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Mura Masa sur la Grande Scène - Crédit : Kimberley Ross
5 novembre 2019

Pitchfork Music Festival Paris 2019 : À la croisée des mondes

par Lolita Mang

Nouvelle formule pour le Pitchfork parisien, qui après 9 années d’existence, décide de bouger les lignes pour sa nouvelle édition. 2 nouvelles scènes et une soirée dédiée au hip hop, venant s’ajouter à deux nuits tournées vers l’avant-garde de la pop et de l’électro, genres emblématiques du festivals.

From London with rage

 » Fuck !  » C’est le mot que l’on aura le plus entendu durant ses trois jours sous la Grande Halle de la Villette. Que ce soit avec un accent ultra-prononcé chez le rappeur slowthai, qui affirme son appartenance britannique en performant en caleçon sur la scène de la Nef, ou bien dans la bouche de Charli XCX, prête à retourner son public parisien au sein d’une  » fucking party  » Avec Chris(tine & The Queens) comme invitée d’honneur pour le tube «  Gone « , la Britannique a assis son titre de pop star. Et son public peut le confirmer, lui qui pensait assister à un concert, mais qui s’est en réalité retrouvé à un cours d’aérobic.

Heureusement, tous les Anglais ne sont pas révoltés par l’ambiance chaotique qui règne chez nos confrères depuis le vote du Brexit. Si la soirée du jeudi fut marquée par la scène hip hop, la programmation s’était octroyée quelques exceptions. Entre Ezra Collective sur la grande scène ou Yussef Dayes dans la salle exiguë de la Petite Halle, Pitchfork prouve que le jazz prend une belle place sur la nouvelle scène britannique, qui envahit ainsi les quartiers de la Villette. Du côté de la Nef, un peu plus tard, c’est Flohio, rappeuse londonienne originaire du Nigeria, qui démontre qu’elle maîtrise les kicks comme nulle autre. On regrette toutefois une réception un peu molle par un public qui se désagrège, à mesure que le concert d’Hamza se fait de plus en plus proche.

slowthai – Crédit : Matt Lief Anderson

We’ll meet in Twin Peaks

Deuxième soir. Deuxième destination. Avouons-le tout de suite : on ne s’est jamais vraiment remis de la bande originale de Drive. Ni de celle de la saison 3 de Twin Peaks. Leur point commun ? Johnny Jewel, qu’il se cache derrière Chromatics ou Desire. Le maître d’une musique façon film noir s’est emparé de la grande scène pour le deuxième soir du festival. Dès 19 heures, c’est en compagnie de la Canadienne Megan Louise devant un petit public d’initiés pour un show tout en sensualité où l’italo-disco est exploré sous toutes ses coutures. Plus tard, avec une formation bien plus conséquente, il revient avec Ruth Radelet, Adam Miller et Nat Walker. Morceau d’introduction :  » Tick Of The Clock «  — le même qui ouvre le film de Nicolas Winding-Refn, et qui fait magistralement monter la tension. C’est parti pour un show d’une heure ultra-calibré et policé. Si l’on est enthousiaste, il faut avouer que l’envoûtement ne fonctionne pas vraiment, gâché par ces mille artifices.

Heureusement, nous aurons d’autres occasions d’être ensorcelés sur ces trois nuits. À commencer par la sorcière du son Caroline Polachek, dont le show à l’allure gothique n’est pas sans rappeler une certaine Kate Bush. Voix éthérée et synthé vaporeux sont au rendez-vous, on est conquis. Mais pas autant que devant Clara Cappagli, chanteuse délurée du duo Agar Agar. On craignait un live tout doux, à l’image des deux albums du groupe. Au contraire, il orchestre un live complètement barré. Mention honorable à l’énigmatique  » mec de la sécu’ «  aux lunettes bien trop stylisées, au corps bien trop mince, qui ôte son déguisement au milieu du concert pour finir torse nu, et emporter la foule dans sa transe. C’est simple, après Agar Agar, on ne sait plus comment marcher. Un dernier verre et ça repart. C’est entre SebastiAn (qui mixe des moteurs de voitures de course, et termine, ce n’est pas nouveau, son set par Rage Against The Machine) et 2manydjs que l’on termine cette ultime soirée.

Chromatics – Crédit : Alban Gendrot

Kids will be alright

Mais finalement, au-delà de tous ces gros noms, que retient-on de cette édition du Pitchfork ? Malgré la chaleur de la Petite Halle ou les profondeurs du Studio, il faut bien l’avouer : c’est là que l’on a fait les plus belles découvertes. À commencer par les joyeux lurons de Squid, pour lesquels on a même abandonné Nelson Beer, sa pop futuriste et ultra-sensuelle (c’est dire !). Devant la formation originaire de Brighton, on ne peut que se répéter, pour la énième fois :  » Ces Britanniques… « . Rois incontestés du post-punk, ils ne cessent de le prouver. Squid, c’est la claque de ce festival, entre trompette effrontée, batteur-chanteur sur-excité et guitariste hanté. En scrutant la salle compacte, on se dit qu’on a bien fait de réserver notre place au second rang, et on se laisse emporter.

C’est d’ailleurs dans cette même petite Halle que l’on retrouve CHAI, un peu plus tard dans la soirée. Et bam, seconde claque — venue cette fois d’un tout autre continent. CHAI, c’est un quatuor japonais composé des jumelles Mana et Kana, aux côtés de Yuna et Yuuki. Retenez-le, car on parie fort sur elles. Comme si on avait mixé les Spice Girls avec GIRLI, les quatre musiciennes retournent leur public entre une pop sauvage et une bonne dose de punk.

Aux côtés de ces deux formations que l’on qualifierait presque de révolutionnaires, ajoutons une artiste bien plus intimiste, mais pas moins talentueuse. C’est dans les sièges confortables du Studio que l’on part écouter Oklou lors d’ultime soirée du festival. Le show de Marylou Mayniel, Française exportée à Londres, se pose comme la synthèse parfaite du festival. Malgré un stress visible (et hautement exprimé), la chanteuse séduit son auditoire, entre morceau écrit moins de vingt-quatre heures plus tôt et chanson d’amour :  » C’est un morceau qui parle d’amour, mais quand je dis qu’il s’appelle  » Forever « , les gens se moquent de moi. Je m’en fiche, je sais que j’ai raison.  » Et ce que l’on préfère dans la musique, c’est encore la sincérité.

Agar Agar – Crédit : Alban Gendrot

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