đïž Rencontre avec les rockeuses dĂ©jantĂ©es Los Bitchos
Avec un preÂmier album rigoÂlo et jouisÂsif proÂduit par Alex KapraÂnos (Franz FerÂdiÂnand), le girls band instruÂmenÂtal anglais Los Bitchos remet la feÌte au cĆur du rock, conÂvoÂquant lâesprit de la cumbia et du surf deÌjanteÌ façon BO de TaranÂtiÂno. Le groupe sera en conÂcert ce sameÂdi Ă la MaroÂquinerÂie Ă Paris. RenÂconÂtre.
ArtiÂcle issu du TsuÂgi 147 : Radio ActivÂiÂty, La folle hisÂtoire des radios musiÂcales : des pirates aux webraÂdios, disponible Ă la comÂmande en ligne.
En gĂ©nĂ©ral, lire le comÂmuÂniquĂ© de presse dâun disque qui sâapÂprĂȘte Ă sorÂtir est un exerÂciÂce plutĂŽt ennuyeux. On nous explique comÂment le groupe sâest renÂconÂtrĂ©, oĂč lâalÂbum a Ă©tĂ© enregÂistrĂ© et pourquoi leur musique est geÌniale. Sauf que pour Los Bitchos, on a droit aÌ quelques lignes ausÂsi deÌlirantes que la musique de ces AnglaisÂes qui se fichent des eÌtiquettes. On peut ainÂsi lire que la bande a comÂposeÌ une chanÂson apreÌs avoir avaleÌ des champÂis et quâ« une des memÂbres a un grand-peÌre cow-boy uruguayen, tanÂdis quâune autre a deÌjaÌ monteÌ deux poneys simultaneÌment aÌ la TV nationale sueÌdoise, dans une tenue conçue par le meÌme homme qui a conÂfecÂtionneÌ les cosÂtumes dâABBA ».
Lorsquâon renÂconÂtre les quaÂtre LonÂdoniÂennes Ă franges Ă Paris Ă lâocÂcaÂsion de la sorÂtie de leur preÂmier album, Let The FesÂtivÂiÂties Begin !, elles conÂfirÂment que tout est vrai, sauf lâhistoire des champignons. « En fait, câeÌtait plus comÂpliqueÌ quâune nuit sous influÂence chimÂique. » Si Los Bitchos noie le poisÂson conÂcerÂnant la drogue, le groupe ne surÂjoue pas son excenÂtriciteÌ. FormeÌ en 2017, le gang comÂposeÌ de SerÂra Petale (guiÂtare), AgustiÂna Ruiz (keyÂtar), JoseÂfine JonÂsÂson (basse) et Nic CrawÂshaw (batÂterie) a deÌmontreÌ en une poigneÌe de conÂcerts sauvages (dont les Trans MusiÂcales 2019), de sinÂgles tubesques et de clips deÌlicieusement kitsch de quelle folie sonore et visuelle il eÌtait capable.
Van Halen vs Cocteau Twins

© Tom Mitchell
Son seÌmillant preÂmier long forÂmat, Let The FesÂtivÂiÂties Begin !, conÂfirme notre engoueÂment en meÌlangeant avec une libÂerteÌ empreinte de nonÂchaÂlance, surf instruÂmenÂtal, rock psycheÌdeÌlique turc, chicha peÌruvienne, disco-funk, cumbia, pour aboutir aÌ un joyeux borÂdel jouisÂsif loin des carÂcans de la pop occiÂdenÂtale. « On vient de diffeÌrents endroits du monde, du Royaume- Uni, dâAustralie, de SueÌde et dâAmeÌrique du Sud, explique JoseÂfine. On a granÂdi avec des musiques diffeÌrentes, de MadonÂna aux meÌlodies latines. Cela se ressent dans nos chanÂsons. » Et quand on leur demande de qualÂiÂfiÂer cette musique reÌtrofuturiste qui ne ressemÂble aÌ rien de conÂnu, SerÂra sây colle sans deÌcevoir : « Je voulais que le groupe sonne comme Van Halen et Cocteau Twins, mais venant de Turquie. » InspireÌe par les disÂques de rock anaÂtolien des anneÌes 1970 de sa meÌre, la jeune multi-instrumentiste preÌcise que cette deÌfinition inconÂgrue nâa rien dâune blague. « Jâai adoreÌ le preÂmier album de Van Halen que jâeÌcoutais en boucle aÌ lâuniversiteÌ. Et je suis fan des prods des anneÌes 1980, quâelles soient shoegaze, new wave ou pop. On y entend touÂjours de droÌles de sons arrivant de nulle part pour creÌer la surÂprise. On ne sây ennuie jamais. »
