đȘ Ouest Park : on vous raconte le festival le plus perchĂ© de Normandie
Dans l’enceinte du fort de Tourneville, nichĂ© sur les hauteurs du Havre, environ 18 000 festivaliers se sont donnĂ© rendez-vous du 20 au 24 octobre pour le Ouest Park Festival. Un retour en force aprĂšs une Ă©dition 2020 un peu transformĂ©e Ă cause de la crise sanitaire. Tsugi s’est rendu sur place pendant deux jours. Du soleil, de jeunes talents, des cĆurs qui battent et des pieds qui tapent : on vous raconte comment c’Ă©tait.Â
En ce dĂ©but de week-end, aller au Havre depuis Paris nâest pas un long fleuve tranquille. Le train direct au dĂ©part de la capitale est bondĂ©. AprĂšs un trajet rallongĂ© dâune heure Ă cause de travaux sur la ligne, un arrĂȘt dâune vingtaine de minutes Ă Rouen, on finit enfin par y arriver. LâhĂŽtel se situe Ă deux pas de la gare. Le temps de dĂ©poser les affaires, deux ou trois gorgĂ©es dâeau, un bon vieux sandwich triangle (oui oui), et câest parti. Direction le Ouest Park Festival qui se situe sur les hauteurs de la ville. Le Havre a la particularitĂ© dâĂȘtre une citĂ©e divisĂ©e en deux : la ville basse, partie la plus riche. Et la ville haute, secteur le plus populaire.
![Ouest Park](https://www.tsugi.fr/2023/wp-content/uploads/2021/10/am9a1826-1024x683.jpg)
©Mickael Liblin
Sur le trajet qui mĂšne au Ouest Park, on peut dire quâon est loin des ambiances dâavant-festival : les rues sont presque vides, seul deux ou trois groupes de jeunes qui dĂ©ambulent nous rappellent que nous sommes bel et bien samedi soir. On est loin dâimaginer quâĂ quelques centaines de mĂštres a lieu le plus grand Ă©vĂ©nement musical de la ville et cela depuis maintenant 17 ans. Et pourtant, aprĂšs 20 minutes de marche et la montĂ©e dâun escalier bien abrupte dâenviron 700 marches (pas eu le temps de les compter), on arrive au fort de Tourneville. Quelques festivaliers se pressent dĂ©jĂ devant lâentrĂ©e du site. Au moment de rĂ©cupĂ©rer les accrĂ©ditations, un « Vladimir Cauchemar vient dâarriver » lancĂ© au talkie-walkie nous met dĂ©jĂ dans lâambiance.
Premiers pas sur le site et premiĂšres impressions Ă chaud (ou plutĂŽt Ă froid au vu de la tempĂ©rature extĂ©rieure) : le Ouest Park est un festival, comme le veut la formule, « à taille humaine ». On se rend compte tout de suite que, pour une fois, on sera Ă©pargnĂ© des interminables files dâattente qui caractĂ©risent gĂ©nĂ©ralement ce type dâĂ©vĂ©nement. On dĂ©couvre dâemblĂ©e trois scĂšnes : les deux premiĂšres sont nichĂ©es sous un chapiteau. On apprend dâailleurs que la tempĂȘte de mercredi soir a bien failli mettre un terme au festival. La partie basse du grand chapiteau sâest dĂ©tachĂ©e, ce qui a fragilisĂ© lâensemble de la structure. Une heure de plus et câest la tente entiĂšre qui sâenvolait. Soupir de soulagement de la part des salariĂ©s du festival et des 200 bĂ©nĂ©voles qui travaillent dâarrache pied, pour certains depuis quelques heures, pour dâautres, plusieurs mois, voire 365 jours par an. La troisiĂšme scĂšne est, elle, situĂ©e Ă lâintĂ©rieure du Tetris, la salle de musiques actuelles de la ville.
