a aussi Ada Oda, Almost Lovers, Kubebe, Ralph Of London, Little Daddy Shake. Ce sont des artistes avec un univers singulier qu’on n’a jamais programmé avant et qui ne sont pas tous·tes dans les  radars des dispositifs régionaux. On souhaite mettre des artistes en avant, avant qu’ils ou elles éclosent.

Aux Nuits Secrètes les groupes et artistes féminins représentent 25 % de la programmation contre 54 % pour les groupes masculins et 20 % pour les groupes mixtes. Comment faire pour avoir une line-up paritaire ?

En fait, ces réflexions sur la parité dans la programmation sont assez récentes. Ça fait quatre-cinq ans qu’on en entend parler. Et je pense qu’il y a beaucoup d’endroits encore, où on n’y pense pas. Chez nous on y réfléchit. Il y a eu des grands shows comme ceux de Christine and the Queens, Jeanne Added, Pomme ou Camille avant qu’elles ne deviennent des têtes d’affiches. Je ne les ai pas programmées parce qu’elles sont des femmes, je les ai programmées parce que j’aime ce qu’elles font. « Est-ce que artistiquement ça nous paraît intéressant et est-ce que ça nous plaît ? » Ces questions sont notre première grille de lecture. Ensuite effectivement on fait attention, autant que faire se peut, à un certain équilibre. Je suis content que vous ayez analysé notre programmation, ça nous donne des clés.

Le programme des Nuits Secrètes est à retrouver ici.

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