Chez Los Bitchos, il y a ausÂsi des petits bruits eÌtranges qui surÂgisÂsent sans crier gare qui les font sorÂtir du lot immeÌdiatement. Leurs confreÌres ne sây sont pas trompeÌs. Elles ont treÌs vite tapeÌ dans lâĆil de Mac DeMarÂco, Black Lips et Ty Segall, avec qui elles ont tourneÌ, et ont sorÂti une chanÂson avec les NeÌerlandais dâAltin GuÌn. Et leur preÂmier album est proÂduit par une poinÂture de la musique briÂtanÂnique : Alex KapraÂnos, leader de Franz FerÂdiÂnand, qui ne cache pas son entÂhouÂsiÂasme les conÂcerÂnant : « Jâai vu quelques groupes qui renÂdent homÂmage aÌ la cumbia des 60s. Mais ce quâelles font est beauÂcoup plus inteÌressant. Chez elles, il y a meÌme du BritÂney. »
Lindsay Lohan, du mezcal et un chat noir
Les Bitchos nâheÌsitent pas aÌ lui renÂvoyÂer le comÂpliÂment en expliÂquant comÂbiÂen MonÂsieur Clara Luciani leur a apporteÌ sur ce preÂmier disque. « Alex a plein de syntheÌs cosÂmiques vinÂtage et une colÂlecÂtion de peÌdales bizarres qui rendait nos guiÂtares folles. Il nous demandait ausÂsi souÂvent quelle reÌaction on voulait provoÂquer avec nos chanÂsons. Et on reÌpondait quâon voulait que les gens dansent, sâamusent, prenÂnent du plaisir, se laÌchent sur nos morceaux. DâouÌ le titre de lâalbum. » Il ne faudrait donc pas chercher quelque enjeu milÂiÂtant chez Los Bitchos, dont la seule misÂsion avoueÌe serait lâentertainment. Le mot « fun » revient une bonne vingÂtaine de fois penÂdant notre renÂconÂtre avec celles qui disÂent vouloir creÌer « une musique ceÌleÌbrant le fait de se retrouÂver tous ensemÂble et ressemÂblant aÌ une feÌte ». Une feÌte ouÌ lâon sâimagine croisÂer des mariÂachis ayant abuseÌ de la teÌquila et du mezÂcal, des filles en sanÂtiÂags au regard vengeur et des pinÌatas de toutes les couleurs.
Il nây a pas de sigÂniÂfiÂcaÂtion aÌ ce nom. On le trouÂvait juste amuÂsant et ça sonÂnait espagnol.
On pense beauÂcoup aux films de Quentin TaranÂtiÂno, Robert Rodriguez (surtout Une nuit en enfer) et Russ MeyÂer en eÌcoutant les perÂcusÂsions agiteÌes de Los Bitchos. Sans compter les mulÂtiÂples reÌfeÌrences aÌ la pop culÂture distilleÌes par le groupe. Le dernier morceau de leur album, « LindÂsay Goes To Mykonos », fait alluÂsion aÌ une eÌmission de teÌleÌreÌaliteÌ ouÌ la starÂlette deÌchue LindÂsay Lohan ouvre un hoÌtel de luxe sur lâiÌle de tous les exceÌs. Et le clip fanÂtaiÂsiste de « Las PanÂteras », dans lequel les musiÂciÂennes se batÂtent conÂtre un chat noir, fait des clins dâĆil aÌ Kill Bill, ScooÂby Doo et DracÂuÂla. Mais chaÂcun pourÂra se faire son proÂpre westÂern au son des Bitchos. AgustiÂna note quâen effet, « on fait de la musique instruÂmenÂtale sur laqueÂlle chaÂcun peut se raconÂter une hisÂtoire, sâinventer ses paroles. On aime ausÂsi le fait de deÌjouer les clicheÌs. Parce quâon est des filles, beauÂcoup sâattendent aÌ ce quâon chante. Or on ne pousse que quelques petits cris de joie de temps en temps ». Si le mot « bitchos » eÌvoque celui de « bitchÂes » (forÂmule que les rappeuses ont reprise aÌ leur sauce pour la faire passÂer dâinsulte aÌ synÂonyme dâattitude feÌroce et puisÂsante), le gang ne revendique pourÂtant aucun parÂti pris feÌministe. « Il nây a pas de sigÂniÂfiÂcaÂtion aÌ ce nom. On le trouÂvait juste amuÂsant et ça sonÂnait espagÂnol, affirme Nic. Câest ausÂsi une coiÌncidence quâon soit un girls band, meÌme si on adore les Spice Girls. On nâa pas demandeÌ aux memÂbres du groupe dâen faire parÂtie parce quâelles eÌtaient des filles mais parce quâelles jouaient super bien et quâil y avait une belle alchimie entre nous. » Et si finaleÂment il nây avait pas plus « girl powÂer » que cette ideÌeâlaÌ : faire passÂer les compeÌtences artisÂtiques avant toute quesÂtion de genre ?
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