Astropolis Hiver 2018. ©David Boschet

Toute la scène électronique française lance un appel d’urgence au gouvernement

La musique élec­tron­ique en dan­ger d’ex­tinc­tion.” C’est le titre de cette tri­bune pub­liée aujour­d’hui dans Libéra­tion par “plus de 170 musi­ciens, DJ et acteurs de la French Touch (Jean-Michel Jarre, Mar­tin Solveig, Lau­rent Gar­nier, Bob Sinclar…)”, appelant la min­istre de la Cul­ture à “pren­dre des mesures d’ur­gence en faveur de ce secteur extrême­ment frag­ilisé par la crise san­i­taire”. Voici la tri­bune dans son intégralité.

Madame la min­istre de la Culture,

Nous savons com­bi­en la musique clas­sique est pour vous une pas­sion, et nous nous réjouis­sons de voir à la tête de cette belle mai­son de la Cul­ture une femme qui l’aime tant. Une min­istre pour qui la san­té n’a pas de secret, au moment où le spec­ta­cle vivant auquel nous appartenons en a tant besoin.

Nous savons com­bi­en l’opéra est pour vous une pas­sion, mais savez-vous que depuis près de soixante-dix ans, et les pre­mières créa­tions de Pierre Scha­ef­fer (un Français !), les artistes de musiques élec­tron­iques font eux aus­si chanter leurs machines ? A leur suite, ce sont plusieurs dizaines de mil­lions d’amateurs, en France et dans le monde, qui font de ce courant aux expres­sions mul­ti­ples et foi­son­nantes l’une des plus imposantes musiques con­tem­po­raines. Son ray­on­nement est tel que, dans notre pays, le marché des musiques élec­tron­iques représente près d’un demi-milliard d’euros de chiffre d’affaires annuel, soit 17% du marché des musiques actuelles. En 2019 enfin, la Phil­har­monie de Paris présen­tait l’exposition «Elec­tro». Cette ini­tia­tive ambitieuse, venue de la musique savante et aujourd’hui déclinée à Lon­dres, sym­bol­ise une recon­nais­sance majeure pour ce genre musical.

Dans la lignée de Pierre Hen­ry, Jean-Michel Jarre, Daft Punk, Chloé, Lau­rent Gar­nier, Maud Gef­fray, Azf ou Bam­bounou, les grands musi­ciens élec­tron­iques français d’hier et d’aujourd’hui sont les illus­tres com­pos­i­teurs de leur temps et des généra­tions à venir. Ils inspirent une myr­i­ade d’artistes qui façon­nent la diver­sité cul­turelle de notre pays et, sous l’anglicisme expor­ta­teur «French Touch», ils con­tribuent forte­ment à l’aura de la France dans le monde. Enfin, si autre­fois les «noc­turnes» de musique clas­sique se jouaient la nuit pour la haute société, nos musiques élec­tron­iques rem­plis­sent aujourd’hui ce même rôle. Elles ren­dent la nuit vivante, en jouant leurs réper­toires pour un pub­lic mixte, sans éti­quette de classe, sim­ple­ment réu­ni pour vivre ensem­ble un moment de partage cul­turel et dansant. Quelle joie !

Forts de ce con­stat, et au même titre que d’autres secteurs économiques et cul­turels, nous avons aujourd’hui besoin d’engagements forts de votre part, alors que ce genre musi­cal est dans sa grande majorité extrême­ment frag­ilisé par les con­séquences de la pandémie de Covid-19. Nous avons aujourd’hui besoin de votre écoute et de votre sou­tien pour redonner de l’espoir et un hori­zon à l’ensemble de notre écosystème.

Au fil des années, le min­istère de la Cul­ture s’est pro­gres­sive­ment éloigné des cen­taines de com­pos­i­teurs et inter­prètes de musiques élec­tron­iques, préférant con­cen­tr­er son atten­tion et ses poli­tiques cul­turelles sur des seg­ments plus restreints du prisme de la créa­tion. Nous l’avons mon­tré, ce courant artis­tique, égale­ment cul­ture et mou­ve­ment, est pour­tant une esthé­tique incon­tourn­able du champ des musiques actuelles. Ce pan de la créa­tion que nous représen­tons doit aujourd’hui retrou­ver sa place au cœur de l’action de votre ministère.

