Panoramas Festival : à Morlaix, teuf rime avec meufs | LIVE REPORT
Depuis 1998, Morlaix accueille le festival Panoramas organisé par les équipes de Wart. Durant quatre jours, l’ancienne usine de tabac rénovée en centre culturel est investie pour y dérouler une programmation profondément électronique. Tsugi y était, on raconte.
Qui a déjà osé dire qu’il n’y avait en Bretagne que de la pluie et des crêpes, n’a clairement jamais goûté aux délicieuses saveurs de leurs teufs. La culture du sound system est dans le sang des Bretons, qui la vivent depuis plus de 30 ans. La preuve ce week-end encore avec la 27e édition du premier festival de la saison : Panoramas.

Morlaix / © Siam Catrain
À peine arrivé à la gare de Morlaix, l’accueil donne déjà le ton du festival : soleil et sourires. Les « bienvenue » fusent. Tandis que Scratch Massive joue à Tetris avec leur runneuse, entre les valises et le van, on file, accompagnées de Bérou et Mystery Kid, vers le cœur des festivités.
À l’intérieur du SEW, les équipes de Wart s’affairent dans chaque recoin de l’ancienne Manufacture des tabacs. Il est 18 h, une heure avant l’ouverture du festival. Timing parfait pour laisser aux organisateurs et au maire le temps de présenter cette édition 2025 de Panoramas.
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Les mots d’ordre cette année : décroissance et mixité. Panoramas annonce la couleur aux autres festivals. Plus que des mots, ce sont aussi des chiffres qu’on avance. Cette année, la prog est majoritairement féminine, à 54 % : 19 projets féminins et trois mixtes. La capacité d’accueil, autrefois d’environ 15 000 festivaliers, a été revue à la baisse pour s’intégrer pleinement dans la ville de Morlaix et proposer une expérience plus intimiste. L’idée, finalement ? Ne pas faire plus, mais faire mieux.
« Meuf viens, il est trop bien le concert au SEW »
Les grandes annonces sont faites et l’impatience monte. Mystery Kid trépigne. Elle nous glisse quelques indications sur son set du soir, largement EBM, avec un track qu’elle n’a apparemment encore jamais joué en live (ndlr : hâte !). Après une anecdote sur « une fenêtre de château qui a pété à cause d’un son aux basses un peu trop fortes », on fait un petit tour pour repérer les différentes scènes : La Cour, le SEW, Le Jardin.

Scratch Massive | © Guénolé Humeau
20h sonne et Bérou ouvre le bal avec un set résolument techno. Un bel avant-goût de ce qui nous attend. Dans la foule, on entend : « Oh meuf viens, il est trop bien le concert au SEW ! » On file, car pas de doute : Scratch Massive vient de commencer. Sébastien Chenut est électrique derrière ses machines ; Maud Geffray, d’une précision chirurgicale derrière son contrôleur, s’élance sur scène, micro aux poings. La tension monte et la foule est captivée. Jeanne Added et Yelle les rejoignent, portées par un charisme rare, pour interpréter respectivement « You Can’t Hide » et « Des Choses ».
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Sur la scène de La Cour, Swooh met une claque à base de bass music, ghetto tech et footwork, quelle technique ! La piste de danse se remplit. Peu importe l’âge on sautille, on sort ses plus beaux mouv’. Le festival commence et la température est anormalement élevée pour la saison au SEW. Vanille monte sur scène et ouvrir la danse : celle du roulements d’épaules et du piétinement fougueux sur une hard tech sauvage. Le public est ravi.

Panoramas, La Cour | © Guénolé Humeau
En flânant on croise des cosmonautes, des écrevisses et des milliards de paillettes, sur fond de joyeuses retrouvailles. Bière dans une main, galette-saucisse dans l’autre, parfait attirail pour entamer ce premier jour de festival. Un détour par la salle du SEW pour écouter le fameux track dont Mystery Kid nous a parlé, un passage éclair pour voir Vel derrière les platines du Jardin… qu’il est déjà l’heure d’aller voir NTO. La tension est palpable, juste avant les premières notes d’un track électronique liquide, 100 % Anthony Favier. La déflagration est d’autant plus saisissante lorsque « La Clé des Champs » résonne.
La fête est sauvée
Lecteur·rice passionné·e, vous savez que Tsugi a le nez fin… et apparemment aussi un sixième sens pour le timing parfait. Alors qu’on quitte la scène à 00 h 29 pour aller écouter la réconciliation idéale entre techno et house par Jennifer Cardini au SEW, dans La Cour, à 00 h 34, le son s’arrête. La pluie tombée plus tôt dans l’après-midi a eu raison de NTO. Le travail des technicien·ne·s est d’une rapidité remarquable, et quelque temps après, le set repart de plus belle. La fête est sauvée.
Si un joueur de kazoo nous donne le sourire, Sedef Adasï nous fascine par la puissance de ses sons. Mandragora réalise nos rêves d’ado psytrance les plus fous, et Alarico nous hypnotise… jusqu’à ce que la fatigue ait raison de nous.
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Deuxième jour, nos jambes courbaturées par la première nuit ne seront pas venues à bout de notre dévorante envie d’explorer Morlaix. Des befores se montent à la sortie de la supérette pour cell·eux qui n’ont pas réussi à trouver une place au soleil, au bar du centre : Le Commerce. À deux pas de la Mairie, à la porte du bar, un premier DJ set. Après une ascension du Viaduc et la traversée des nombreuses venelles de Morlaix, on reprend le chemin du port et de son ancienne usine de tabac.

