Crédit : Alexey Ruban

Une étude sur l’état de santé alarmant des professionnels de la musique

Dans quel état men­tal et physique se trou­ve l’in­dus­trie musi­cale en France ? Voilà la vaste ques­tion à laque­lle la Guilde des Artistes de la Musique (GAM) et le jeune col­lec­tif CURA ont ten­té de répon­dre. Pour se faire, ils ont réal­isé une étude auprès de 500 per­son­nes, hommes et femmes, tra­vail­lant dans le monde de l’in­dus­trie musi­cale pour met­tre en lumière les prob­lèmes qui découlent de ces activ­ités et ont organ­isé deux con­férences à ce sujet lors du MaMA Fes­ti­val en novem­bre dernier. Comme le rap­por­tent dans un arti­cle nos con­frères de Sour­dor­eille, présents lors de ce débat, le décor y avait été plan­té d’en­trée : “Tra­vailler dans la musique aujourd’hui amène à pos­er deux ques­tions fon­da­men­tales : com­ment faire pour devenir le prochain Avicii, et aus­si, com­ment faire pour éviter de devenir le prochain Avicii ?”. Une ques­tion qui révèle tout le car­ac­tère con­tra­dic­toire de l’in­dus­trie musi­cale. Pour rap­pel, le DJ sué­dois était le pre­mier artiste à dépass­er la barre des 200 mil­lions de streams sur Spo­ti­fy (2014) avant de se sui­cider, en 2018, après plusieurs années de dépression.

Tra­vailler dans la musique aujourd’hui amène à pos­er deux ques­tions fon­da­men­tales : com­ment faire pour devenir le prochain Avicii, et aus­si, com­ment faire pour éviter de devenir le prochain Avicii ?”

Pour com­mencer, cette étude s’at­tarde sur l’é­tat de san­té men­tale de l’in­dus­trie musi­cale. Sur le demi-millier de per­son­nes inter­rogées, qua­tre sur cinq souf­frent d’anx­iété et avouent se sen­tir déprimés. Un sen­ti­ment de déprime con­fir­mé par le fait que 23% des sondés ont réelle­ment été diag­nos­tiqués comme dépres­sifs. Une chiffre inquié­tant si on le com­pare à la moyenne nationale puisqu’il y est près de 2,5 fois supérieur. Ces sta­tis­tiques révè­lent une réal­ité con­nue pour­tant par beau­coup : la pré­car­ité finan­cière, le vie pro­fes­sion­nelle qui empiète sur la vie privée, le décalage de rythme de vie ou encore la pres­sion sociale sont autant de raisons qui aug­mentent ces phénomènes de stress et de dépression.

Mais au-delà des prob­lèmes men­taux, ce mode de vie a égale­ment des réper­cus­sions sur la san­té physique de ses acteurs. L’en­quête du GAM et du CURA révèle que qua­tre per­son­nes sur cinq souf­friraient de mau­vais­es habi­tudes ali­men­taires, de rythme de som­meil per­tur­bés ou encore d’un manque d’ex­er­ci­ce physique. Un véri­ta­ble dan­ger qu’en­courent les pro­fes­sion­nels dans cette course au succès.

À côté de ces prob­lèmes physiques, on peut ajouter les dif­fi­cultés que ren­con­trent les pro­fes­sion­nels de la musique vis à vis de l’al­cool, des drogues et de l’ad­dic­tion. Selon l’é­tude, 43% des per­son­nes inter­rogées esti­ment avoir un prob­lème avec l’al­cool (con­tre 10% des adultes français) et près de 30% con­fessent une addic­tion aux drogues.

Une autre ques­tion est au cœur de cette étude, celle du har­cèle­ment. Ain­si, on décou­vre que la moitié des femmes étudiées ont été harcelées morale­ment au moins une fois dans leur vie. Égale­ment que 31% affir­ment avoir été harcelées sex­uelle­ment dans le cadre de leur tra­vail. C’est bien supérieur à la moyenne nationale qui est env­i­ron de 20%.

Tout cela met en lumière le car­ac­tère prob­lé­ma­tique et le cli­mat lourd qui pèse sur les pro­fes­sion­nels du monde de la musique. Mais si la GAM et le CURA ont décidé de réalis­er cette enquête, c’est avant tout pour alert­er les pro­fes­sion­nels et les pou­voirs publics quant au mal-être des femmes et des hommes qui tra­vail­lent dans le secteur musi­cal. Car même si cette enquête ne peut que don­ner des ten­dances, et non pas des réal­ités absolues, elle per­met de con­stater la néces­sité d’in­ve­stir dans la préven­tion et la mise en œuvre d’un plan de préser­va­tion de la san­té et du bien-être des artistes et des pro­fes­sion­nels de l’industrie musicale. 

Le col­lec­tif CURA et la GAM tra­vail­lent d’ailleurs à la rédac­tion d’un guide pra­tique de préven­tion à des­ti­na­tion des professionnel.les de la musique, à paraître début 2020 et pro­poseront égale­ment des ate­liers à par­tir de jan­vi­er 2020.

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