Assez parlĂ© et passons aux choses sĂ©rieuses. Cette soirĂ©e sâouvre en douceur sur la grande scĂšne avec Ayo. Ambiance familiale, on sent que le week-end commence, les jambes peines Ă se dĂ©gourdir. La chanteuse a mĂȘme ramenĂ© sa tasse de thĂ© sur scĂšne. Mais pour un dĂ©but de soirĂ©e, câest parfait. Avec sa voix dĂ©licieusement soul, Ayo nous met dans un cocon pour les premiĂšres chansons. Puis, elle dĂ©gaine une reprise de « NĂ© quelque part » de Maxime Le Forestier. Un titre qui ne sort pas de nulle part puisquâil figurait dĂ©jĂ sur son album Royal, sorti en 2020. Enfin, la magie opĂšre. Les esprits et les corps sâĂ©chauffent. Ă peine le temps de se refroidir sur le chemin et on enchaine avec le concert de Silly Boy Blue sur la scĂšne du Fort. Ca y est, on entre bel et bien dans le feu de lâaction, et ça fait du bien. Les festivaliers ont eux aussi lâair dâapprĂ©cier le moment : les verres se remplissent, les voix sâĂ©lĂšvent. Parmi eux : des familles, des retraitĂ©s et beaucoup d’Ă©tudiants. On sent que dans une ville oĂč lâoffre culturelle est en pleine effervescence, le festival rassemble au-delĂ des gĂ©nĂ©rations. Un mĂ©lange que lâon doit sĂ»rement aux prix trĂšs attractifs de lâĂ©vĂ©nement (32e pour une soirĂ©e, 52e les deux jours). CĂŽtĂ© consos, mĂȘme constat, les prix sont plus que raisonnables. La biĂšre sans alcool est mĂȘme gratuite, fait assez rare dans un festival pour ĂȘtre soulignĂ©.
Ă lire Ă©galement
Interview : Silly Boy Blue, la comĂšte que personne nâarrĂȘte
Une rapide pause repas et câest dĂ©jĂ lâheure dâHervĂ©. « Tu vas voir, sur scĂšne, il se donne ». Ce nâest pas la premiĂšre fois que de telles paroles sont prononcĂ©es concernant les concerts du chanteur. La confirmation vient quelques minutes plus tard. Quâon aime ou pas, HervĂ© diffuse une Ă©nergie bluffante pendant lâheure entiĂšre du show (oui, appelons-le comme ça). Il danse, joue du clavier, chante, saute, crie, monte sur les structures de la scĂšne. La liesse atteint son paroxysme lorsquâil dĂ©gaine une Ă©charpe de lâĂ©quipe du Havre Athletic Club, choppĂ©e au stade avant son concert. Dans la foule, câest lâexplosion.
![Ouest Park](https://www.tsugi.fr/2023/wp-content/uploads/2021/10/am9a2075.jpg)
©Mickael Liblin
Au Tetris, les suĂ©dois du groupe post-punk Viagra Boys viennent de commencer leur concert. LĂ aussi, pur shoot dâĂ©nergie. Les corps transpirent, on balance de la biĂšre sur la scĂšne. Bref, un concert de rock comme on les aime. Ă la seule diffĂ©rence que les morceaux du groupe sont nourris de dĂ©licieux solos de saxophone, rendant le tout singuliĂšrement moderne. Ă la sortie de la salle, le coin jeux dâarcade est plein : flippers, baby-foot gĂ©ant⊠Lâexpression « deux salles, deux ambiances » prend alors tout son sens. MalgrĂ© le froid dehors, la foule se fait de plus en plus dense. Ă lâintĂ©rieure de la caravane spectacle, quatriĂšme scĂšne un peu spĂ©ciale du festival, un concert de Pink Flamingos se prĂ©pare. La promiscuitĂ© de la caravane donne une ambiance feutrĂ©e, qui lâest de moins en moins au fur et Ă mesure quâavance la nuit. Un exemple concret nous est donnĂ© par ce festivalier qui se saisit du micro et lance « Yâa-t-il un pilote dans lâavion ? ».