«Nous veillerons à soutenir les secteurs les plus touchés par la crise, notam­ment le tourisme, le sport et la cul­ture» est un des objec­tifs de la feuille de route adressée le 15 juil­let 2020 de Jean Cas­tex, Pre­mier ministre.

Soutenir notre secteur artis­tique, c’est l’accompagner et pren­dre des mesures urgentes de sauve­g­arde des 100 000 emplois directs et indi­rects en France : musi­ciens, tech­ni­ciens, attachés de presse, per­son­nels des lieux de dif­fu­sion (clubs, salles de con­certs…), agents, saison­niers… tous privés de leur emploi.

Aujourd’hui, la plu­part des pro­duc­teurs et pro­duc­tri­ces de musiques élec­tron­iques et des DJ sont en dehors du cadre de l’intermittence : pour des raisons his­toriques, ils en étaient tout sim­ple­ment exclus jusqu’à il y a peu. En les pri­vant de leurs ter­rains d’expression, ils sont égale­ment privés de toute ressource, et nom­bre d’entre eux, notam­ment par­mi les artistes émer­gents, sont en sit­u­a­tion de grande détresse.

L’été sera bien­tôt der­rière nous. L’hiver sera sans doute aus­si glacial artis­tique­ment que les mois passés pour notre écosystème.

À l’instar de la cathé­drale de Nantes pour laque­lle mon­sieur Jean Cas­tex annonce une «recon­struc­tion la plus rapi­de pos­si­ble et ou l’Etat pren­dra toute sa part», nous exi­geons le même traite­ment avec la même urgence, nous appartenons au pat­ri­moine vivant !

Nous récla­m­ons un plan mas­sif pour le sauve­tage des artistes avec la créa­tion d’un fonds d’aide d’urgence. Madame la min­istre, vous devez sans atten­dre met­tre en place des dis­posi­tifs opéra­tionnels con­crets à effet immédiat.

Nous souhai­te­ri­ons égale­ment, avec les pro­fes­sion­nels de la dif­fu­sion de notre secteur en qui vous pou­vez avoir toute con­fi­ance, ouvrir le chantier très rapi­de­ment des «Zones d’urgence de la Fête», encadrées par un mode d’emploi unique d’une région à une autre et qui nous per­me­t­traient d’être dans l’action en fonc­tion de l’actualité pandémique.

Cela n’est envis­age­able qu’avec votre col­lab­o­ra­tion, avec la mise en place de règles claires accom­pa­g­nées d’un pro­to­cole val­able sur l’ensemble du ter­ri­toire. Cette per­spec­tive per­me­t­trait de tra­vailler à nou­veau, et de présen­ter à leurs publics les artistes français, a min­i­ma pour les longs mois à venir.

Les musiques élec­tron­iques sont un vecteur de valeurs puis­santes. Elles for­ment un secteur économique à forte valeur ajoutée locale, nationale et inter­na­tionale, et con­tribuent aux côtés de tous les arts à don­ner du sens à la vie, à cul­tiv­er les esprits, nour­rir le monde et le bien-être des sociétés. Sans ces artistes et ces espaces de dif­fu­sion, c’est un pan de la richesse cul­turelle du pays qui s’étiole sous nos yeux.

« Les musi­ciens sont les médecins de l’âme. » (Jean-Michel Jarre)

Les acteurs pro­fes­sion­nels ont déjà tra­vail­lé à des solu­tions tan­gi­bles, et dans ce cadre nous vous sol­lici­tons pour qu’une délé­ga­tion puisse être reçue, avec masque, par vous Madame la min­istre. Il y a urgence, la «cathé­drale des musiques élec­tron­iques» est en feu !

La French Touch ne touchera pas le fond ! Si vous nous aidez…”

Auteurs de la tri­bune : Kevin Ringeval, Michel Pilot, Jean Paul Deni­aud, Eric Lab­bé au ser­vice de la sphère électronique.

