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Streaming : l’accord Deezer-Universal peut-il vraiment changer la donne ?

La plate­forme de stream­ing française Deez­er et le label de musique Uni­ver­sal Music Group ont annon­cé début sep­tem­bre la mise en place d’un nou­veau sys­tème de répar­ti­tion des artistes, visant à rééquili­br­er le partage des prof­its. Petite révo­lu­tion ou vraie-fausse bonne idée ? On passe en mode ‘Tsu­gi décrypte’.

À qui prof­ite le stream ? C’est presque devenu LA ques­tion au cen­tre de tous les débats dans le monde de la musique, avec en creux la juste rémunéra­tion des artistes émer­gents. Il y a encore quelques jours, le boss de Spo­ti­fy Daniel Ek réagis­sait à une polémique, selon laque­lle il était pos­si­ble de détourn­er le sys­tème de redis­tri­b­u­tion de la plate­forme : à l’aide de quelques robots et d’un peu d’imagination. Preuve de plus que les modes de rémunéra­tion relèvent par­fois de l’énigme et ouvrent la voie à toutes les théories. Le semaine dernière, Uni­ver­sal Music et Deez­er ont annon­cé la créa­tion d’un tout nou­veau mod­èle de répar­ti­tion des artistes, qui devrait pren­dre effet pour la pre­mière fois en France d’ici la fin d’année.

À l’heure actuelle, les revenus générés par le stream­ing sont répar­tis au pro­ra­ta des écoutes totales. Pour sim­pli­fi­er, l’argent revient majori­taire­ment aux artistes les plus écoutés, une méth­ode de cal­cul appelée “mar­ket cen­tric”. En clair, même si vous écoutez des artistes indé — on vous voit, les dig­gers -, il est plus que prob­a­ble que vos onze euros d’abonnement men­su­els finis­sent dans les poches de têtes d’affiche comme par exem­ple Doja Cat, dont le titre “Paint the Town Red a été écouté plus de 84 mil­lions de fois rien que la semaine dernière.

 

 

Uni­ver­sal et Deez­er emboî­tent le pas avec un nou­veau sys­tème, inti­t­ulé “artist-centric”, cen­sé soutenir plus juste­ment tous les artistes. Les artistes dits “pro­fes­sion­nels” — là-dedans, Deez­er inclut ceux qui génèrent plus de mille streams par mois, et au moins 500 auditeurs·ices uniques — se ver­ront récom­pen­sés d’un “dou­ble bonus” : chaque stream comptera dou­ble. Aus­si, Deez­er prévoit d’exclure bruits blancs et autres con­tenus non-musicaux. Les deux géants de la musique se rap­prochent donc du mod­èle “user-centric”, qui se base sur les écoutes des abon­nés, leurs abon­nements ser­vant directe­ment à rémunér­er les artistes écoutés.

Alors, petite révo­lu­tion ou gros effet d’annonce ? Pour la Fédéra­tion Nationale des Labels et Dis­trib­u­teurs Indépen­dants (FELIN), pas de réel change­ment à l’horizon. Dans un com­mu­niqué pub­lié une semaine après l’annonce des deux géants de la musique, la FELIN estime que si l’idée “sem­ble intéres­sante sur le papi­er”, ce fonc­tion­nement “paraît très éloigné d’un rééquili­brage des forces entre petits et gros acteurs, aux antipodes d’une plus grande équité et jus­tice du mod­èle d’exploitation du stream­ing”. Ajou­tons égale­ment que le pro­jet de Deez­er et Uni­ver­sal n’ambitionne pas de chang­er la répar­ti­tion des prof­its entre artistes, auteurs et labels. Reste encore, aus­si, à con­va­in­cre les autres grands du stream­ing comme Apple Music d’en faire de même. Et donc révis­er leurs modes de répar­ti­tion. Spo­ti­fy sem­ble s’orienter sur la piste des “super fans” — ils seraient 50 mil­lions aux Etats-Unis. Dans un tweet, Daniel Ek a récem­ment mis en avant le con­cept du “fans first”, leur accor­dant un accès pri­or­i­taire et d’autres privilèges.