đ„ Fight Club : le nouvel album de Black Dice, pour ou contre ?
Un album, deux avis. Aujourdâhui sur le ring, le nouvel album de Black Dice, Mod Prog Sic. Fight !Â
Chronique issue du Tsugi 144 : Voyage sur la planÚte ambient, disponible en kiosque et à la commande en ligne.
Le monde de la musique est un Ă©ternel recommencement. En 2002, le quatuor de Brooklyn Black Dice avait lâhonneur de devenir le tout premier groupe Ă publier un album sur le jeune label DFA, fondĂ© par un certain James Murphy et son comparse Jonathan Galkin. Loin du son punk-funk de LCD Soundsystem ou The Rapture, tĂȘtes dâaffiche de la maison, Beaches&Canyons Ă©tait une inclassable odyssĂ©e au pays de la dissonance rythmique, de lâexpĂ©rimental et du drone. Arty, barrĂ©, limite inaudible⊠mais il sâattacha un noyau dur de fans. Vingt ans plus tard, les choses ont changĂ©. DFA est entrĂ© en hibernation, minĂ© par le divorce acrimonieux de ses deux fondateurs. PoussĂ© vers la sortie, Galkin a fondĂ© le label Four Four, embarquant avec lui une partie des artistes. Ironie suprĂȘme, câest Ă Black Dice quâĂ©choit aujourdâhui la tĂąche de publier le premier album de la jeune structure. Black Dice lui aussi a changĂ©, dĂ©sormais trio, il a mis de lâeau dans son bruit, abandonnant sur ce septiĂšme album âle premier en une dĂ©cennie â les tunnels soniques de 16 minutes pour des compositions au format «pop». MĂȘme sâil semble difficile de parler de pop music concernant les douze titres de Mod Prog Sic, il nâexiste pas de mot plus adĂ©quat. Eric et Bjorn Copeland, accompagnĂ©s dâAaron Warren, ont abandonnĂ© leur quĂȘte de la dissonance Ă tous crins, et parviennent, par la logique interne complexe de leurs vignettes sonores Ă se rapprocher des productions de Mr. Oizo: beats hip-hop qui tournent au ralenti, basses dĂ©formĂ©es qui occupent tout lâespace, convulsions rythmiques, bribes de vocaux absurdes⊠En lĂąchant lâexpĂ©rimentation pure, Black Dice rĂ©ussit un vĂ©ritable tour de force: rendre accessible, et pas seulement aux esprits les plus curieux, une musique rĂ©putĂ©e difficile. Rien que pour ça, chapeau bas.
BenoĂźt Carretier
Je rebondis dâautant plus volontiers sur tes mots, mon cher collĂšgue et nĂ©anmoins ami, que je suis dâaccord avec toi. Effectivement, Black Dice «a mis de lâeau dans son bruit ». Je suis aussi dâaccord avec ton utilisation (par dĂ©faut) du terme «pop» (certains utilisent le terme «avant-pop» pour qualifier ce courant pop dâavant-garde, mais on ne va pas se lancer dans une guerre sĂ©mantique). Avec Animal Collective et dâautres, Black Dice fait partie de ces groupes (que nous avons souvent dĂ©fendus Ă Tsugi) qui tentent de renouveler le genre pour lâamener ailleurs, le rĂ©gĂ©nĂ©rer et on sait Ă quel point ces expĂ©rimentations rĂ©putĂ©es inaudibles finissent toujours par nourrir des productions autrement plus populaires. Le problĂšme commence quand jâĂ©coute le disque. Est-ce par lassitude ou mauvaise humeur que ces «beats hip-hop qui tournent au ralenti, basses dĂ©formĂ©es qui occupent tout lâespace, convulsions rythmiques, bribes de vocaux absurdes » me semblent aujourdâhui franchement pĂ©nibles ? Black Dice a beau se faire moins extrĂȘme et plus abordable sur cet album, ses cavalcades bruitistes me paraissent aussi crispantes que dĂ©passĂ©es. Je dis cela en ayant conscience quâen dâautres temps (ou dâune autre humeur) jâaurais Ă©tĂ© beaucoup moins sĂ©vĂšre. Mais comme tu le rappelles toi-mĂȘme, câest leur septiĂšme album et cela fait vingt ans quâils «dĂ©construisent » la pop. En clair, jâai lâimpression dâavoir entendu ça cent fois et jâen ai marre. DĂ©solĂ©. Bon, aprĂšs, ce nâest que mon avis et je ne veux dĂ©goĂ»ter personne dâun groupe dont les ambitions me semblent tourner mĂ©chamment en rond.
Alexis Bernier