ĂÂ lire Ă©galement
Playlist : les 4 groupes les plus bandants du moment selon Viagra Boys
Il est 00h30, Vladimir Cauchemar sera sur la scĂšne du fort dans 10 minutes et dĂ©jĂ , le chapiteau est plein Ă craquer. Le DJ masquĂ© dĂ©roule son set habituel (on lâavait vu en aoĂ»t dernier au Delta Festival Ă Marseille) et joue avec ses rappeurs fĂ©tiches : des remixes de Laylow, Soso Maness ou encore 13 Block. Certes un peu rĂ©pĂ©titif, mais on lui accorde, la formule fonctionne : le public est aux anges. Au Tetris, on reste dans lâĂ©lectro avec Tolvy qui vient clĂŽturer la soirĂ©e. AccompagnĂ©e de ses pads, la jeune artiste prĂ©sente ses productions : de la techno Ă la dubstep en passant par la trance, avec une scĂ©nographie impeccable. Ă pianoter de la sorte face au public avec une dextĂ©ritĂ© folle, Tolvy nous rappelle un peu Fakear (repris d’ailleurs dans son dernier track), Ă la diffĂ©rence que les BPM sont relativement plus Ă©levĂ©s. On serait bien restĂ© jusquâau bout de la nuit, mais le set se termine et, on lâavoue, cette soirĂ©e nous a bien fatiguĂ©s.
![Ouest Park](https://www.tsugi.fr/2023/wp-content/uploads/2021/10/am9a2490.jpg)
©Mickael Liblin
Au Ouest Park, la derniĂšre journĂ©e du festival est toujours gratuite. Un peu comme une tradition. MalgrĂ© ce dimanche ensoleillĂ©, le site peine un peu Ă se remplir. Ă cĂŽtĂ© de la caravane spectacle, la compagnie « Stand 2000 » fait dĂ©filer les enfants au micro. Ambiance Ă©cole de fan un peu trash avec Ă la clĂ© des cadeaux de rĂ©cupâ. Tordant. Au Tetris, Câest Karma nous confirme que la musique est bien au rendez-vous aujourdâhui. Elle enchaine des solos de guitare et des titres aux accents Ă©lectro. Avec sa voix cristalline et un humour dĂ©calĂ©, la jeune artiste arrive aussi bien Ă nous impressionner en parlant dâamour que de spaghettis, rĂ©fĂ©rence Ă son dernier single.
Alors quâon sentait lâambiance du dimanche prendre le dessus, cornets de glace dĂ©gustĂ©s au soleil et discussions Ă mi-voix en sirotant une biĂšre, lâĂ©nergie dĂ©bordante de Bandit Bandit vient tout balayer dâun revers de la main. Comme possĂ©dĂ©e, la chanteuse du groupe de rock pose sa voix sur des notes de guitare Ă©lectrique qui font dĂ©cidemment beaucoup de bien en cette fin de Ouest Park. Le dĂ©montage de la scĂšne principale commence, le ciel se couvre, noyĂ© dans lâeffervescence du festival, on ne pensait plus trop Ă ce moment fatidique. Avant de partir, un rapide passage par la scĂšne du Fort : Java donne le dernier concert. Le chapiteau plein Ă craquer nous confirme que Ouest Park a rĂ©ussi son pari : proposer un Ă©vĂ©nement accessible et familial, tout en gardant une programmation Ă©clectique et pointue, en laissant une place Ă©gale aussi bien Ă des artistes confirmĂ©s qu’Ă de jeunes talents. Durant le festival, des nombreuses voix auront raisonnĂ© dans lâenceinte du fort. Parmi elles, on en entend une sâĂ©lever un peu plus que les autres : celle du retour Ă la vie.
![Ouest Park](https://www.tsugi.fr/2023/wp-content/uploads/2021/10/pa240355.jpg)
©Claire-Lise Hardant
![Ouest Park](https://www.tsugi.fr/2023/wp-content/uploads/2021/10/am9a2341.jpg)
©Mickael Liblin