Sig­nataires : 14anger, 3672 Tech­no, A‑Traction Records, A.N.F.E.R., aamouro­cean, ABSL, Acid Arab, Act Right, AFX Book­ing, Ago­ria, Airod, Alex Gar­cia, Allo Floride, AMS Book­ing, Anetha, any­oneID, Aprile, ascen­dant vierge, Astrop­o­lis, Aza­mat B, AZF, Bal­a­gan, Bamao Yendé, Ban­di­tos, Bar­bi­e­turix, Bark Agency, Ben­der, Bob Sinclar, Bob Sleigh, Boe Strum­mer, Boom­bass (Cas­sius), Bright Lights Big City, Can­blaster, Cassie Rap­tor, Casu­al Gab­berz, Cezaire, Chloé, Chris­t­ian Zanési, Cit­i­zen Records, Cli­vage Music, Col­lec­tif Bra­gi Puffer­fish, Crys­tallmess, Damien Raclot-Dauliac aka Mr Bonus, Darza­ck, David Asko, David Car­ret­ta, David Duriez, DIF Pro­duc­tions, DJ Deep, DJ Slow, Dje­bali, Dream Nation, Dori­an Para­no, Drom, Eas­t­el, Elec­tric Res­cue, Elisa Do Brasil, Ep7, Éti­enne Jaumet, Evil Gri­mace, Fatal Wal­i­ma, Fée Cro­quer, François X, Gaia con­cept, ڭليثرGlit­ter٥٥, Grand Musique Man­age­ment, Hadone, Hangar FL, Hasard Ludique, I Hate Mod­els, Ill­nurse, Isabelle Warnier pour Pierre Hen­ry, Ixell, Jaci­dorex, Jack de Mar­seille, Jean-Michel Jarre, Jean Nipon, Jean Yves Leloup, Jérôme Pac­man, JKS, Joachim Gar­raud, Juli­ette Drag­on, Julian Muller, Kabylie Minogue, KASBAH, Krampf, L’Entrepôt, La Cre­ole, Lac­ch­esi, Laeti­tia Kat­a­pult, Lau­rent Gar­nier, Lau­rent Hô, Lam­bert Duch­esne, Leax 3fazé, Le Bask, Le Spot Club, Lecomte de Bré­geot, Lola ED, Loud Book­ing, Mac Dec­los, Mad­ben, Louisah­hh, Man­aré, Mar­tin Solveig, Maud Gef­fray, Math­ieu Cou­turi­er, Max Le Dis­ez, Mayeul, MDLM Brique Rouge, Mélis­sa Mer­cad­er, Métaphore col­lec­tif, Michaël Can­i­trot, Michel Gaubert, Michel Pilot, Mila Diet­rich, Miley Seri­ous, Miss Tick, Molécule, Myd, Myst, Nad­sat, Nathalie Duch­ene, Nathan Zahef, New­track, Nick V, Nico Moreno, NN, Noc­ta Numéri­ca, No-Hour Agency, Nyoko Bok­bae, Odd­i­ty Fac­to­ry, Palo­ma Colombe, Pan­dem­ic Events, Panteros666, P.Moore, Paul Seul, Paulie Jan, Pedro Win­ter, Piu Piu, PlaySafe, Point Éphémère, PWFM, Radi­um, Rag, Ramona Yacef, RAW Agency, Rinse France, Risk, Romain Bno, Roni, Rubin Stein­er, S3A, Sara Zinger, Sen­ti­men­tal Rave, Seth, Shlø­mo, Shon­ky, Sina XX, Spec­trum, Stéphane Viard, System‑D, Tapage Noc­turne, Tech­no Parade, Technopol, The Micro­nauts, Thomas | Pont Neuf, Teki Latex, Turn-A-Side, u.r Trax, Vital­ic, Voiron, Vois­ki, Von Bikräv, Wart, We Are Rave, Yan Wag­n­er, Yuk­sek, Zadig, Eti­enne de Crécy.

 

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