© Ronnie Zeemering

On va écouter quoi ces prochains mois ? Voici sept artistes repérés à Eurosonic

Dans le froid de jan­vi­er, une petite ville du nord des Pays-Bas accueille tous les ans le fes­ti­val Euroson­ic. Et voilà que Gronin­gen (Groningue en VF, mais on est d’accord, c’est moins joli) four­mille pen­dant trois jours de con­certs de groupes venus de tout le con­ti­nent, et accueille les Music Moves Europe Awards, récom­pen­sant la fine fleur des artistes émer­gents européens. On y a repéré sept artistes qui vont assuré­ment squat­ter nos playlists toute l’année.

À peine remis des Trans Musi­cales et la dinde de Noël tout juste digérée, tout le petit monde de la musique européenne s’est don­né rendez-vous dans le centre-ville de Gronin­gen. Pourquoi ? Ce ne sont pas les jolies rues pavées, le canal entourant le quarti­er ou les cro­quettes ven­dues dans des dis­trib­u­teurs automa­tiques qui attirent tous ces pro­gram­ma­teurs, bookeurs et jour­nal­istes – quoique, si vous passez à Gronin­gen, goûtez les eier­bals, ces œufs durs entourés d’une purée au cur­ry, panés, puis frits : c’est un régal et ça réchauffe le ventre.

 

À lire également sur Tsugi.fr : Live report : Astropolis l’Hiver, la transe en danse

 

Non, si Gronin­gen voit sa pop­u­la­tion de 230 000 per­son­nes quelque peu gon­fler début jan­vi­er, c’est parce qu’elle accueille Euroson­ic Noorder­slag (ESNS pour les intimes). Un copieux fes­ti­val de show­cas­es, à savoir un événe­ment rece­vant des groupes émer­gents, venant jouer des sets plutôt courts (40 min­utes le plus sou­vent), devant un pub­lic local (un peu) et pro­fes­sion­nel (beau­coup). L’occasion rêvée pour décou­vrir en live tel groupe de rock serbe, ou telle sen­sa­tion pop croate… Et décou­vrir avant tout le monde la nou­velle sen­sa­tion de la pop, du rock, des musiques élec­tron­iques ou tout ça à la fois. C’est là que l’on a enten­du pour la pre­mière fois Angèle, n’ayant alors sor­ti qu’un seul sin­gle, bien avant qu’elle ne prenne un virage var­iété con­venant un peu moins à ces pages. C’est aus­si là que l’on s’est pris notre pre­mière claque Psy­chot­ic Monks, fasci­nant groupe rock que l’on a voulu inviter quelques années plus tard sur notre Tsu­gi Birth­day Tour. Sur la trentaine de con­certs à laque­lle Tsu­gi a assisté cette année, entre deux inter­views (à venir très prochaine­ment sur Tsugi.fr), notre coeur a flanché par sept fois. Suiv­ez le guide.

 

Maestro Espada (Espagne)

C’est notre plus gros coup de foudre de cette édi­tion 2023, et le genre de pro­jets que l’on n’aurait peut-être jamais pu décou­vrir si vite, ailleurs qu’à Euroson­ic. Mae­stro Espa­da est un duo de frères orig­i­naires de Mur­cia, dans le sud de l’Espagne, qui se sert de l’héritage folk­lorique de leur ville pour créer une hybri­da­tion élec­tron­ique absol­u­ment fasci­nante, tan­tôt douce et har­monieuse, tan­tôt empreinte de mélan­col­ie ou de noirceur. Pour le moment, deux titres seule­ment exis­tent en ligne, mais quels titres ! Il faut dire qu’Alejandro et Vic­tor ont bien su s’entourer : leur futur pre­mier album va être pro­duit par Raül Refree, qui était aux manettes du pre­mier disque d’une cer­taine Ros­alía. Après la claque de leur con­cert à l’Akerk, une église trans­for­mée en cen­tre cul­turel, entre syn­thé­tiseurs et instru­ments tra­di­tion­nels, on com­prend pourquoi le pro­duc­teur, coqueluche des artistes espag­nols actuels, s’est entiché de ces deux frères. À sur­veiller de très, très près.

Eurosonic

© Ron­nie Zeemering

KOIKOI (Serbie)

Ils étaient nom­més aux Music Moves Europe Awards, la céré­monie de remise de prix organ­isée chaque année à l’occasion d’Eurosonic et récom­pen­sant les tal­ents européens de demain. Et comme sou­vent, le comité de sélec­tion des MME Awards ne s’y est pas trompé : KOIKOI est excel­lent en live. Ce groupe rock de Bel­grade taquine le shoegaze, le psy­chédélisme, le kraut, et gueule des refrains en serbe que l’on se fiche bien de ne pas pass­er à la moulinette Google Trad’. Le tout porté par des syn­thés joli­ment per­chés, et des cho­ristes à la voix claire et pincée, typ­ique des chants des pays de l’est. À voir dans une fos­se en sueur, où le chanteur et gui­tariste Marko Grabež aime d’ailleurs descen­dre quand son con­cert prend des airs d’explosions volcaniques.

