© Sarah Bastin

On bascule dans une autre dimension” pour les Nuits Secrètes 2022

Du 22 au 24 juil­let se tient le fes­ti­val Les Nuits Secrètes à Aulnoye-Aymeries dans les Hauts-de-France. PNL, Orel­san, Char­lotte de Witte, Jamie XX ou encore Juli­ette Armanet se parta­gent l’af­fiche. Pour mieux com­pren­dre ce fes­ti­val atyp­ique où “prom­e­nades” rime avec “sonores” on a dis­cuté avec Olivi­er Con­nan, directeur du fes­ti­val. Rencontre.

Cette année on célèbre les vingt ans des Nuits Secrètes, quel festival vouliez-vous pour fêter cet anniversaire ?

Un fes­ti­val qui donne envie d’en repren­dre pour vingt ans. Cet anniver­saire est sym­bol­ique puisque cela fait deux ans qu’on doit le célébr­er avec cette his­toire de Covid. Le change­ment de site est finale­ment notre manière de fêter cet anniver­saire. On bas­cule dans une autre dimen­sion. Pas for­cé­ment pour accueil­lir énor­mé­ment plus de monde mais pour accueil­lir le pub­lic d’une meilleure manière. Cette année la grande scène se retrou­ve dans une prairie, qui est juste à côté du site his­torique du fes­ti­val. Mais on garde bien notre ADN comme l’Éden, qui est cette scène sous un toit rouge. Et on con­tin­ue de pro­pos­er nos par­cours secret avec des artistes qui ne sont pas annoncé·es. Les par­cours secrets sont vrai­ment des moments priv­ilégiés. On part en colo pen­dant 1h30. Et puis il y a une sorte de rap­port inver­sé ‚dans le sens où les gens ont l’impression d’arriver chez l’artiste, puisque c’est l’artiste qui attend le pub­lic con­traire­ment aux con­certs habituels. Cette année d’ailleurs, on organ­ise un week­end de par­cours et de prom­e­nades du 16 au 17 juil­let. On fera notam­ment des croisières et il y aura pas mal d’artistes du label de musique élec­tro InFiné.

Quelle sen­sa­tion cela fait de regarder vingt ans en arrière et de voir le chemin parcouru ?

Quand on regarde ce qu’on a fait ces vingt dernières années, on a surtout hâte de retrou­ver ce qu’on a un peu per­du en 2019.  Au niveau de l’équipe, on hal­lu­cine tou­jours de voir ce que le fes­ti­val est devenu, de voir com­ment le pro­jet est appré­cié locale­ment et régionale­ment. Il y a vingt ans je tour­nais les pochettes des albums que j’écoutais, il y avait des numéros de télé­phone dessus, j’ap­pelais. J’ai con­tac­té des potes et on a com­mencé à organ­is­er quelques con­certs. Et puis, il y a eu cette idée de créer fes­ti­val avec la ville. À cette époque à la mi-août, il y avait une fête locale à Aulnoye-Aymeries, un peu pop­u­laire et l’équipe munic­i­pale s’est adressée à nous pour inclure la jeunesse. On s’en est donc emparé et puis c’est devenu une fête avec un ter­reau local très fort, et plein de par­tic­u­lar­ités. On l’a appelée Les Nuits Secrètes. C’est un fes­ti­val un peu à l’image des fêtes du Nord comme on se les imagine.

Dérè­gle­ment cli­ma­tique, mou­ve­ment #metoo, com­ment fait-on pour organ­is­er un fes­ti­val respon­s­able et safe ? Pourquoi c’est impor­tant pour vous ?

En vingt ans on a for­cé­ment évolué, gran­di, comme le pub­lic et les artistes. On veut donc que les choses soient en adéqua­tion avec nos valeurs. Je ne sais pas si Les Nuits Secrètes est un fes­ti­val éco­lo, mais c’est un fes­ti­val durable et sol­idaire. On ne tra­vaille qu’avec des producteur·trices locaux·ales. Il n’y a pas de Coca-Cola ou d’Heineken chez nous. On sert du jus de pomme bio local et des bières de la région. On tient égale­ment à plac­er la mix­ité sociale, la préven­tion et la pro­tec­tion au coeur de notre expéri­ence. Par exem­ple cette année, sur la ques­tion de la préven­tion on a créé un espace dit “safe”, appelé “Nuits douces”. On va y trou­ver des stands d’infos, des talks, des ate­liers, et des pro­fes­sion­nels. Les festivalier·es pour­ront être pris·es en charge. On tra­vaille aus­si avec les Cather­inettes, une asso­ci­a­tion lut­tant con­tre les vio­lences sex­istes et sex­uelles dans les milieux fes­tifs. Elles ont for­mé le per­son­nel sur la ques­tion d’actualité des piqures.