Etienne de Crécy | © Guénolé Humeau
En retrouvant l’enceinte du festival, difficile de ne pas se faire happer par l’énergie du b2b entre RONI et Amor Satyr. Derrière les platines, les deux amis de longue date rient et se challengent sur des transitions toujours plus audacieuses — et ça, pour notre plus grand plaisir. « Boom, Boom, Boom, Boom!! » des Vengaboys vient clore ce premier DJ set, laissant échapper autour de nous des « oh oh oh oh oh » (à lire au rythme de la musique, évidemment).
« Boom boom boom boom, I want you in my room »
Avant d’aller interviewer Amor Satyr et RONI, on tente de passer une tête au set de Perceval, mais difficile d’y glisser ne serait-ce qu’un pied : la salle est pleine à craquer.
Une heure plus tard, la salle est toujours aussi pleine. Cette fois-ci, pas d’armure reluisante : Marion Di Napoli et sa « mystical techno » livrent une leçon de hard music, avec des morceaux aussi survoltés que galopants. Sur la scène d’à côté Étienne de Crécy, habitué du festival et du public breton, envoie tout autant d’intensité. Ce soir, il n’a pas prévu de faire du Super Discount : les tracks sont bien trop riches. Nappes de basses féroces et kicks compacts s’accompagnent de textures abrasives, quasi industrielles. La Cour est pleine et en liesse.

Urumi | © Guénolé Humeau
La relève par le collectif
Après les pontifes, la curiosité oblige à découvrir la relève sur la scène du Jardin, investie ce soir par cinq collectifs bretons : Canal 16, Westsound, Trackass, Seanapse et Nox Aeterna. Les sonorités sont brutes, mais la connexion entre les artistes et le public est palpable. Guénolé, photographe sur cette partie du festival, me confie même que grâce à elles et eux, il s’est « réconcilié avec la techno ».
Au SEW Urumi nous rabiboche, elle, avec la hard music grâce à un set accessible et varié. LB aka Labat prend le relais d’Étienne de Crécy avec une sélec’ de tracks méticuleuse. Des respirations sur des breaks suspendus ou des intros empruntées au hip hop exploitent le contraste pour renforcer l’intensité du set. Cette deuxième journée de Panoramas finit en transe sur le set de Sama Abdulhadi et un dernier track qui sonne comme une consécration. D’infatigables « encore! encore! » s’élèvent. La sécurité ferme les portes du SEW ; les sourires eux, restent collés sur tous les visages.
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Dimanche matin, les festivaliers émergent, partageant les anecdotes de la veille avant de se diriger vers la plage pour une ultime recharge pour se préparer à la soirée de clôture. L’ambiance, plus intimiste, n’entame en rien l’énergie d’un line-up entièrement féminin. Dès l’entrée du SEW, les basses d’une techno robuste résonnent agrémentée de clins d’œil pop, de Cascada à Jul. Aux platines, on retrouve une Digé Momo rayonnante, bien décidée à offrir aux survivant·es une soirée mémorable.

Minuit Machine / © Siam Catrain
À l’extérieur, des tables investissent l’ancien espace de La Cour. Après un cours improvisé d’ostréiculture et une discussion animée avec Marius sur la différence entre mocassins à glands et chaussures bateau, Camille de Wart annonce : « Ça commence. » Sous les lueurs froides du néon emblématique de Minuit Machine, le SEW se mue en salle de concert. Amandine Stioui offre une performance où des rythmes rigoureux et mécaniques soutiennent une voix puissante. Chaque morceau, alterne entre montées en tension et résolutions cathartiques. Difficile d’imaginer prestation plus touchante pour Minuit Machine, que dans cette salle qui a vu mûrir son projet Queendom.
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À peine le concert terminé, le dancefloor face au bar s’anime de nouveau. Valentine Groove invite au festival la lumière et la chaleur d’une disco house bien groovy. Camille Doe vient clore la scène tandis que les dernières photos souvenirs s’immortalisent. L’heure est aux grands « au revoir », ou plutôt « à bientôt », adressés aux équipes de Wart et à ce festival hors normes, niché au creux de Morlaix. La promesse est réitérée : « Juré Panoramas, l’année prochaine aussi, on sera là. »
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Meilleurs moments : L’impressionnant set de Swooh, l’alchimie du b2b de RONI et Amor Satyr, la performance inoubliable de Sama Abdulhadi
Pire moment : la tentative désespérée de voir une partie du set de Perceval
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