 

Baby Volcano (Suisse)

Plus qu’un con­cert, ce sont des per­for­mances que pro­pose Baby Vol­cano. Le torse nu et tâché de sang, la danse désar­tic­ulée, la pos­ture de rappeuse belliqueuse, la Suissesse met en scène son corps ath­lé­tique sans le sex­u­alis­er, le mon­trant pour ce qu’il est : un mer­veilleux vais­seau pour sa musique hybride, entre hip-hop, trap et pop sud-américaine. Décon­cer­tant, claire­ment, mais captivant.

 

Bulgarian Cartrader (Bulgarie/Allemagne)

Cette chan­son a fait de moi un mil­lion­naire du stream­ing, ça m’a per­mis de pay­er l’assurance de la voiture”, bal­ance en riant le mous­tachu Bul­gar­i­an Car­trad­er avant d’entamer son hit “Gold­en Rope”. Mais la discogra­phie de ce musi­cien bul­gare, instal­lé aujourd’hui à Berlin, ne se lim­ite pas à un seul morceau : c’est bien sim­ple, l’entièreté de son set était com­posé de tubes. Des petites mer­veilles pop, feel-good, dévoilées entre deux blagues et autant de pas de danse. Ou com­ment alli­er avec une facil­ité décon­cer­tante charme, humour et voix soul (c’est qu’il chante bien le bougre !).

 

November Ultra (France)

Elle vient de rem­porter la Vic­toire de la Musique de la révéla­tion fémi­nine de l’année. Et c’était peut-être la seule Vic­toire de la soirée à vrai­ment avoir un sens, suiv­ie par un dis­cours qui en avait tout autant : en larmes, Novem­ber Ultra a rap­pelé que sa mère lui avait dit “tu sais, les enfants d’ouvriers c’est rare qu’ils arrivent à devenir artistes… Regarde maman !” Sa maman avait déjà de quoi être fière un mois plus tôt, quand la chanteuse française a créé un moment hors du temps, une bulle de douceur et de beauté à Euroson­ic, dans l’église luthéri­enne de Gronin­gen. Seule en scène, tan­tôt à la gui­tare tan­tôt aux claviers, en espag­nol comme en anglais, Novem­ber Ultra touche, trans­porte, avec ses chan­sons de bed­room pop dépouil­lées et émou­vante. Alors oui, on est sur de la tristesse, de la nos­tal­gie, de la mélan­col­ie, pas sur un con­cert de la Com­pag­nie Créole. Mais elle ne manque jamais de déten­dre un poil l’atmosphère entre deux bal­lades, his­toire de ne pas trop fil­er le bour­don. Oui, Mélanie Pereira, au civ­il, est drôle, naturelle et maligne. Mais elle aurait pu être chi­ante comme la pluie qu’on aurait quand même adoré son con­cert. Frissons.

© Ben Houdjic

 

Chibi Ichigo (Belgique)

Une grosse influ­ence Prodi­gy et Chem­i­cal Broth­ers, des paroles rap­pées en russe, les BPMs qui s’affolent… C’est à peu près la recette imag­inée par cette pile élec­trique de 24 ans, Belge d’origine Russe, accom­pa­g­née sur scène de danseurs tout aus­si énergiques – et portés sur le vogu­ing. Un chou­ette bon­bon pour décharg­er les ten­sions et danser un bon coup.

 

Heartworms (Royaume-Uni)

Comme pour Mae­stro Espa­da, les pos­si­bil­ités d’écouter Heart­worms en stream­ing sont pour l’instant lim­itées : l’Anglaise n’a que trois sin­gles à son act­if. Mais cela suf­fit pour entour­er son nom d’un gros rond au mar­queur rouge dans nos car­nets d’artistes à suiv­re. Nou­velle sig­na­ture du label Speedy Wun­der­ground, où l’on croise égale­ment Squid, Flamin­gods, black midi ou Black Coun­try, New Road (on ne va pas citer tout le cat­a­logue : tout est très bon), Jojo Orme dévoile petit à petit un rock ten­du, nerveux, porté par des paroles scan­dées ou chan­tées, sur­fant sur la vague post-punk qui défer­le en ce moment sur le Royaume-Uni et l’Irlande tout en y ajoutant une inso­lence toute per­son­nelle. C’est sûr et cer­tain : on va encore en enten­dre parler.

© Bart Heemskerk

Vis­itez le site du fes­ti­val Eurosonic

(Vis­ité 718 fois)