Com­ment avez-vous réfléchi à la programmation ?

L’idée est de pro­gram­mer du live donc for­cé­ment il faut, en pre­mier lieu, aller en con­cert pour repér­er les artistes. Ensuite on se sert d’outils qu’on a dis­po­si­tion. J’ai com­mencé à pro­gram­mer dans les années 90 et aujour­d’hui avec le web on a plein de nou­velles manières de défrich­er des artistes. La pro­gram­ma­tion se fait donc en allant en con­cert, en écoutant des albums, en regar­dant ce qu’on reçoit, en lisant des mag­a­zines comme Tsu­gi. On regarde aus­si ce qu’on a fait. Il y a un aller-retour entre les artistes qu’on décou­vre, qui ont une actu­al­ité et ceux pour lesquel•les on a une fidél­ité. Comme Orel­san et Vital­ic, qui sont venus respec­tive­ment 5 et 6 fois. J’aime bien l’idée que le pub­lic suive l’évolution d’un•e artiste.

Il y a un point d’honneur aux Nuits Secrètes à met­tre en avant des artistes locaux.ales, qui sont-ils/elles cette année? 

On aime pro­gram­mer des artistes de la région, que ça soit la région d’Aulnoye, des Hauts-de-France ou de Bel­gique. J’ai tou­jours con­sid­éré qu’on était un peu Belges dans notre his­toire, vu qu’on est à seule­ment 30 km de la fron­tière. La vital­ité de la scène belge est extra­or­di­naire… Com­ment faire sans eux ? Cette année on peut citer Satchel Hart, John­ny & Wal­lace, Essah Yasuke rappeuse de Roubaix, notre chorale locale rock’nroll des Mamys et Papys. Comme son nom l’indique, ce sont les plus jeunes du fes­ti­val,  avec une moyenne d’âge de 70 ans.  Il y a aus­si Ada Oda, Almost Lovers, Kubebe, Ralph Of Lon­don, Lit­tle Dad­dy Shake. Ce sont des artistes avec un univers sin­guli­er qu’on n’a jamais pro­gram­mé avant et qui ne sont pas tous·tes dans les  radars des dis­posi­tifs régionaux. On souhaite met­tre des artistes en avant, avant qu’ils ou elles éclosent.

Aux Nuits Secrètes les groupes et artistes féminins représen­tent 25 % de la pro­gram­ma­tion con­tre 54 % pour les groupes mas­culins et 20 % pour les groupes mixtes. Com­ment faire pour avoir une line-up paritaire ?

En fait, ces réflex­ions sur la par­ité dans la pro­gram­ma­tion sont assez récentes. Ça fait quatre-cinq ans qu’on en entend par­ler. Et je pense qu’il y a beau­coup d’endroits encore, où on n’y pense pas. Chez nous on y réflé­chit. Il y a eu des grands shows comme ceux de Chris­tine and the Queens, Jeanne Added, Pomme ou Camille avant qu’elles ne devi­en­nent des têtes d’affiches. Je ne les ai pas pro­gram­mées parce qu’elles sont des femmes, je les ai pro­gram­mées parce que j’aime ce qu’elles font. “Est-ce que artis­tique­ment ça nous paraît intéres­sant et est-ce que ça nous plaît ?” Ces ques­tions sont notre pre­mière grille de lec­ture. Ensuite effec­tive­ment on fait atten­tion, autant que faire se peut, à un cer­tain équili­bre. Je suis con­tent que vous ayez analysé notre pro­gram­ma­tion, ça nous donne des clés.

Le pro­gramme des Nuits Secrètes est à retrou­ver ici.

(Vis­ité 654 fois)